Sommaire
Génération 1 : Anna
Journal d'Anna, chapitre 1
Journal d'Anna, chapitre 2
Journal d'Anna, chapitre 3
Journal d'Anna, chapitre 4
Génération 2 : Melinda
Journal de Melinda, chapitre 1
Journal de Melinda, chapitre 2
Journal de Melinda, chapitre 3
Journal de Melinda, chapitre 4
Journal de Melinda, chapitre 5
Journal de Melinda, chapitre 6
Génération 3 : Maelys
Journal de Maelys, chapitre 1
Journal de Maelys, chapitre 2
Journal de Maelys, chapitre 3
Journal de Maelys, chapitre 4
Journal de Maelys, chapitre 5
Journal de Maelys, chapitre 6
Génération 4 : Hermione
Journal d'Hermione, chapitre 1
Journal d'Hermione, chapitre 2
Journal d'Hermione, chapitre 3
Journal d'Hermione, chapitre 4
Journal d'Hermione, chapitre 5
Intermède : Aedan
Journal d'Aedan, chapitre 1
Journal d'Aedan, chapitre 2
Génération 5 : Luciane
Journal de Luciane, chapitre 1
Journal de Luciane, chapitre 2
Journal de Luciane, chapitre 3
Journal de Luciane, chapitre 4
Journal de Luciane, chapitre 5
Journal de Luciane, chapitre 6
Journal de Luciane, chapitre 7
Journal de Luciane, chapitre 8
Journal de Luciane, chapitre 9
Génération 6 : Mélusine
Journal de Mélusine, chapitre 1
Journal de Mélusine, chapitre 2
Journal de Mélusine, chapitre 3
Journal de Mélusine, chapitre 4
Journal de Mélusine, chapitre 5
Journal de Mélusine, chapitre 6
Journal de Mélusine, chapitre 7
Journal de Mélusine, chapitre 8
Journal d'Anna, chapitre 1
Premiers mots...
Cher journal ; ça y est, je l'ai fait ! J'ai laissé tomber l'ennuyeuse banlieue de Riverview pour m'installer ici, à Dragon Valley, terre de mythes et de légendes !
Je ne dépend plus que de moi-même pour que ma vie soit telle que je l'aurait rêvée : pleine de magie... Ah, si seulement j'étais magicienne ! Mais ce n'est hélas pas le cas.
Je vais fonder ici un petit paradis sur terre, où je pourrais manger le fruit de mes pêches et de mes récoltes, où je vivrais loin des impératifs des métiers stupides de la ville.
J'ai oublié de me présenter : j'ai 20 ans, je suis amoureuse de la nature, du froid, des animaux - surtout des chiens - et du surnaturel. Et on dit que j'ai une bouche à faire des baisers divins. Mais je n'ai jamais embrassé personne. Je garde mon premier baiser pour mon Prince Charmant. Et je m'appelle Anna. Anna Leipniz.
Ma passion à moi, c'est la pêche. Si j'ai choisi d'acheter cet immense terrain à Dragon valley, liquidant d'un coup toutes mes économies, c'est parce qu'il est situé juste entre une rivière et un plan d'eau. Je rêve du jour où je pourrais être entourée d'une multitude de petits poissons parfaits, de les voir virevolter dans leurs bocaux avec leurs écailles étincelantes... Ce n'est pas demain la veille. Pour l'instant, je revends le produit de ma pêche, pour subsister. Mais je ne demanderai d'aide à personne, ça non ! Je me débrouillerais seule, autonome jusqu'au bout, au point qu'après réflexion je refuserai un héritage même s'il se présente ! C'est glauque un héritage, c'est un peu tirer profit du décès de quelqu'un...
En attendant, je pêche, sous le soleil de Dragon Valley !
L'autre raison pour laquelle j'ai acheté un aussi grand terrain, c'est que j'ai un rêve : y élever une multitude d'enfants ! Une magicienne qui m'avait tiré les cartes m'en avait promis cinq, ainsi qu'un merveilleux mari "blond comme l'or et aux yeux d'émeraudes" qui serait, s'il faut la croire, magicien ! Moi qui rêve de magie depuis mon âge le plus tendre, je serais la mère d'une lignée de mages... Je n'y crois qu'à moitié - je rêve d'y croire, mais je n'ose pas - mais dans le doute, j'ai acheté le plus grand terrain de la ville !
Bien sûr, après j'étais complètement ruinée, et les fins de mois sont difficiles. Je n'ai pu y faire construire qu'une bicoque, avec juste le nécessaire, mais qu'importe ! Si ce rêve doit se réaliser, je m'en donne les moyens ! Et moi, ma bicoque, je l'aime !
A l'intérieur, quand je parlais du strict nécessaire... Rien à voir avec la cage dorée que j'avais à Riverview... Tiens, je vais même mettre des photos, comme souvenir, pour mes vieux jours... Juste un lit et une salle de bain.
Ce n'est pas grand chose, peut-être ; c'est même misérable selon certains ; mais c'est chez moi, et je n'échangerai ma maison pour rien au monde !
Je n'ai même pas eu assez pour m'acheter un frigo, ce qui fait que je mange dans la cuisine communautaire de la Taverne du Dragon, de l'autre côté du fleuve. Quel nom enchanteur ! Et que c'est beau ! Moi, Anna, je mange mes céréales ou ma salade verte dans un cadre magnifique !
Dragon Valley est une si belle ville ! On ne doit y trouver que des gens charmants. Il paraît qu'il y a quelques siècles, y vivait une colonie de dragons. Des dragons ! Si seulement ils avaient pu laisser un oeuf, un tout petit oeuf, pour m'attendre !
Derrière chez moi, j'ai planté quelques fruits et légumes. J'espère que la récolte sera bonne. Il paraît qu'à la pleine Lune, les âmes des damnés reviennent sous forme de zombies pour dévorer les malheureux errant encore dehors, et, en l'absence d'âmes humaines, des plantes ! Brrr...Ca me fait froid dans le dos. J'espère bien ne jamais voir ces zombies, et surtout, qu'il ne s'attaqueront pas à mon jardin ! Et je ne suis pas prête de sortir à la pleine lune ! Je peux te l'avouer, Journal, je suis un peu froussarde...
La rencontre
Cher journal, j'ai rencontré l'âme soeur ! Il est fait pour moi, je le sais, les étoiles ont lié nos destins bien avant notre naissance ! Il s'appelle Aedric, Aedric Cirkhaën... Et il est magicien !
D'or sont ses cheveux et d'émeraude ses yeux, la voyante ne s'était pas trompée !
Je l'ai rencontré en faisant le tour du voisinage, histoire de croiser mes voisins... Je commençais à me sentir seule, dans mon grand terrain, et les poissons, malgré leur beauté, n'ont pas une conversation fascinante...
Et c'est ainsi que je l'ai vu, Lui ! Baigné dans la lumière du soleil couchant ! Demain, cher journal, c'est décidé, je l'invite à la pêche.
Cher journal ;
Mon Aedric chéri m'aime, il m'aime pour de bon ! Dès notre rencontre, il m'a semblé passer un ange, j'ai ressenti un sentiment indiscible d'union. Je l'ai invité à venir avec moi auprès des vieilles ruines, me disant que, dans ce cadre romantique à souhait, notre union ne pouvait que s'épanouir... Tu imagines bien, journal, dans quel état je pouvais me trouver, tremblante à l'idée de ne pas lui plaire...
Et voilà qu'il m'avoue n'avoir pensé qu'à moi depuis notre première rencontre, notre premier regard... Il tiens à moi, journal ! Bien plus - j'ose le dire : je crois qu'il m'aime !
Alors je ne sais ce qui m'a pris, je n'ai pu m'empêcher de me jeter dans ses bras, et nous avons échangé notre tout premier baiser...
Et nous voilà fiancés, journal, devant ces ruines immémorables, témoins muets de notre amour !
Le mariage.
Aujourd'hui, cher journal, c'est le plus beau jour de ma vie ! Aedric et moi avons échangé nos anneaux et nos promesses d'amour éternel.
Nul n'était présent, que nous deux ; nul n'était nécessaire. Nous souhaitions tous deux un mariage intime.
Ces images resterons à jamais dans mon coeur ; moi, Anna, je suis désormais Mme Cirkahën !
Je vais maintenant te parler d'Aedric, cher journal ; nous étions faits pour nous entendre. Il est amoureux de la nature, comme moi, et pêcheur ; il est aussi excessif, et un tout petit peu névrosé, mais bon, chacun a ses défauts ; et comme moi, il aime les animaux. Son rêve : apprendre et apprendre encore "quand je saurais maîtriser trois compétences, je serai fier de moi", m'a-t-il confié. Je suis certaine qu'il va y arriver. D'abord, il est capable de tout, c'est un homme, pardon, un mage extraordinaire ; ensuite je le pousserai, et, quand je veux, je peux être un peu teigne. Et je suis prête à le titiller un peu pour qu'il réalise son rêve !
Bon, pour mémoire, parce que ça fait un peu tache dans la beauté romantique de ce jour (mais les choses domestiques et les soucis d'argents font partie de la vie, n'est-ce pas, journal ?) mon mariage m'a sortie une belle épine du pied : je ne savais pas si j'allais échapper à l'huissier. Là, non seulement nous avons de quoi payer les factures, mais on a même pu améliorer un peu la maison ! On a un frigo !
Bon, nous restons pauvres comme Job, mais quel plaisir de pouvoir cuisiner sa salade d'automne soit-même !
Bon, si nous sommes pauvres, c'est aussi parce que nous avons fait une folie : acheter une station d'alchimie, mais comment faire autrement pour Aedric ? Tout mage qui se respecte se doit de connaître l'Alchimie, la noble science de la Magie par excellence ! Je rêve de m'y mettre moi aussi, même si la station m'impressionne, avec son recueil ouvragé, ses bougies et ses cuivres lustrés... Aedric n'a pas de ces retenues : il passe sa vie dessus. "Un jour, Anna, si je me débrouille bien, tu pourrais être une sorcière, toi aussi", m'a-t-il dit. Ca, je ne sais pas, la voyante ne m'en a pas parlé...
Et désormais, nous pêchons côte à côte !
Je te laisse, cher journal, ces derniers jours ont étés si riches en émotions... Et mon lit m'appelle.
Journal d'Anna, chapitre 2
La vie quotidienne.
Cher Journal ; ici tout va bien ; je n'ai guère eu le temps d 'écrire ces derniers temps, tant nous tirons le diable par la queue, mais qu'importe ! Nous sommes tous les deux, ensemble, et nous nous aimons. Aedric étudie toujours l'Alchimie, je pratique toujours la pêche, et nous attendons avec autant d'impatience l'un que l'autre le moment où nous pourrons enfin donner la vie. Un enfant, preuve vivante et rayonnante de notre amour, de notre union, nous qui ne faisons en réalité qu'un tant nous nous aimons...
Aujourd'hui, nous sommes allés rendre visite à des voisins. Oh, pas parce que nous nous sentions seuls, nous nous suffisons très bien à nous même, merci ! Mais parce qu'ils avaient des animaux, des chiens, à donner... De pauvres petites bêtes qui attendaient leur prochain maître, leur prochain foyer... Des chiots, de tout petits bébés ! Dans ces cas là, je fonds, et Aedric aussi. Il faut qu'on se surveille, ou on est parti pour adopter toute une ménagerie.
Et nous avons choisi ensemble un chiot, une mignonne petite boule blanche appelée Kimo. C'est le nom d'un dragon légendaire. En attendant notre premier bébé, nous avons déjà un tout petit à cajoler.
Je lui ai installé une gamelle et un panier derrière la maison, une folie, au vu de nos finances, mais qu'importe ! Quand on aime, on ne compte pas. Et il nous rendra bien service quand il sera en âge d'apprendre à chasser ! Il n'a pas de panier encore, rien ne presse ; et je sais que Aedric espère - secrètement - qu'il dormira sur le lit, à nos pieds.
Aedric est fou que Kimo, il passe son temps à faire des "Oooooo" et à le poupouner, ils partagent dès à présent une amitié exceptionnelle.
Et moi, cher Journal ? Et bien, je continue à pêcher. J'ai déjà percé presque tous les secrets du noble art de la pêche, et c'est ainsi que je fais vivre ma petite famille. Et oui, cher journal, il faut bien vivre. Malgré tout on ne se nourrit pas que d'amour et d'eau fraîche, et une bonne omelette aux cèpes ne fait pas de mal.
C'est qu'il y en a de jolis coins où lancer, dans ce petit havre de paix de Dragon Valley ! Je ne résiste pas sur cette page à évoquer quelques paysages : ce petit coin, où je suis toujours seule, perdu dans son havre de nature...
Ou ces plages enchanterresses, qui cachent des espèces rares...
Ma préférée, surtout, où l'on trouve des salamandres lumineuses parfaites. C'est très utiles, les salamandres lumineuses, pour l'alchimie d'abord, et panées au gingembre ensuite. Une vieille recette que j'ai découverte dans un antique grimoire, à la bibliothèque. On est loin des hot-dogs ou pire, des tofu-dogs des barbecues de Riverview !
Aedric m'aide tant qu'il peut, le cher ange. Il a arpenté toute la vallée pour récolter des plants de légumes et d'herbes médicinales, afin de les repiquer dans notre jardin. Il peut même revendre parfois le surplus de sa récolte. Parfois, lorsqu'il emprunte quelques plans d'oignons aux voisins, il a même des réflexions désobligeantes, qu'il encaisse avec un stoïcisme admirable. Les gens sont si mesquins ! Enfin, le jardin pousse bien, et c'est l'essentiel.
Car maintenant, nous avons un jardin, et un beau ! J'y ai planté dès que j'ai pu les divers espèces que j'avais rapporté du potager de mes parents, enrichi par de nombreux voyages... Nous avons sans doute les plants les plus exotiques de la vallée, je ne suis pas peu fière !
Mon cher coeur s'est aussi mis à la pêche, "pour m'aider". Le cher ange, je ne sais pas comment lui dire qu'il pêche comme un mamouth... Je l'encourage tant que je peux. Du moins, s'il n'est vraiment pas assez expérimenté pour être compétent, est-il doué.
Il est si émouvant quand il tombe en lançant trop fort, à chaque fois, j'ai envie de le prendre dans mes bras, mais je me retiens, bien sûr ! Cher Journal, je ne voudrais pas blesser sa fierté d'homme, pardon, de magicien !
Parfois, il arrive à faire de belles prises. Là, il a l'air un peu dégoûté mais c'est normal, les crapuds, c'est toujours un peu frustrant, ça ne se mange pas. Mais c'est bien utile en alchimie.
Parce qu'il s'est passionné pour l'Alchimie, mon Aedric, toujours dans ses grimoires, ou à touiller son chaudron, à faire ces expériences étranges et merveilleuses que je suis trop humble pour essayer de percer - moi, pauvre humaine. Ah ! si seulement, un jour, il pouvait, par le biais de ce grimoire magique, me transformer en mage moi aussi !
Ah oui, j'ai épousé un magicien, un vrai ! Il n'y a qu'à voir comme il file sur son balai à l'heure de rentrer pour le dîner, il me laisse sur place ! Moi, je suis obligée de prendre le taxi...
Il sait aussi jouer avec la magie, et fait des étincelles étonnantes. Et j'ai gardé le meilleur pour la fin : hier soir, il a fait apparaître.... Une pomme !
Cher Journal ;
Le jardin a bien poussé, les horribles goules de la nuit ne sont pas encore venues, je ne sais pas si elles viendront un jour. Grâce à mes poissons et aux fruits et légumes d'Aedric, nous commençons à voir le jour suivant sans crainte.
De toutes façons, la mairie nous a exempté de factures. A moins que ce ne soit un effet imprévu de la magie de Aedric ? En tous les cas, le facteur n'apporte plus chez nous que quelques prospectus.
Aedric commence aussi à bien m'aider à la pêche. Ca fait du bien à nos finances, deux pêcheurs là où auparavant il n'y en avait qu'un. Nous avons pu un peu agrandir la maison. C'est qu'il faut faire de la place, si nous devons, comme on me l'avait prédit la voyante, avoir cinq enfants !
J'ai encore trouvé un petit coin où pêcher. Ici, j'attrape surtout des poissons robots ; ce ne sont pas mes préférés ; ils pèsent lourds, et j'ai toujours peur de casser ma canne.
Aedric est un aussi vrai bricoleur : chaque fois qu'on casse un évier ou qu'on bouche les toilettes, c'est lui qui s'y colle. Et sans magie ! "Laisse faire l'homme" dit-il. J'aimerai mieux qu'il me règle ça d'un coup de baguette, mais je ne dis rien.
Et fait de plus en plus souvent des étincelles à la place de la fumée verte des débuts. Comme je suis fière de lui !
C'est là que je pêche le plus souvent. Oui, au cimetière, la nuit. Depuis que je maîtrise toutes les subtilités de la pêche, je parviens à capturer des poissons létaux ; ils se revendent 200 à 300 simflouzs pièce ! Avec trois par nuit, j'arrive à nous enrichir.
En plus, on y fait souvent des rencontres intéressantes... des fantômes que j'observe, tout en pêchant. je ne les dérange pas ; ils ont déjà été enquiquinés toute leur vie, ils méritent un peu de repos.
Grâce à mon travail, on a pu agrandir la maison. Je ne suis pas peu fière ! Je suis épuisée par ces nuits sans sommeil, mais le jeu en valait la chandelle !
Désormais nous avons, Journal, une cuisine salle à manger, une salle de bain, une pièce séparée pour étudier l'alchimie, et notre chambre. Quatre pièces ! Bon, il n'y a pas encore de fenêtre, ni de papier au mur, mais tout vient à point à qui sait attendre...
Nous avons même réalisé un rêve et acheté... un berceau, qui trône dans un coin de notre chambre. Quand Aedric l'a rapporté de chez le menuisier-magicien local, j'ai bien compris son regard : il a autant hâte que moi de voir la frimousse de nos enfants, de les voir s'ébattre dans le jardin, jouer et grandir, faire de la magie aussi, qui sait ? Je ne sais pas du tout si la magie est héréditaire... Pourvu qu'ils tiennent d'Aedric !
Je veux fonder une dynastie de magicien. Peut-être même devenir mage moi-même.
"Sorcier" disent les autres ; quel vilain terme ! Mais je sais ce qui les pousse à l'utiliser ; ils sont jaloux, c'est tout.
Le temps passe si vite quand on est, comme nous, heureux et très occupé ! Déjà, notre petite boule blanche - Kimo - hurle pour nous inviter à assister à son premier anniversaire !
C'est qu'il est déjà devenu un grand toutou ! Un magnifique chien tout blanc qui m'arrive à la taille !
Evidement, c'est du travail en plus... Il faut le dresser, le laver...
Je tente - un peu en vain, pour le moment, mais je ne désespère pas - de lui apprendre à chasser, pour qu'il participe aux efforts de la maisonnée. Pour l'instant il ne me rapporte que du quartz fumé, mais c'est déjà beau pour lui qui n'était qu'hier qu'une boule de poils !
Bien sûr, mon amoureux des bêtes a presque aussitôt rapporté un autre bébé à la maison... Un chaton, du nom de Kinna - un autre dragon mythique. Du coup il y a la litière à faire, mais je ne me plains pas, il est si choupinet ! En plus, la litière, c'est Aedric qui la fait.
L'ère du dragon.
Oh, cher journal ! Je suis si heureuse ! Un de mes voeux les plus chers vient de se réaliser. Jamais je n'aurais pensé que moi, Anna Cirkhaën, verrais un jour un de ces êtres mythiques et légendaires que je chéris tant et qui ont donné leur nom à cette vallée merveilleuse... Aujourd'hui, figure-toi - je suis si excitée que j'en tremble - que Aedric a trouvé dans un champ une pierre étrange, polie, et d'une solidité égale au diamant ...
Et voilà que devant ses yeux émerveillés - quoiqu'un peu inquiet, si j'en juge par cette photo - la "pierre" a commencé à se fissurer ! Je suis si émue, cher journal ! Il s'agissait d'un oeuf, d'un oeuf de dragon !
Et Aedric a rapporté à la maison un petit dragon vert, minuscule, un bébé sans doute. Nous l'avons appelé Kiraen.
Cher Journal ;
Kiraen fait chaque jour la preuve de ses étonnnants pouvoirs. C'est vraiment une créature magique ; en un clin d'oeil, il va ramasser les fruits de notre récolte, et fertilise les plantes avec son.. Bref, fertilise les plantes. Le jardinage semble mille fois plus facile quand on l'a a ses côtés ; il ne reste plus qu'à désherber, et replanter les plants morts.
Aedric m'assure qu'il l'a aidé à mieux comprendre le rythme des saisons. En tout cas, il maîtrise à présent le jardinage ! Est-ce le fruit de ses efforts, ou grâce au dragon ?
Enfin, on a quand même beaucoup de travail. Ils sont magnifiques, ces chevaux sauvages, mais ils ont une nette tendance à brouter les meilleurs plants d'oignons du jardin... Et il y en a tout un troupeau qui a choisi notre terrain comme lieu de pélerinage.
Là, encore un ! Bon, c'est vrai qu'il est beau... Aedric est tout fou dès qu'il les voit, je sais qu'il rêve dans le secret de son coeur d'en adopter un, mais voilà, il chevauche des balais, pas des quadrupèdes.... Quand comme lui on ne touche pas une bille en équitation, les chevaux sauvages le sentent, c'est forcé. il se contente donc de les observer de loin... Et de repiquer les têtes d'oignons.
Bref, tu l'auras compris, cher Journal, le jardin nous occupe la plupart de notre temps. Le peu de temps libre restant, je le passe à la pêche. La pêche et le jardinage plutôt qu'un bureau étroit, dans une ville nauséabonde, le soleil de dragon Valley tapant sur notre dos, la compagnie vingt quatre heures sur vingt quatre d'un mage à mes côtés, d'un mage qui m'aime, plutôt que de banlieusards attardés dépourvu de toute once de surnaturel... J'ai trouvé mon bonheur.
Et mon bonheur va bientôt être plus complet encore, car je viens de découvrir que je suis enceinte. J'ai quelques nausées matinales, un peu de fatigue, mais c'est tout. Je le savais - je suis faite pour donner la vie.
Et voilà que mon chien Kimo partage mon bonheur, en liant avec moi une amitié exceptionnelle et en me rapportant sa première pierre précieuse, une pierre de sang ! Aussitôt revendue...
Les zombies.
Cher Journal ;
La lune est pleine, ce soir, et baigne Dragon valley d'une étrange lumière blafarde, que n'arrivent pas à combattre les faibles flammes de notre foyer. Je sens un frisson le long de mon dos. L'athmosphère est pesante, en ce début d'automne, et la température s'est rafraichie d'un coup. Peut-être va-t-il geler.
Je ne me sens pas bien, cette nuit, cher journal. Je suis anxieuse, fébrile, je guette par la fenêtre je ne sais quelle créature issue de mes cauchemards.
C'est alors que je les ai vus.
Les zombies ! Ils existent bel et bien ; ils sont d'une laideur à faire glacer le sang, à faire vibrer les os. Ils sont là, issus de nulle part, dans le jardin. Je n'ose sortir. L'espace d'un instant, et ils ont commencé leur oeuvre destructrice ; et j'assiste, impuissante, à la dévastation du travail de ma vie.
Mon Dieu ! Aedric n'est pas encore rentré...
Mais combien sont-ils ? Ils semblent une multitude, la bête aux cents têtes et aux cent crocs est sortie. Dieu soit loué, Aedric est rentré, mais lui non plus ne peut rien faire. Il feuillette, impuissant, le grimoire, tentant en vain d'élaborer quelque charme, quelque formule suceptible de les éloigner ne fut-ce qu'un moment...
Nous ne pouvons rien faire, qu'attendre.
Dieu soit loué, toutes les nuits, même celles des cauchemards, ont une fin. Le jour s'est levé, la lune décroît. Je sors, inquiète, traînant mon ventre encombrant, évaluer l'étendue du désastre.
Nos plantes ! Notre jardin si choyé ! Notre jardin, surtout, dont nous tirons presque toute notre subsistance... Une plante sur trois environ est morte, désséchée, la sève aspirée par les mâchoires brutales et maléfiques des zombies... Dieu soit loué, ils n'ont pas touché aux arbres ; mais la valériane, la mandragore, les cèpes si goûteux, les truffes si précieuses, tous les champignons ou peu s'en faut sont morts. Ne reste qu'à replanter. Et l'hiver ne tardera plus ; ce que les goules nous ont pris, c'était notre dernière récolte ...
Alors, courageusement, sans réfléchir, nous replantons.
Harassée par cette journée, je suis perclue de courbattures. Mes reins me brûlent de manière atroce. Et c'est là que je réalise que ces efforts ont déclenchés les premières contractions ! Je suis en train d'accoucher, seule dans une ville presque inconnue, sans personne à mes côtés, ni sage femme, ni médecin, rien qu'un empoté de mari qui panique et ne sait que faire !
Enfin, au bout de quelques heures, la délivrance arrive. Je donne naissance à une fille, Melinda, amoureuse de la nature comme ses parents, un petit génie qui illumine déjà la maison. Je participe, moi aussi, à mon tour, au miracle de la vie, aussi bien qu'aucun magicien ne pourrait le faire.
Comme elle est belle, ma fille ! Aucun enfant au monde n'a la clarté de son regard... Je suis si émue, en voyant ces photos, de ces derniers instants de joie et de ce moment d'inscouciance volé, où il n'existait plus au monde que nous trois...
Mais les douleurs ont repris ; j'aimerai pouvoir dire que j'ai été bénie par une seconde naissance en donnant le jour au jumeau de Melinda, Derwin, déjà athlétique et bienveillant ; mais les soucis me rongent trop pour que je puisse vraiment me réjouir.
J'attendais un enfant avec confiance en l'avenir ; me voilà avec deux bébés affamés au moment même où nos meilleures chances sont réduites à néant ; et l'hiver vient.
Oh, Journal, qu'allons-nous devenir ?
Journal d'Anna, chapitre 3
Cher journal ;
J'ai mis du temps avant de pouvoir reprendre la plume ! C'est que nous venons de traverser une période très difficile. Elever, des jumeaux, dans des conditions aussi précaires, n'est pas de tout repos. J'espère que mes futurs enfants naîtront dans une période moins troublée.
Celà dit, si j'ai ressenti d'emblée quelques inquiétudes, Aedric lui était fou de joie de la naissance des jumeaux. Son enthousiasme et sa confiance en l'avenir m'ont infiniment soutenue. J'ai eu raison de le choisir comme époux ; il fait un père extraordinaire, plein de joie, de tendresse et d'amour.
Ses cris de joie ont résonné dans notre petite bicoque comme une fanfare !
Bien sûr, les réveils nocturnes incessants - faute de place, les berceaux sont dans notre chambre - ont un peu altéré son humeur, mais rien de grave, il se contente de vérifier l'évier une fois de plus, ou la cuisinière.
Son préféré est son fils Derwin, malgré son absence de don. Et oui, Derwin n'est, comme moi, qu'un humain ordinaire. Je l'aime quand même, bien sûr ; mais je dois avouer dans le secret de mon coeur que je préfère ma fille, Melinda. Elle est ma première née, ma fille chérie ; et elle est magicienne, je l'ai ressentie dès qu'elle a entrouvert son regard sur le monde.
Père parfait, Aedric ne témoigne à ses enfants aucun favoritisme, et passe autant de temps avec sa fille qu'avec son fils. Il les secoue comme des pruniers, mais je ne m'inquiète pas, les enfants,c 'est solide.
Bien sûr, les couches sales, ce n'est pas une affaire d'homme ; pour cette partie de l'éducation, il préfère laisser la place à mes douces mains.
Cher Journal ;
Je suis épuisée par tant de nuits blanches, mais il fallait que je note la joie de cette jounée : les jumeaux ont grandi. Dans une nuée d'étincelles qui m'a surprise, si vite que je n'ai pu prendre de photos. Je reporte quand même sur tes pages des photos d'Aedric et des enfants. Cher Journal, ils sont juste magnifiques. Je suis si heureuse d'être mère, quand je les vois, que je pense déjà à en mettre en route un troisième.
Voici mon fils, Derwin, dans les bras d'Aedric fier comme tout de voir son grand garçon.
Et voici mon bébé chéri, ma fille Melinda. N'est-elle pas à croquer, absolument adorable, toute mignonne en rouge ? Je les ai vêtus de leurs couleurs préférées : rouge pour Melinda, brun épicé pour Derwin.
Je tente de cacher ma préférence, cher Journal, car il n'est pas bon pour mon fils de se sentir au second plan. Oh ! Il n'est pas délaissé, mais Melinda est le soleil de ma vie. Je crois parvenir assez bien à les traiter équitablement.
Bien sûr, ravi et joyeux, Aedric a participer à la tâche harassante qui consite à apprendre à ces enfants l'autonomie. Qu'il est valorisant - et qu'il est éprouvant ; ce n'est vraiment pas de tout repos - de donner à ces bambins les graines de leur épanouissement futur !
Après avoir appris à marcher et à parler à Derwin, Aedric s'est lancé dans les mêmes manoeuvres avec Melinda. J'adore le voir avec les enfants, c'est un père si doux, si attentionné... Bon, il fait toujours de petites crises de nerfs quand il est réveillé en pleine nuit par une couche sale ou un biberon à donner, mais vraiment, c'est bien normal. Je me lève et je m'en charge, pour qu'il puisse se recoucher au plus vite.
C'est dans ces circonstances que Rinna, le chaton, a grandi. Malheureusement peu entouré, car nous étions très occupés avec les enfants...
C'est devenu un beau matou qui s'est mit sur le champ à s'exercer à la chasse tout seul. Cher Rinna, cher Kimo, je crains que nous ne les ayions délaissés quelque peu pendant cette éprouvante période.
Le jardin lui aussi est quasiment à l'abandon. Nous n'avons tout simplement pas le temps matériel de nous en occuper.
Mais ce sacrifice a porté ses fruits : les enfants gazouillent comme des pies, trottent partout dans la maison et sont propres ! Et, oh, comme ma petite Melinda est mignonne...
Nous nous sommes ensuite lancé dans un grnd ménage de printemps, euh, pardon, cher Journal, d'automne ; car ma petite bicoque était absolument répugnante.
On a donc frotté, récupé, nettoyé et gratté...
Et j'oubliais : épongé, des traces dont je ne veux pas connaître la provenance... Beurk ! Entre le chien, le pot qui déborde et les jumeaux, ça ne sentait vraiment pas très bon dans la maison...
Dieu soit loué, le côté névrosé, maniaque, d'Aedric a ses avantages ; il peut passer des heures à frotter une baignoire pour qu'elle retrouve l'état étincellant de ses premiers jours.
Et, cher Journal, je pense que je suis bénie par une seconde grossesse ! A moins que ce ne soit la salade d'automne un peu défraîchie que j'ai mangé hier. Et oui, nous mangeons surtout des restes, occuppés comme nous le sommes, et notre frigo n'est pas d'une extraordinaire qualité... Mais nous sommes intransigeants sur la stérilisation des biberons des petits !
Nous avons reçu par la poste de jolis certificats signant notre acceptation aux clubs les plus privés de pêche et de jardinage... Ils étaient si beaux, ils faisaient si bien sur notre mur ! Mais, faute de moyen, nous avons dû les vendre. 2000 simflouz, ce n'est pas rien, et cela nous a permis de passer un cap difficile. Inutile de te dire, cher Journal, que je n'ai guère eu le temps de pêcher, encore moins des poissons létaux. Nous avons dû vivre sur nos maigres économies.
Mais ce qui nous a vraiment sauvés, ce sont eux : Kimo le chien et Rinna le chat. Chassant, inlassablement, dans la tourmente de l'hiver, ils nous ont permis de survivre sans souffrance en revendant leurs proies.
Et, déjà, mon fils Derwin gazouille gaiment... Je reconnais ce pepiement : il s'apprête à fêter son anniversaire !
Et cette fois ci, attentive à ses moindres gestes, je capte de mon objectif les étincelles fatidiques !
Pas le temps de s'arrêter que c'est déjà le tour de ma petite chérie Melinda !
Des nouvelles étincelles, magiques, cette fois ci, illuminent notre bicoque. Mon Dieu, où allons nous trouver la place de mettre des lits d'enfants ?
Il a donc fallu réaliser quelques travaux. Nous commençons à avoir une maison ressemblant à quelque chose ! Bon, les apparences ne sont pas l'essentiel, mais, cher Journal, mieux vaut faire envie que pitié.
Ma petite Melinda a grandit en grace et en beauté, et est devenue écolo. Ce n'est pas à notre mode de vie qu'elle trouvera à redire.
Derwin, lui, est devenu un beau petit garçon, mais sans le moindre atome d'humour. Sans doute est-ce la conséquence de la période de stress dans laquelle il a grandi, et pendant laquelle nous n'avons pas ri tous les jours. Je crois beaucoup à la nécessité d'un environnement chaleureux, sécurisant et harmonieux pour élever des enfants heureux et épanouis.
Et le prochain sera sans doute plus heureux de vivre que le pauvre Derwin, puisque, cher Journal, c'est officiel : je suis enceinte à nouveau !
Aujourd'hui, c'étati le premier jour d'école des jumeaux. J'étais là, bien sûr, pour assister à leur première rentrée scolaire. leur école est tout simplement magnifique ; si j'avais étudié dans un établissement pareil, je suis sûre que j'aurais développé plus de goût pour l'étude.
Maintenant que j'ai un peu de temps libre, je peux enfin retourner à ma passion : la pêche.
Melinda m'accompagne parfois, même si je sens bien que ce n'est pas une passion pareille à la mienne ; elle aime simplement être au grand air, et être avec moi.
Ce qu'elle aime par dessus tout, c'est chevaucher son balai. Bien sûr, pour l'instant, elle a encore les petites roues sur les côtés pour des atterrissages en douceur, mais elle se perfectionne chaque jour. Et elle file comme le vent !
Le petit génie en elle adore également les jeux de logique, comme les échecs. Comme nous n'en avons pas à la maison (elle est vraiment jolie, notre maison, mais il faut reconnaître qu'elle n'est pas très meublée pour le moment), elle joue dans les parcs publics. En particulier au Parc des jeux, qui semble avoir été conçu exprès pour elle.
Son frère préfère jouer et s'inviter chez les voisins, il est beaucoup plus sociable, malgré son absence patente d'humour ( parfois, il m'ennuie à mourir). Il aime aussi dévorer les bibliothèques de ses amis d'école ; parce que là non plus, de bibliothèque, nous n'en avons pas.
Aedric s'est remis à ses chères études d'Alchimie. Il parvient à en comprendre les plus petites subtilités, ou presque. Il ne faudra pas longtemps pour qu'il maîtrise enfin cette noble discipline.
Il taille aussi les pierres que lui rapporte Kimo le chien, leur donnant ainsi une plus value bien intéressante. Cher Journal, je dois te sembler un brin matérialiste, mais enfin, mieux vaut être riche et bien logé que pauvre et sans toit.
Le moment de la naissance de mon bébé est arrivé. Je suis beaucoup plus rassurée, sans doute grâce à la présence sereine et calme de ma fille à mes côtés.
Et je suis fière, cher Journal, de t'annoncer la naissance de Matheus, un petit virtuose amoureux de la nature. Les fées se penchent sur les berceaux de mes enfants, on dirait.
Aedric est aussi fou de son fils cadet que de l'aîné. Il le secoue encore et encore. Mais, comme je l'ai dis, les enfants, c'est solide. Enfin, je crois...
Et, cher journal, je suis à nouveau enceinte ! A ce rythme là, je les aurais, mes cinq enfants promis par la voyante ! J'espère juste que le cinquième arrivera un petit peu plus tard, parce que là, je commence à être un peu fatiguée...
Comme il est hors de question de voir à nouveau la maison - notre belle maison, désormais, pas la petie bicoque des débuts - ressembler à un dépotoir, nous avons faits un achat fabuleux : un cercueil de Brunehilde ! Mais c'est un investissement, Brunehilde vous sert, paraît il, pendant plusieurs générations ! Ce brave squelette s'occupera de ma vaisselle sale, de vider les pots, de la litière, et je pourrais me consacrer pleinement à l'éducation de Matheus et du bébé encore à venir !
Du coup le petit dernier a droit à bien plus de câlins que ses aînés. Il a reçu de la fabrique de jouets magiques d'un grand oncle d'Aedric une sorte de poupée hideuse qu'il affectionne, et bien, je passe tant de temps avec lui que je ne le vois presque jamais jouer avec !
En deux jours, je lui ai appris l'essentiel : la marche, la parole, le pot. Quand c'est fait, c'est plus à faire.
Et j'ai eu raison d'être prévoyante, cher Journal, car voici que me prennent les douleurs de l'enfantement. Je commence à reconnaître les signes avants coureurs, à la longue, mais ce n'est pas plus agréable pour autant. Enfin, ce n'est qu'un mauvais moment à passer...
C'est ainsi qu'est née ma seconde fille, ma petite Meriem. C'est un bébé plein de vie et de sourires, très ouverte sur le monde, prête à se lier d'amitié avec chacun, et s'excitant pour le moindre rayon de soleil. Encore une fois, je remercie les bonnes fées pour les dons accordés à mes enfants...
Cependant, de mes quatre enfants, seule Melinda a hérité des pouvoirs étranges et magnifiques de son père. Ni Derwin, ni Matheus, ni Meriem ne sont magiciens, sniff ! Ce qui renforce ma préférence cachée pour mon aînée, mais chut ! Je ne compte pas le leur dire.
Cher Journal ;
Aujourd'hui, j'ai pêché un poisson rouge noir absolument splendide, je dirais même : parfait. C'est le treizième poisson aussi beau que je pêche de ma vie. Treize, un chiffre symbolique. Ma maison est remplie, comme je le souhaitais, de ces créatures marines aux écailles étincellantes. Cher Journal, j'ai réalisé mon rêve.
Cher Journal ;
Comme le temps passe ! C'est déjà l'anniversaire des jumeaux. Ma Melinda chérie tourne à tout va le tourniquet maléfique, son frère souffle dans son cornet de toute la forces de ses poumons, il y a un boucan pas possible dans la maison, mais qu'importe ! C'est jour de fête ! Mes aînés vont déjà devenir des adolescents.
Melinda, l'aînée des jumeaux,s cintille, et je vois déjà dans un éclair la beauté qu'elle va acquérir... Et les soucis qu'elle va commencer à me causer.
Et voilà, cher Journal, elle est magnifique. Elle a acquis, elle, le sens de l'humour qui manque tant à son jumeau. Ils sont donc définitivement complémentaires. D'ailleurs, ils ne se quittent, guère, jouant et pêchant ensemble à toute occasion.
Aussi, bien que les garçons mûrissent moins vite, paraît-il, son jumeau n'hésite-t-il pas une seconde à l'imiter et à grandir comme une mauvaise herbe !
Il est un peu intimidé de grandir, mon Derwin, mais peu importe, je sais qu'il deviendra quelqu'un de bien une fois adulte. Quelqu'un de posé et de responsable, s'occupant des siens avec la bienveillance qu'il témoigne depuis son premier jour. Même si là, il développe un goût pour les fêtes et la danse qui m'inquiète quelque peu.
Cependant, je le trouve absolument splendide. Oh, je connais des donzelles à Dragon Valley qui vont fondre devant son minois ! J'espère qu'il me ramènera une petite fiancée gentille, et capable de reconnaître mes qualités ; parce que je connais les jeunes filles, et je suis tout de même sa mère !
Sur ce, Cher journal, je te quitte, Meriem pleure. Je ne suis peut-être plus de première jeunesse, mais je reste indispensable. mes petits ont besoin de moi.
Journal d'Anna, chapitre 4
Cher Journal ;
La vie est quand même devenue beaucoup plus facile depuis que mes deux grands, Melinda et son jumeau Derwin, sont en âge de m'aider. Désormais, si je suis toujours la seule réveillée la nuit pour changer des couches sales et calmer des coliques, du moins ai-je dans la journée un peu de répit. Le temps de faire la sieste. Quatre enfants, c'est du travail, on ne viendra pas me dire le contraire. Aussi, cher Journal, je tenais à leur témoigner ici ma gratitude ; au lieu d'aller s'ébattre dans les collines et ramasser des fleurs sauvages, mes deux grands se montrent adultes et responsables, s'occupant gentiment de Matheus en particulier, s'occupant de la maison et des bêtes. Pourtant, ils ne négligent pas leurs devoirs pour autant. Je suis très fière d'eux.
Ma petite Melinda en particulier est une vraie mère poule pour son petit frère et sa petite soeur. Les deux petits l'adorent. J'espère juste que le premier mot de Meriem ne sera pas "Mel" au lieu de "Maman". Après toutes ses nuits à calmer ses coliques, je le prendrais mal. Pourquoi faut-il que cette enfant fasse autant de coliques ? Ma voisine m'a conseillé l'essence de passiflore, je vais essayer.
Mon grand garçon, lui, s'est mis aux fourneaux. Il arrive même à préparer maintenant des pancakes mangeables. Mais son plat préféré reste quand même les céréales. On en aura mangé, des céréales ! Et comme c'est un peu étouffant, il en reste toujours... Des restes de céréales, il y en a plein le frigo... En plus, sa soeur proteste que ce ne sont pas des céréales "bio". Elle ne mange que du bio, elle m'énerve un peu avec ça. La vie est déjà assez compliquée sans que Mademoiselle ait des restrictions alimentaires.
Et n'oublions pas Brunehilde ! Je dois la remercier pour toute l'aide qu'elle m'apporte. Il faut que je pense à mettre de côté un os ou deux pour ses étrennes. Je ne suis pas du genre à oublier le petit personnel, ça non !
Cher Journal ;
En pêchant au cimetière, j'ai trouvé de quoi remercier mes adolescents. Non pas un, mais trois oeufs de dragons ! J'aurais le mien, et les jumeaux auront chacun le leur... Note pour plus tard : vérifier au cimetière s'il n'y a pas d'autres oeufs dans le futur. Meriem et Matheus voudront sûrement le leur plus tard.
Meriem, Matheus et le petit dernier car, cher Journal, je suis de nouveau enceinte ! Pour la cinquième fois ! Je dois t'avouer, cher Journal, que j'hésite entre la joie et une certaine lassitude...
Les dragonneaux sont nés, il y en a un vert - le mien, parce que c'est bien pratique tout de même pour le jardinage - et deux violets, pour les jumeaux. J'ai appelé le mien Orman. Derwin a baptisé son dragonneau - un mâle - Merlin, ce qui est bien joli. J'aurai bien appelé un de mes enfants Merlin. Mais ne t'abuses pas, cher Journal, je n'aime pas assez ce prénom pour en faire un sixième !
Et Melinda a appelé sa petite femelle Viviane. Je ne sais pas encore quels sont les dons magiques des dragons violets ; en tous cas, les jumeaux les adorent, et il faut bien dire que c'est très décoratif. Plus original qu'un médaillon.
Et c'est déjà l'anniversaire de ma petite Meriem. Je me demande de qui elle va tenir ...
Et bien, elle est blonde, mais elle me ressemble assez pour la forme du visage. Bon, je sais ce qui m'attend : la marche, la parole, le pot... Je commence à être rodée.
Et il n'y a rien à attendre de la part de mon cher époux : il est à la pêche. Après l'alchimie et le jardinage, il s'est mis en tête de maîtriser cette dsicipline. J'aimerais bien parfois qu'il soit un peu plus présent à mes côtés, mais il insiste pour réaliser son rêve avant que la vieillesse nous frappe. "Tu m'as tellement soutenu, c'est un cadeau que je veux te faire", m'a-t-il dit. Moi je dis, les hommes, pour les corvées, tous les mêmes.
Ce coup ci, le petit cinquième, je l'ai mis au monde toute seule. Melinda était au lycée. Allez, Anna, respirer, souffler, respirer...
J'étais si épuisée après cet énième accouchement que j'ai juste posé le bébé par terre et que je suis allée me coucher. C'est Melinda qui a prit la relève. J'espère que ma fille se contentera de trois ou quatre enfants, plus c'est un peu trop... Quoi que ... J'aimerais bien m'occuper de mes petits enfants. Et puis elle est plus jeune, ce n'est pas pareil.
Au fait, cher Journal, j'ai donné naissance à une seconde magicienne ! Ma dernière née est une fille, Sybille, 3400 pour 48cm, aussi amicale que sa soeur Meriem, mais avec une touche d'originalité, voire d'excentricité dans le regard... Elle va m'en faire voir des vertes et des pas mûres, celle là ! Mais je l'adore déjà.
Cher Journal ;
Couches, biberons, changes, câlins, couches encore.... Je sens que je vais craquer. Aedric a réalisé son rêve en maîtrisant la pêche, mais désormais, il passe tout son temps à pêcher. "J'y ai vraiment pris goût" dit-il, "c'est grâce à toi, mon amour".
Je craque !
Pour me calmer, Aedric a engager nos économies pour agrandir et redécorer la maison. Elle est superbe ! Surtout de l'extérieur, parce que de l'intérieur elle est surtout...Vide. Mais de toutes façons il fallait bien s'agrandir, Matheus va grandir sous peu, il aura besoin d'une chambre. Et j'ai insisté : la nursery, c'est une pièce séparée.
Tout le monde s'est bien acclimaté à la nouvelle maison. Le chat Rinna est bien un peu nerveux, mais Melinda, qui l'adore, a réussi à le calmer. Heureusement qu'elle sait s'y prendre avec lui ; avec ses chasses incessantes, il ramène périodiquement des puces. Je hais les puces.
Et Derwin récupère son petit fuguer de frère qui passe son temps à sortir sous la pluie, jouer dans les flaques. Sale gosse, j'espère qu'il ne me fera pas de pneumonie. Si c'est le cas, j'essaierai l'essence de passiflore, c'est efficace sur les coliques.
Derwin s'est dévoué pour s'occuper du jardin, qui revit avec les beaux jours. Il adore le jardinage. A moins qu'il n'espère varier un peu ses plats. Introduire quelques fruits et légumes dans notre régime de céréales, ça ne ferait pas de mal.
Il aime tellement jardiner qu'il passe son temps libre à récolter les fruits du potager public. Je ne dis rien, ces légumes, ils sont à tout le monde, et autant ne pas les laisser se perdre sur pied. Et puis quelques sous en plus, c'est toujours ça que les petits cochons ne mangeront pas. Si les autres habitants veulent en faire autant, rien ne leur interdit.
Malheureusement, Matheus a grandi si discrètement que je n'ai pas de phtoographie de son anniversaire. Il a mes cheveux noirs, mais c'est le portrait craché de son père : mêmes pommettes hautes, mêmes oreilles effilées...Et il s'est mis à la pêche, lui aussi, comme Papa ! On a beau dire, les chiens ne font pas des chats. il est devenu particulièrement soigneux, un petit garçon toujours propre ; c'est plutôt utile, et bien agréable, quand je vois que les autres gamins de la ville jouent dans la boue des fossés.
Maintenat que c'est "calme" à la maison, Melinda peut sortir un peu, profiter de son adolescence... Elle a retrouvé le parc des jeux et son échiquier. Comme ça, elle rencontre des gens intelligents. J'approuve.
Et moi, j'ai retrouvé ma canne à pêche, et du coup, la compagnie de mon mari. Ca fait du bien. Malgré les années qui passent, nous nous aimons toujours autant.
Cette vie bucolique nous permet de faire des rencontres charmantes.
Au lycée, ma Melinda a rencontré un certain Orion Edmont. Elle me jure que c'est seulement son meilleur ami, comme Brien O'Connell qu'elle connaît depuis l'enfance, mais je ne suis pas dupe. Orion par ci, Orion par là, ma petite fille est amoureuse !
Ah oui, elle croit que ça ne se voit pas, mais elle est toujours rêveuse, dans la lune, un sourire au lèvres....Ou pendue au téléphone avec Orion. Elle pense sans doute que je ne me suis rendue compte de rien ; elle oublie que j'ai été amoureuse avant elle. Chère Melinda, j'espère de tout coeur que ton Orion t'apportera le bonheur...
Cher Journal ;
Ca y est, ma petite dernière a grandi. Sybille est brune, comme les garçons et comme moi, avec les yeux verts de toute la famille. Je lui ai déjà appris tout ce qu'elle devait savoir ; l'expérience, ça paie. Ma petite magicienne se fait câliner par toute la famille, et s'escrime le reste du temps sur son xylophone. Heuruesemnt que la nursery est une pièce séparée.
Cher Journal ;
Kimo le chien a vieilli cette nuit. j'ai pris un coup de vieux ; quand je pense à la mignonne petite boule de poils que nous avions adoptée ! La vie est vraiment courte. Et maintenant, Aedric et moi nous dirigeons main dans la main vers la vieillesse.
Meriem a grandi magnifiquement, devenant avec les année extrêmement intelligente. Entre elle et Melinda, deux petits génies dans la famille, la conversation vole parfois trop haut pour moi. Je suis si fière d'elles ! On peut dire ce qu'on veut, j'ai bien élevé mes enfants !
Elle est si jolie aussi ! Il y a vraiment des enfants qui ont tous les dons, qui sont aimés des anges. Chère Meriem, je ne suis pas sûre de vivre assez vieille pour assister à ton mariage, mais je suis certaine que tu trouveras un vrai prince charmant. A propos, je crois qu'Orion Edmont a deux petits frères.
Les deux soeurs passent à présent beaucoup de temps ensemble, à échanger des réflexions philosophiques, jouer aux échecs...
Cher Journal ;
J'ai été convoqué par l'institut des mythes et légendes, le lycée de la ville. Quelle peur ils m'ont faits ! j'imaginais déjà Melinda ou Derwin blessé, à l'hôpital, mort peut-être ; ou renvoyé après une bêtise gravissime. Il n'en était rien...
J'ai été convoquée pour recevoir des félicitations : ma fille Melinda, non contente d'être sur le tableau d'honneur, est la meilleure élève du lycée ! Et elle a gagné le concours d'orthographe ! En épelant Chrysanthème correctement... Comme je suis fière...
Sur ce, cher Journal, je te quitte. Chacun ici bas doit s'occuper de son jardin ; Aedric et moi y avons, je crois, faits pousser les plus belles des fleurs.
Journal de Melinda, chapitre 1.
Cher Journal ;
Je ne sais pas trop pourquoi je commence un journal ; j'ai passé l'âge de l'adolescence sans en éprouver le besoin ; et voici, que, je jeune adulte, je prends la plume pour gribouiller mes pensées. Peut-être que j'ai trop de temps libre ; peut-être aussi que l'exemple de ma mère m'inspire. Une forte femme, Anna Cirkhaën, pas facile à vivre tous les jours, mais une forte personnalité, c'est sûr.
Bref, cher Journal, je me présente : je m'appelle Melinda Cirkaën, et j'ai dix huit ans. Je suis magicienne ; je suis surtout passionnée. Passionnée par la vie, par ma famille, par de "grands principes" qui sont surtout une affaire de bon sens : nous devrions prendre plus soin les uns des autres, et plus soin de notre Terre, qui nous nourrit. Ceux qui gaspille l'eau et l'énergie, pourrissent le sol de leurs engrais, devraient être punis de façon plus drastiques.
J'aime les profondes conversations sérieuses au coin du feu - de celles qui ennuient la plupart des gens, sauf ma petite soeur Meriem - mais je sais faire rire tout le monde. J'ai le sens de l'humour, et j'aime vivre en pleine nature. Sur ce plan, je suis gâtée ! Mes parents ont construits une ferme quasi autonome, label bio, évidemment. Enfin, j'adore tout ce qui touche à la magie et au surnaturel. Là aussi je suis gâtée : mon père, ma plus jeune soeur Sybille et moi même sommes magiciens ; la seule famille de magiciens de tout Dragon Valley ! Il n'existe qu'un seul autre individu porteur du Don, Orion Edmont... Mais je parlerai d'Orion plus tard.
Mon rêve le plus cher, Journal, est d'adopter une Licorne. La plupart des gens se contentent d'un chat ou d'un chien, mais j'ai beau adorer Rinna et Kimo, une licorne ! Ca me fait rêver. J'en ai rencontré une, un soir, en revenant d'un rendez vous avec Orion - satané Orion, j'ai dis que je parlerai de lui plus tard ! Elle était si belle, si gracieuse, si... Magique... Je ferais tout ce que je peux pour l'apprivoiser.
J'ai tout juste dix huit ans ; je me souviens de mon anniversaire comme si c'était hier, et, de fait, ce n'est pas étonnant. J'étais heureuse de grandir, heureuse de pouvoir enfin participer à changer le monde, mener ma barque par moi -même. Je me disais que tout allait changer !
De fait, ce qui a le plus changé, c'est ma perception du monde magique. J'ai réalisé à quel point le surnaurel était précieux et important. Celà m'a rapproché de ma mère, je crois, mais éloignée de Derwin.
Et me voilà jeune adulte ! Et plutôt jolie, je crois. Du moins, certains semblent le penser. Me voilà responsable de toute ma maisonnée, de mes frères et soeurs plus jeunes, de mes parents vieillissants. J'en suis heureuse, et fière. Mes parents ont faits leur part, et largement ; à moi de prendre la relève !
Derwin, mon frère jumeau, a grandi lui aussi. Mais il n'était pas aussi enthousiaste que moi à l'idée d'affronter l'âge adulte. Derwin est adorable, si l'on excepte son sens de l'humour... Inexistant. Il a toujours été complexé par son absence de Don, le pauvre. Et un peu écrasé, je crois, par les attentions étouffantes de Maman.
Bref, forcément, lui aussi fêtait son anniversaire, et il est devenu, accrochez vous, économe ! Aucun sens de l'humour et radin, voilà des "qualités" qui ne vont pas le rendre facile à vivre... Mais c'est mon jumeau, et je l'adore, même si je connais mieux que quiconque ses défauts. Les défauts, on en a tous, mieux vaut en rire ; malheureusement, il en est incapable.
Il est aussi devenu sérieusement beau, mon frère ! Les filles devraient fondre sur lui comme les abeilles sur le miel... Mais il n'y a pas de jolies jeunes femmes à Dragon Valley, et je crois bien connaître toute la ville.
Et bien, j'avais tort ! Derwin cachait bien son secret ! Il m'a avoué plus tard qu'il courtisait depuis plusieurs mois une jeune personne, du nom de Krystel, dont il n'avait parlé à personne ! " Pas la peine qu'on se moque de moi". Bref, sitôt en âge de s'installer et de fonder un foyer, il lui a demandé un rendez vous ...
Et lui a demandé sa main ! Dieu soit loué, il n'avait pas été trop radin sur le diamant... Et il n'y a pas besoin d'humour pour ce genres de déclarations...
Bref, la belle Krystel a accepté, et ils se sont mariés en tout intimité, c'est à dire, en pratique, loin de Maman. Ca a dû coûter à mon fêtard de frangin de ne pas organiser la cérémonie du siècle, mais le fait de s'épargner préparation du mariage et la présentation de Krystel à Maman ont pesé lourd dans la balance... Maman en peste encore : "elle sort d'on ne sait où, elle se marie en cachette, tout cela finira mal, c'est moi qui le dis!". Bref, elle lui a "pris" son fils aîné... Je souris, mais je ne sais pas si maman lui pardonnera jamais.
Derwin et Krystel se sont empressés de s'installer dans une maison bien à eux, curieusement située à l'autre bout de la ville...
Cher Journal ;
Ici la vie continue. Je dois dire à regret que je n'ai pas noté de grand changement dans ma vie depuis que je suis devenue majeure. Je m'occupe toujours de Matheus, Meriem et Sybille, ainsi que de Rinna et Kimo, et je suis si fatiguée en allant me coucher qu'il est absolument impensable de me relever la nuit pour aller observer la licorne magique... Quand aurais-je enfin une vie à moi ?
Meriem a rencontré Lyam, le petit frère d'Orion, aussi blond comme les blés que son aîné. C'est un gentil garçon ; il vient souvent jouer à la maison. C'est bien que Meriem rencontre des enfants de son âge. Elle ne joue pas beaucoup avec Matheus, mais de toutes façons celui ci va bientôt devenir adolescent. Les premiers signes ne trompent pas : aussi soigneux soit-il, il ne rince plus la douche après son passage, et il commence à piéger les fauteuils.
Ca y est, cher Journal, Matheus est devenu ado. Les ennuis ne font que commencer.
Avec l'adolescence, il est devenu mal dans sa peau, mal à l'aise en société. Dommage, parce que c'est quelqu'un d'adorable, si on sait franchir sa carapace.
Derwin est venu à la maison pour l'anniversaire de Mat. C'est gentil de sa part. Il est très heureux avec Krystel, et ils attendent un bébé ! Croyez vous que Maman serait heureuse d'être grand mère ? Nenni, elle lui reproche qu'avec l'éloignement, elle ne pourra presque pas voir le gamin. Bref, Derwin est plus fermement décidé qu'avant d'éloigner le plus possible maman de son foyer...
Là, je suis émue. Mon petit frère est juste magnifique. Tout le portrait de papa sur les vieilles photos. Quel dommage qu'il soit si timide !
Et il est tout fier, comme un petit paon ! Je souris en cachette. J'attends de voir ce que cette assurance donnera devant une fille...
Maman a vieilli. Elle ne s'est pas arrêté de pêcher, mais fatigue plus vite qu'avant. Elle passe beaucoup de temps dans son fauteuil à bascule, à se remémorer les beaux jours du passé, toujours plus beaux, par définition, que le présent.
Papa aussi a vieilli, mais lui, ça l'a apaisé, quelque part. Il pique des crises beaucoup moins souvent, et ne vérifie l'évier que deux ou trois fois par jour.
Même quand notre cuisinière a pris feu, il est resté calme, sans s'accuser d'avoir loupé la fuite de gaz, et il a laissé Brunehilde éteindre l'incendie sans se mettre dans ses tibias.
Brunehilde va bien, elle aussi. Elle ne vieillit guère ; il faut dire qu'elle peut difficilement perdre du poids, qu'elle n'a déjà plus beaucoup de cheveux, et que les rides ne marquent pas son visage. Elle reste égale à elle même. Elle a invité quelques jours sa soeur à venir la voir, ça lui a fait très plaisir. Elle n'est pas causante, mais je l'aime bien.
Cher Journal ;
Chose à faire aujourd'hui : se marier.
J'avais dis que je parlerais d'Orion en temps et en heure ; je vais donc en parler. J'aime Orion Edmont depuis que je l'ai vu. Je le connais par coeur, je sais toutes ses qualités, et tous ses défauts, ses faiblesses. Et je l'aime comme ça. J'ai décidé que je l'épouserai depuis le premier jour ; et bien, je maintiens ma décision.
Pourquoi aujourd'hui ? Parce que. C'est un bon et beau jour, une claire journée d'été. J'ai décidé de prendre ma vie en main, de penser un peu à moi même au lieu de me consacrer à Mat, Meriem et Sybille. Mat quittera un jour la maison ; et les filles ne vont pas tarder à grandir.
J'ai donc fixé un rendez vous à Orion dans un lieu romantique. Je ne suis pas très romantique, mais lui si, et je pense qu'il comprendra le message.
Nous nous aimons depuis si longtemps, cher Journal, que nous nous comprenons toujours. Nous n'avions jamais éprouvé le besoin d'exprimer nos sentiments tant ils étaient évidents ; mais là, il est temps.
Alors je mets les choses au point.
Et je lui propose de partager ma vie. D'affronter le futur et de travailler de concert. De rendre cette terre meilleure (et plus bio). Et de fonder une famille. Bien sûr, il accepte, mais je n'en avais pas douté.
Nous avons donc échangé nos voeux et nos anneaux en toute simplicité.
Je l'aime tant, mon Orion ! Et je suis, chère Journal, profondément heureuse.
Orion Edmont, époux Cirkhaën. Je dois dire que j'adore la tradition de Dragon Valley de donner à l'époux le nom de l'épousée s'il rejoint son foyer... Ca nous change des habitudes sexistes d'antan !
Que dire d'Orion ? Et bien, il déteste vivre en plein air. Si si, et c'est cet homme là que j'ai choisi. Il est profondément allergique à la nature - et au pollen, il éternue dès qu'il met le nez dehors - et ne comprends absolument pas mes préoccupations. Mais je l'aime quand même. Les opposés s'attirent.
Il est aussi à l'aise avec les jeunes, doué pour dénicher n'importe quoi, et absolument fou de chevaux. C'est surtout un artiste : il rêve de devenir un peintre et un guitariste de talent. Moi qui n'ai jamais pu tirer la moindre note juste de la guitare de Mat, ça me fascine.
Il s'est donc installé à la maison et passe ses journées à peinturlurer ses toiles.
Et c'est l'anniversaire de Sybille, la petite dernière ! Maman a insisté pour qu'on organise une grande fête, mais j'ai refusé. Pas question de lui donner plus de privilèges qu'à Matheus et Meriem, c'est le plus sûr moyen de faire des jaloux, et les dissensions entre la fratrie, ce n'est pas Maman qui les calme, c'est moi. Donc, pas de fête. Mais j'ai cédé sur le gâteau. Ce n'est pas la petie dernière chouchoutée par Maman pour rien.
La puce a bien grandi, et du coup, les deux filles peuvent jouer ensemble.
Cela dit, Meriem passe plus de temps sur son téléscope qu'à jouer. C'est peut être un petit génie, cette enfant, mais elle est trop sérieuse. Elle ferait mieux de courir, de jouer et de faire du sport, ça lui ferait le plus grand bien.
Sybille, elle, s'est mise au sport familial : la pêche ! Bon, pour l'instant, elle ne va pas nous ramener le souper... Et j'ai oublié de dire, cher Journal, qu'en grandissant elle rêve d'aventure. Si on l'écoutait, on lâcherait tout pour partir faire le tour du monde !
Meriem a dit au revoir ce soir au petit Lyam avec beaucoup d'émotion. Ils ont convenus de se marier en grandissant. Ils sont trop mignons à c't'âge. J'espère que le petit ne deviendra pas un crétin fini en grandissant.
Un autre qui envisage une relations érieuse, c'est Matheus. Il est rentré ce soir tout dépité et m'a avoué qu'il étati tombé amoureux de la star du lycée, Lola je ne sais plus comment. Elle est jolie, intelligente, et surtout, charismatique. Mon petit frère mal à l'aise en société en est devenu fou. Quand je disais que les extrèmes s'attirent.
Bref, tout allait bien quand il a décidé d'essayer de l'embrasser....
Et s'est pris le râteau du siècle ! Heureusement, il n'y avait pas de témoin... Pauvre Matheus, le voilà aux bords des larmes, toute confiance en lui évanouie...
Je lui ai confié un manuel de charisme, et il s'applique beaucoup. Son désarroi a été de courte durée. Il est formel : Lola Machinchose sera sa petite amie, un point, c'est tout. J'aime bien cette attitude. J'espère qu'il obtiendra son baiser...
Cher Journal ;
Ma petite soeur Meriem grandit ce soir. Elle n'en est pas ravie. " Et Lyam, il ne grandit pas avant trois jours, il va continuer à m'aimer ?". Bien sûr, ma puce ! Mais peut être aussi que toi, tu changeras d'avis...
Allez, bon anniversaire Meriem ! J'ai insisté pour qu'elle ait un gâteau, comme Sybille.
Du coup, on s'est efforcé de mettre de l'ambiance, pour la rassurer, et pour qu'elle passe une journée d'anniversaire mémorable. On ne devient pas adotte tous les jours !
Maman était à fond, elle nous a même épargné le couplet sur "ma - pauvre -chérie - je serais - déjà - morte - bien - avant - ton - mariage"
Et papa était fou de joie ! il adore fêter les anniversaires, sans doute à cause des gâteaux. Il est gourmand comme tout, papa ; pourtant, il ne devrait pas abuser des gâteaux, avec son cholestérol, mais bon, ce n'est pas à moi de lui dire.
Bref, c'était la fête à la maison ! Tout le monde était réuni pour ma petite chérie...
Comme prévue, Meriem est la plus jolie d'entre nous. Mais elle a continué à faire la tête, et elle est retournée à son téléscope. En plus, elle est devenue malchanceuse. Je prévois une adolescence difficile.
Je dois dire que c'est ma préférée. Il n'y a qu'avec elle, aussi grosse tête que moi, que je peux discuter de choses sérieuse, ou, tout simplement, passer du temps à lire.
Cher Journal ;
Papa vieillit ; il a des activités de vieux. Outre son fauteuil à bascule, il lit le journal tous les jours.
Il essaie de se prédire l'avenir avec la boule de cristal. L'avenir lui réserve toujours des mauvaises surprises, et ça le déprime, mais il s'obstine à consulter la boule.
Il a rendu visiste à Derwin pour rencontrer son petit fils, Téo, déjà bambin. Krystel et Derwin viennent aussi d'avoir un second bébé, une petite fille, Aline.
Il a quand même pris une initiative heureuse : il a rajeunit Kimo le chien. Comme Kimo est à l'origine de la fortune de la famille, ça me semble de bon augure pour l'avenir.
Et voilà, Kimo est de nouveau adulte.
Cher Journal ;
Lyam Edmont revient jouer à la maison, mais avec Sybille, maintenant. Il a vraiment une grande différence d'âge avec Meriem ; je crains pour leur avenir commun. Maintenant, c'est Sybille sa meilleure amie.
Mat est arrivé à ses fins avec la belle Lola. Il l'a invité à un rencart un soir d'orage, pour lui faire une démonstration de son charisme naissant...
Je ne sais pas si la belle a eu le coup de foudre, mais elle s'est fait frappée par un éclair ! Electrocutée !
Mat, pas stressé pour autant, a continué son stratégie de drague et obtenu son premier baiser ! " Tu comprends, je n'allais pas attendre un autre jour, là, elle était déstabilisée, j'avais toutes mes chances, j'ai décidé d'en profiter". Bien vu !
L'orage a inspiré mes ados. Meriem a rencontré un dénommé Lewelyn, "mer-veil-leux", malgré ses étranges goûts vestimentaires....
Mais elle, elle n'a pas mis trente ans pour décrocher le coeur de sa victime !
Cher Journal ;
Je réalise que la maison a bien changée, depuis la bicoque des débuts. je me souviens d'un temps où, avec Derwin et les parents, nous dormions tous dans la même chambre ! Maintenant, chez nous, c'est mignon et assez luxueux. Je suis fière de mes parents, qui ont réussi tout celà avec juste les produits de la pêche, de la cueillette, et de la taille de pierres précieuses ! Merci aussi à Kimo-Chien, qui peut nous rapporter deux ou trois diamants roses dans la même journée.... Taillée taille coeur par Papa, elles aident ! Kimo a même rapporté une pierre de la paix de l'esprit l'autre jour. Sybille voulait la garder, au cas où elle serait un jour maudite par une momie dans une exploration lointaine, mais maman a préféré vendre.
Donc, voici ce à quoi ressemble la maison désormais : la cuisine salle à manger...
Le salon....
La chambre des parents...
Autre vue, avec le fameux fauteuil à bascule, et les vitraux que j'aime tant...
La salle de bain du rez de chaussée...
La nursery, inoccupée depuis l'anniversaire de Sybille...
La salle de travail de Papa ! Avec la célèbre machine à tailler les pierres !
Et autre vue, avec la station d'Alchimie... Il faut que je m'y mette un de ces jours, moi...
Des piles de livres en vrac, ça rend fou Matheus le soigneux... Mais gare à lui s'il y touche ! Papa prétend alors qu'il ne retrouve plus rien, et pique une crise !
La chambre de mes soeurs...
Celle de Matheus, qui en tant que seul garçon à une chambre pour lui...
La salle de bains du haut...
Et notre chambre, à Orion et à moi, mon antre, que j'adore. Avec mon mari que j'adore, encore en train de peindre, comme toujours !
Cher Journal ;
Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de la petite Sybille. Elle n'était pas très rassurée de grandir, la puce.
Elle n'avait pas tort, elle est devenue incorrecte. Moi qui avait tout fait pour l'élever correctement... Enfin, parfois, on ne peut rien faire.
Elle est devenue assez jolie, en tout cas, moins que Meriem, mais jolie quand même.
Voilà, cher Journal, tous mes pucerons ont grandis, il ne faudra plus longtemps avant qu'ils ne fassent leur vie... Il faudrait que je pense, moi, à construire la mienne.
Journal de Melinda, chapitre 2.
Cher Journal ;
Ici la vie continue ; nous avons quelques soucis en ce moments, ce qui fait que je n'ai guère de temps pour griffouiller mes pensées. Oh, tout le monde va bien ; mais les zombies sont revenus.
Les zombies sont revenus ; ils reviennent périodiquement, à chaque pleine Lune, et ni l'hiver ni le gel ne les arrêtent. Ils semblent se multiplier à chaque fois ; et notre jardin vire au terrain vague. Il faudrait trouver une solution, mais quoi ? Les zombies, c'est pire que les sauterelles des sept plaies d'Egypte...
En plus, ces goinfres hideux, non contents de ravager notre belle récolte, errent auprès de la maison une fois leur quatre heures pris, en marmonant "cerveaux, cerveaux"... C'est carrément flippant, et je suis en rage. Maman est paniquée, elle n'ose plus sortir. Pourtant, il n'y a pas de risque, à moins franchement de le faire exprès. Les zombies, c'est lent comme des limaces. Et ça dévore les plantes à la même vitesse. Nos belles plantes bio, garanties sans insecticides, et hélas, sans zombicide.
Pourtant j'en ai cherché des solutions dans le manuel d'Alchimie, des recettes pour zombicides, des extraits de repousse-zombies... Rien. Je ne dois pas avoir poussé mes études assez loin, j'imagine. Il doit bien y avoir une recette magique quelque part...
Papa, lui, s'est lancé dans la magie alternative en désespoir de cause. "C'est dans les vieux chaudrons qu'on fait les meilleures potions !"....
Moi, je veux bien, mais pour l'instant, il a essentiellement trouvé la recette...de l'eau. Mouillée.
Celle qui supporte le plus mal la situation, c'est Meriem. Elle est convaincue que c'est sa malchance qui est responsable de tous les maux qui s'abattent sur notre famille - c'est à dire des zombies, parce que sinon, à par le rhume de Kimo et une attaque de punaises assassines dans les plants de tomates, nous n'avons pas eu à nous plaindre. Bref, elle consulte de désespoir la boule de cristal à longueur de journée, et se tire évidement des prédictions de plus en plus catastrophiques....
Papa, "aux grands maux les grands remèdes ! " a même essayé de chatouiller de sa baguette la pierre météorologique. Résultat, il pleut depuis trois jours. De l'eau. Mouillée. On avait déjà eu un printemps pourri. Bon, au moins, c'est bon pour les nappes phréatiques.
Cher Journal ;
Aïe. J'avais prévu une adolescence difficile pour Meriem, et bien, ça y est. Elle a complètement pété les plombs. Je sais que la mode "Dark Vegesims" fait rage au lycée, mais à ce point, sa tenue vestimentaire est un peu extrème. Et elle a complètement abandonné la boule de cristal pour aller lancer des oeufs sur la porte de Derwin, qui, avec son sens de l'humour légendaire, l'a mal pris.
Depuis qu'elle s'est fait remonter les bretelles par mon jumeau, elle se venge en piégeant systématiquement tous les objets de la maison. Maman dit que c'est sa façon d'exprimer son angoisse quant à l'avenir, aux problèmes financiers de la perte de la récolte, tout ça. Moi je dis que ça fait beaucoup de flaques d'eau. Mouillée.
Maman aussi essaie de trouver des solutions à sa façon. Elle transforme les poissons qu'elle pèche en lingots d'or. Moi je dis, au cours du homard, je ne sais pas si c'est rentable...
Au moins, ça a rassuré un peu Meriem, qui est revenue à ses occupations habituelles.
Pour fêter Halloween, j'ai entraîné mes trois pucerons dans un concours de sculpture de citrouilles. Ils ont participé avec enthousiasme. C'est pratique, ça les occupe quand il pleut (nous avons un automne pourri) et ça décorera la maison.
Donc, de gauche à droite, les citrouilles de Meriem ; Matheus ; et Sybille. Ben, j'aurais deviné juste. Faut croire que je les connais un peu...
Papa et Maman ont un grand principe : quand quelque chose ne va pas dans la vie, adoptez une bestiole ! On a toujours besoin d'un animal de plus à la maison, n'est ce pas ? Donc, Papa a craqué pour un autre petit chien, Mikka.
Bon, je critique, mais en vrai je suis trop fan de ce chien. L'est trop mimi !
Comme le temsp passe vite ! C'est déjà l'anniversaire de Matheus. Il devient adulte. Il va pouvoir fonder son propre foyer avec la jolie - quoi que électrique - Lola, même si entre eux c'est toujours un peu compliqué. Une vieille rengaine de "je t'aime moi non plus"...
Evidemment, toute la famille est réunie pour fêter ce grand moment. Bon, Maman sort tout juste du lit, mais elle s'est réveillée pour l'occasion,c 'est déjà bien. Elle fait des siestes de plus en plus longues, à son âge.
Mouais... Pour le foyer avec Lola la star du lycée, et les petits neveux, je peux me brosser. Matheus devient réticent à s'engager. "Je t'aime, moi non plus...."
Mais il quitte quand même la maison, vivre sa vie de grand. Snif... Il me manquera, mon petit frère chéri.
Bon, à part ça c'était une super fête, et même Brunehilde en a bien profité.
Je colle quand même une photo du nouveau logement de Mat... Avec un beau jardin où les zombies pourront s'épanouir...
Cher Journal ;
J'ai revu la magnifique licorne, mais j'arrive à peine à l'approcher. Je ne sais pas du tout comment l'apprivoiser. Peut-être devrais je étudier l'équitation ? Une licorne et un cheval, ce n'est pas tout à fait pareil, mais ça aiderait sans doute...
Après l'été, avec l'automne, Maman pêche, du moins quand elle ne dort pas. Elle a eu une vie très heureuse, mais je soupçonne qu'elle arrive à son terme. Elle a quand même déjà 88 jours... J'essaie de me préparer à l'inéluctable...
Sybille, au contraire de Meriem, est une ado très sociable, pas du tout plongée dans ses bouquins, qui a plein d'amis. Elle bavarde comme une pie, en classe et à la maison, à longueur de journée. Et quand elle est seule, elle bavarde encore. Avec le Miroir magique.
Moi, cher Journal, pour essayer de soulager Brunehilde, j'ensorcelle les principaux meubles de notre demeure. Et en matière de bricolage magique, on n'a pas à craindre de coup de marteau sur les doigts !
Et ouais, fallait que ça arrive. Mes pucerons partent les uns après les autres. C'est au tour de Meriem de devenir adulte.
Toujours sympa avec sa frangine, Sybille se moque d'elle. Elle lui a offert pour son anniversaire un flacon de potion magique anti rides. Toi, attends voir que je te prenne entre quat'z'yeux, et on reparlera de ton acné....
J'espérais un peu que Meriem choisirait de rester avec nous, du moins le temps de se marier, mais non. Elle est devenue avec la majorité extrêmement réticente au surnaturel. Compensation logique, hélas, de son absence de don et des innombrables prophéties funestes de la boule de cristal... Bref, elle s'en est allée.
On a quand même pu visiter sa fort jolie maison du centre ville, non loin de la demeure d'un certain Lewelyn. Je crois que je peux compter sur quelques neveux et nièces de ce côté là.
Cher Journal ;
Ce soir, c'est le bal du lycée, et Maman s'inquiète. Sybille n'est toujours pas rentrée à minuit passé. Moi, je rigole en douce ; je doute qu'un zombie soit dans le coup, ce n'est pas la pleine lune. Par contre, un certain blondinet du nom de Lyam Edmont...
Finalement, la belle est rentrée essoufflée, à une heure du matin, mais reine du Bal !
Elle s'ennuie, depuis le départ de Meriem, la petite Sybille. Elle passe son temps toute seule, à rêver du moment où elle quittera le nid...
Jouer seule, patiner seule, personne avec qui bavarder, que des vieux... Ce n'est pas une vie...
Parfois, du coup, pour attier notre attention, elle teste sa magie. Conclusion : un sortilège piège de glace sur une baignoire, ça donne des flaques d'eau. Mouillée.
Cher Journal ;
Chose à faire aujourd'hui : un bébé.
Nous en avons discuté, Orion et moi, et nous sommes d'accord : il est temps pour nous de devenir parents. Les pucerons ont grandi, Orion est à deux doigts de maîtriser la guitare après le pinceau, et nous en avons envie tous les deux, alors, en route ! J'espère que ce sera une fille...
Conclusion : je ne sais pas si c'est une fille, mais je confirme, cher Journal, je suis bien enceinte. Beuarps. Je voulais dire, chouette.
J'ai dis qu'Orion maîtrisait presque l'art délicat de la guitare, c'est vrai. Il passe désormais le plus clair de son temps à me jouer la sérénade et composer des berceuses pour le futur bébé. C'est plutôt agréable, mais pourrait-il arrêter de jouer quand je vais dans la salle de bains ?
Voilà, mon mari ( bien dressé !) a obéi à ma requête et m'a laissée vomir tranquille. Il enchante à présent mes oreilles dans le salon...
Pendant ce temps, je rends ininflammable la cheminée - ça devenait urgent, avec le tout petit qui va arriver....
Mais ce moment de bonheur a été interrompu tristement : à 91 jours, Maman nous quitte...
Je m'y étais préparée ; j'ai du chagrin, bien sûr, mais elle a eu une vie très heureuse...
Mais apparemment Papa n'avait rien vu venir. Il devait être convaincu de partir avant elle... Bref, il était désespéré, et fou de rage, au point d'aller agresser la Faucheuse !
Sérieusement, j'ai bien cru qu'ils allaient en venir aux mains, et que j'allais perdre mes deux parents le même jour... Mais la Faucheuse, peu enthousiaste à l'idée de se prendre des claques, a préféré disparaître.
Evidemment, Papa était inconsolable.
Et me voilà enceinte, avec mon vieux père vieillissant, en deuil, avec pour m'assister pour l'accouchement imminent Orion... Et une sorcière de seize ans.
Bon, toutes les femmes y arrivent, et toutes les sorcières aussi. Et, honnêtement,je n'ai pas le temps de me faire du souci par avance, avec Rinna, Kimo et Mikka qui ne comptent que sur moi...
Cher Journal ;
Accoucher, ça fait maaaal ! Et franchement, pour l'aide apportée par Papa et Orion, on pourra repasser.... Sybille s'est défilée sous prétexte d'aller au lycée, et les deux empotés n'ont même pas été fichus de faire bouillir de l'eau !
Enfin, tout est bien qui finit bien, et j'ai donné le jour à une fille, Béatrix, artiste et allergique à la nature, tout le portrait de son papa !
Heureusement d'ailleurs qu'elle est là, ça a redonné un peu de joie de vivre à mon père. Il la gâte outrageusement.
En plus, il supporte mal de voir sa petite dernière partir à son tour... Et oui, Sybille devient majeure ... Là, même le gâteau n'a pas suffi à faire s'arrêter de bouder papa.
Je dormais, épuisée, et Aedric boudait... Heureusement que mon mari était là pour soutenir la petite !
Et elle a acquis mon célèbre sens de l'humour... Brave enfant ! je lui pardonne d'être parfois incorrecte.
Faute d'argent, elle n'a pu emménager que dans la plus petite des cabanes du coin... C'est dur d'être la dernière dotée ! Mais au moins, c'est chez elle, et elle y est seul maître à bord.
Je lui ai dis au revoir.... J'espère qu'elle viendra pour mon prochain accouchement car, cher Journal, je suis à nouveau enceinte.
Cher Journal ;
Papa est parti à son tour sans tambour ni trompettes; il s'est éteint dans son sommeil.
Personne n'a boxé la faucheuse, cette fois ci. Elle, pas rancunière, à emporté Papa avec douceur. J'espère moi aussi mourir dans mon lit.
L'accouchement est imminent, et je suis seule dans cette grande maison, avec mon bébé dans la nursery. Orion est parti jouer à la fête du village. Il parle de se mettre au violon maintenant.
Je confirme : accoucher, ça fait maaaaal !
Mais ma seconde fille, Maelys, est née sans problème. Elle est belle comme le jour, artiste et excentrique, de vieux traits familiaux. J'espère qu'elle reprendra la ferme plus tard.
Je vais te quitter, Cher journal, les biberons m'attendent. Quant à la licorne... J'espère la revoir un jour.
Journal de Melinda, chapitre 3.
Cher Journal ;
La routine couches - biberons - p'tit rot - s'installe. Deux enfants en bas âge, c'est plus que contraignant. Impossible de faire quoi que ce soit d'autre que de s'occuper de Béatrix et Maelys. J'ai beau adorer mes filles, vivre dans un univers d'enfants de deux ans est juste épuisant, et si on m'oblige encore une fois à chanter des contines, je vais mordre.
Beatrix a l'air toute mignonne comme ça, mais c'est éreintant de faire vivre aux bébés dinosaures des aventures palpitantes et d'organiser des goûters pour les poupées. Dieu soit loué, elle ne sait pas encore parler. J'appréhende déjà le moment où les vocables " mamannn !" retentiront dans notre home sweet home... Là, quand elle baragouine, je peux encore faire croire que je ne suis pas concernée et laisser Brunehilde gérer l'urgence...
Le pire, c'est quand elle se dissimule dans le coffre à jouet. Je dois faire semblant de la chercher partout, pour finir enfin par la découvrir, l'air stupéfaite, dans son éternelle cachette. "Oh ! Le bébé il était là ! Comme il était bien caché le bébé !" De plus, elle déteste être en plein air, et pleurniche dès qu'on lui fait mettre le nez dehors, ce qui fait que je vis calfeutrée moi aussi. Enfin, ça m'épargne la corvée du bac à sable.
Le pire reste le vacarme intolérable du xylophone. Je jetterais bien le jouet par la fenêtre, mais Orion me surveille. Il est intransigeant là dessus : Béatrix doit avoir dès le plus jeune âge une initiation la plus poussée possible aux arts. Saleté de sensibilité artistique ! J'aime les oiseaux en peinture, mais j'apprécie davantage de les voir voler, et quant au bruit grinçant des notes métalliques percutées par ma choupinette, je préfèrerais m'en passer tout court.
Par ailleurs, je trouve que Béatrix a des mimiques parfois un peu inquiétantes. Il n'y a qu'à voir comme elle mâchouille ses poupées, par exemple. On sent chez elle une aggressivité cachée qui ne demande qu'à ressortir... Je suppose qu'être élevée en grande partie par un squelette en robe de soubrette n'est pas le mieux qu'on puisse souhaiter pour développer sa sérénité, mais bon, sans Brunehilde, je ne m'en sortirai vraiment pas...
Là voilà qui mordille encore.... Nnnonn, ne pas s'inquiéter.... Elle doit juste faire ses dents. Note pour plus tard : racheter des têtes de poupées.
Orion fait ce qu'il peut pour m'aider. Ce qu'il peut. Pas beaucoup.... "Chérie, où as-tu rangé les couches ?" A leur place. "Et le talc ?" On ne talque plus les bébés depuis la préhistoire de Dragon Valley... " Alors, sur ses petites fesses, je mets quoi ? De l'essence de valériane, tu crois ?"
OK, J'AI COMPRIS ! Passe la moi, je vais la changer...
Et pour Béatrix, c'est pire. " Tu as mis où sa salopette ? Et ses gants ? Et son bonnet ?" Pas étonnant que la gamine refuse énergiquement de sortir... Habillée pour dehors par Papa, ou comment développer une névrose...
Bref, le soir, quand je me couche, je n'ai qu'une seule envie, dormir... Avoir deux enfants en bas âge, la meilleure méthode contraceptive qui soit ! Et avec toutes ces discussions fascinantes avec mon cher et tendre sur l'intérêt ou non de l'essence de valériane sur les petites fesses rouges, je sais pourquoi tant de couples se séparent... L'amour dure trois ans, le temps d'avoir un bambin...
Cher Journal ;
Cette nuit, j'ai été réveillée par une intense douleur aiguë à la jambe. L'obscurité règne au dehors. Alors que je me lève, encore toute engourdie, j'entends soudain dans le silence de la chambre - à peine troublé par les discrets ronflement de mon tendre époux - des crissements... Des bruits étranges...
Le temps de hurler, de m'habiller en hâte, de rechercher fébrilement la cause de ces bruits, et voici que ma pire hantise était devenue réalité : des rats ! Nous sommes envahis par les rats ! J'ai horreur des rats ! Impossible de se rendormir, je m'imaginais déjà dévorée vive, grignotée jusqu'au sang par leur petites dents aiguës... Je frémis encore en écrivant. Je déteste viscéralement les rats, ils me terrifient. Je suis paniquée. Je ne sais plus que faire.
Le lendemain, après une nuit blanche passée à me retourner sur le canapé de la chambre des filles, j'ai pris ma décision : cela me fend le coeur, mais il m'est absolument impossible de rester dans cette maison. Nous devons déménager. Il faudra partir ailleurs, recommencer nos plantations de zéro ; mais je ne vois pas d'autre solution. Là où les zombies n'étaient qu'un problème sérieux, les rats nous ont vaincus.
J'ai cherché toute la matinée l'opportunité immobilière qu'il nous fallait, étudiant dans les moindres détails les garanties de salubrité des divers maisons proposées... Et j'ai fini par me décider. Nous partons ce soir.
J'ai passé le reste de la journée à emballer nos affaires...
Et voici notre nouvelle demeure : " La Tourelle" ! Bâtie sur des fondations asséchées, elle est garantie sans couleuvres et surtout, sans souris ni rat... Il y a même un jardin, nous ne repartirons donc pas complètement de zéro !
La cour intérieure mérite d'être aménagée, je m'y attelerai dès que je le pourrais. "La Tourelle" est un peu plus petite que la maison de mes parents, malheureusement ; notre ancienne demeure ayant été considérée comme sinistrée et insalubre, nous n'avons pu la revendre que pour une bouchée de pain... Enfin, je ne compte pas, moi, élever cinq enfants ; cette nouvelle résidence suffira amplement.
Kimo s'est empressé de renifler la cuisine dans tous les angles. Pas de rat à l'horizon...
Bon, ben y'a les bagages à défaire...
Et c'est là que panique à bord ! Impossible de retrouver le chat. Rinna a disparu. S'est -il sauvé pendant le trajet, effrayé par le bouleversement ? On fouille, on s'inquiète, on interroge les voisins... Pas de chat !
On a fini par le retrouver, prostré, dissimulé sous le canapé de notre chambre. On peut dire qu'il nous a fait une belle peur !
Les chiens, eux, se sont habitués sans problème à la nouvelle maison. Ils ont déjà attrapés une pierre de sang, trois émeraudes, et des puces.
Ce qu'il y a eu de merveilleux, avec le déménagement, c'est que les choupinettes se sont écroulées, mortes de fatigue, dans leurs berceaux. Avec Orion, en a profiter pour prendre un peu de temps ensemble, refaire le monde...
Ah, cher Journal, le sexe, c'est bon ! Et ça fait du bien ! Ca me manquait.... Quelle merveilleuse journée ! Magique !
Cher Journal ;
Ca ne va pas du tout.
D'abord, Orion m'a expliqué qu'avec ses lombaires fragiles, il n'allait pas pouvoir apprendre à Béatrix à marcher. D'ailleurs, il se ressent encore de nos galipettes de l'autre nuit, qui commencent pourtant déjà à s'éloigner, à s'effacer doucement. Oh ! Il aime ses filles, il est prêt à des sacrifices pour leur éducation... Il tient au xylophone... Mais pour la marche et le pot, nada ! Généreux, il accepte d'assurer l'apprentissage de la parole...
Ensuite, Choupinette n°2, Maelys pour ne pas la citer, a elle aussi fêté son anniversaire. Et si j'ai l'air de faire la tête sur la photo, c'est que c'est le cas... Là, elle gazouille, fraîche comme une rose, mais elle m'avait tenue éveillée toute la nuit, et maintenant, il va y avoir deux fois plus de corvées à assurer...
Voilà, c'est fait, on ne peut plus revenir en arrière, elle a grandi. Trooooop mignonne... Et déjà baignant dans le caca. Orion s'étant mis en grève ( "tu fais ça tellement mieux que moi ma chérie"), je vais devoir affronter l'hydre à deux têtes... Blondes, les deux têtes.
J'oublie de préciser que les bêtes ont de nouveau des puces, du genre rebelles, impossibles à éliminer. Je passe mon temps à frotter des fourrures infectées, et me retrouve à mon tour contaminée...
Orion s'est remis à peindre ; il a "besoin d'exprimer sa créativité pour faire face aux souffrances du quotidien".
J'ai protesté, arguant que ce n'était vraiment pas le moment, qu'il ferait mieux de m'aider avec les bestioles et les filles. Il s'est fâché tout vert... Il m'a fait peur...
Enfin, est-ce la peine de le préciser ? Les zombies sont revenus... Je n'avais pas eu le temps de faire la cueillette, ils s'en sont chargé pour moi. Nous voilà de nouveau sans source de revenus pour les jours à venir, et je ne suis même pas certaine d'avoir conservé assez de semis... Les frais du déménagement nous ont obliger à vendre beaucoup de nos réserves. Je comptais vraiment sur cette récolte... disons le, Journal, on est fauché comme les blés, au point de compter les moindres dépenses...
Trop, c'est trop... Je sais ce qu'il me reste à faire... Un p'tit coup, pas plus, ça m'aidera à faire face. Je sais me modérer, je suis une grande fille. Je prends juste un petit verre pour la route.
Cher Journal ;
Je ne me sens, hips ! pas très bien...
Je suis, hips ! Malaaaade...
J'ai vomi la moitié de la nuit, et je me suis réveillée le lendemain avec la triade cernes - couperose - haleine pourrie. Pendant ce temps, Orion, seul avec les filles, n'avait pas progressé d'un pouce. En revanche, il avait peaufiné son discours, parce qu'est ce que je me suis pris comme reproches ! "Mère indigne", "alcoolique", "irresponsable"...
Moi, je suis épuisée, et j'ai mal à la tête... Voici des mois que je n'ai pas vu la Licorne...
J'ai tellement mal à la tête...
Cher Journal ;
Ici, ça ne va pas mieux. Orion est devenu totalement démissionnaire. Il s'enferme dans sa chambre à peindre tout au long de la journée.
Il croit que je scrute la galaxie dans l'espoir de découvrir une nouvelle étoile, histoire, avec les royalties, d'équilibrer notre budget. Ce qu'il ne sait pas, c'est que notre nouveau voisin prend sa douche la fenêtre ouverte. Il n'est pas mal du tout, d'ailleurs.
Il se nomme Timéo Antonino et vient de Monte Vista, c'est exotique. Je sais que je ne devrais pas fantasmer sur les beaux italiens, mais, cher Journal, ma vie amoureuse est tombée si bas ... Nous faisons chambre à part.
Je continue à m'occuper des filles. Je parviens même, entre deux urgences biberon/caca, à leur dispenser quelques miettes d'éducation. Béatrix sait parler, marcher, et est à peu près propre, c'est déjà ça. Je n'ai toujours pas osé jeter le xylophone.
Mais avec leur père, ce n'est vraiment pas ça. Nous nous disputons chaque jour - chaque fois que nous ne nous ignorons pas. Je lui reproche son absence, il me reproche l'épisode des bouteilles, mes sollicitations incessantes, mon absence totale d'esprit artistique... Je crains pour notre couple.
Aujourd'hui, j'ai voulu m'échapper. Je me suis esquivée pour aller à la pêche, auprès de ce lac éloigné de tout, plongé dans une nature sauvage, où j'avais rencontré ma Licorne. Et voilà qu'à défaut de quadrupède, je croise mon voisin italien...
Cher Journal, j'ai été saisie par sa chaleur, son goût pour la vie. Nous avons discuté des heures... Je me sentais revivre. Dieu, qu'il est beau, Timéo ! Dans un style complètement différent d'Orion - opposé, pourrait on dire. Il buvait mes paroles, et je me sentais à nouveau intéressante, belle, séduisante. Vivante. Oui, je me sentais vivre à nouveau.
A lui, je plais, cela saute aux yeux. Il m'écoutait, me regardait de ses grands yeux couleur chocolat, me souriait... Bref, cher Journal, je ne vais pas te faire de dessin... Je n'ai pas résisté. J'ai profité de l'occasion de me sentir, par extraordinaire, à nouveau belle, à nouveau jeune, à nouveau... femme, et pas seulement mère.... Ca a l'air tellement bateau, quand on l'écrit... Et c'est une telle souffrance, quand il s'agit de le vivre...
Quelques baisers volés, c'est tout. Je ne regrette rien.
Et c'est dans ces circonstances que nous avons fêté l'anniversaire de Béatrix.
J'ai ressenti un pincement au coeur en collant cette photo, Journal. Elle regarde son père avec de si grands yeux, avec un tel sourire... Avec toute l'adoration qu'une petite fille peut avoir pour son père. Les sourires de Béatrix sont rares, et précieux. En les regardant ensemble - ma fille chérie, et son père, l'homme à qui est destiné ce sourire - j'ai vraiment été émue. Mon Dieu, Journal, je l'aime encore. Orion. Je l'aime, malgré tout...
Les sourires de Béatrix sont rares, elle est plutôt du genre grognon. Et comme beaucoup de petites filles, elle déteste les photos. Mais elle ne parvient pas à s'enlaidir avec sa moue : ma fille est magnifique. Je peux - nous pouvons, Orion et moi - être fiers de nous.
Et malgré tous nos différents, nous formons toujours une famille pleine de tendresse. Pour nous, pour les bestioles. Une famille où le mot aimer garde un sens...
Quelle est la place de Timéo là dedans ?
Cher Journal ;
J'ai revu la Licorne, deux fois. Je l'ai longuement observée la première nuit, sans rien dire, sans rien faire, sans m'approcher. A l'aube, seulement, je me suis fait sentir. Puis je suis partie de mon côté.
Je l'ai revue cette nuit, et voilà qu'à ma vue, elle m'a... Jeté un sort ? Je me suis sentie foudroyée de bonheur, comme...régénérée... Et la licorne - Cerise - m'a suivie, jusqu'ici. Mon rêve est devenu réalité.
Ce matin, à mon réveil, mon premier réflexe a été de me jeter à la fenêtre. Je n'avais pas rêvé : Cerise est bien là, qui broute au soleil. J'ai adopté une Licorne ! Elle est là, bien présente, aussi réelle et aussi magique que moi. Aussi réelle et aussi magique qu'Orion...
Fini les balais, désormais ! Je file comme l'éclair, comme le vent, comme la lumière ! Je file, à dos de Licorne !
Les ennuis ne viennent jamais seuls, mais les bonheurs non plus ! Au vu du jardin ravagé par le manque de soins, les gelées et les zombies, Cerise m'a regardée de ses grands yeux liquide, d'un long regard triste. Puis elle s'est raidie, concentrée, et voilà que sous mes yeux, mon jardin a fleuri ! Mes plantes mortes ont revécu, portent fruits et graines... Notre récolte est sauvée.
Cher Journal ;
J'ai longtemps réfléchi. En fait, je n'aurais pas du. Car la juste solution apparaissait clairement. Timéo n'a pas de place dans ma vie ; c'est juste un loisir, un jouet pour mon égo, une façon agréable de se rassurer sur mes capacités de séduction actuelles. Mais Timéo n'est pas Orion. Timéo ne comprendrait jamais la magie qu'il y a pour moi de vivre avec une licorne....
Je suis allé le voir, pour parler. Pour expliquer. Pour m'excuser, aussi. Même si c'est dur.
Et j'ai refermé la porte derrière moi.
Cher Journal ;
J'ai avoué à Orion mon aventure avec Timéo.
Oh, ce n'était pas dans un élan de culpabilité, poussée par les remords, parce que somme toute ces quelques baisers ne changent pas la face du monde. Mais il s'avère que je suis une très mauvaise menteuse, et une gaffeuse invétérée, absolument incapable de garder ce genre de secret bien longtemps... Alors, mieux valait encore faire croire à Orion que je regrettais ce qui s'était passé. Quitte à ce qu'il l'apprenne, autant que ce soit de ma bouche...
Mon si cher Orion peut encore me surprendre... Il est resté parfaitement calme, et s'est excusé de son propre comportement, me disant que sa froideur m'avait poussé dans les bras d'un autre. Ce qui est vrai, mais je n'aurais jamais cru le lui entendre dire !
Bref, cher Journal, tout est pardonné. Orion et moi sommes réconcilié, et nous nous aimons comme au premier jour de lycée... J'ai pu récupérer ma place dans le lit. Si j'avais su, je l'aurais trompé avant !
Parce qu'il est devenu adorable ! Bon, je ne suis pas dupe, cela ne va pas durer, mais je vois ses efforts ! Malgré son aversion pour la vie en extérieur, il a emmené Maelys jouer dans le jardin d'enfant.
Et malgré ses lombaires fragiles, il en a profité pour parfaire l'apprentissage de la marche, et ce, toujours sous le grand soleil de printemps !
Les gelées matinales sont toujours là, mais le temps se réchauffe petit à petit, et nos plants fleurissent et mûrissent. La récolte sera bonne. Orion a commencé à désherber, toujours malgré ses lombaires.
Même Béatrix a le sourire !
Cher Journal, je crois, ce soir, en écrivant, que les difficultés se sont définitivement éloignées. Je vais t'abandonner, Cerise m'attend pour la balade.
Je vais bien, ma famille va bien, le jardin pousse.
J'aime toujours Orion Cirkhaën.
Journal de Melinda, chapitre 4.
Cher Journal ;
Ici la vie suit son cours, entre pêche, jardinage, soins aux animaux, et éducation des enfants. Avec l'excellente récolte de cette année, et les à côté qu'apportent les poissons, nous sommes auto suffisants. Nous mangeons notre salade d'automne à base de légumes bio du jardin, et le surplus permet d'acheter ces petits superflus qui sont si nécessaires...
J'ai pu, grâce à l'aide renouvelée d'Orion, me remettre à la pêche, et j'ajoute au menu truites, tanches et saumons.
Tout va pour le mieux entre Orion et moi. Nous sommes très amoureux et très heureux ces derniers temps. Nous revivons ensemble une nouvelle lune de miel. C'est bien sûr une façon de parler, nous n'avons jamais quitté Dragon Valley... Ah ! Champs Les Sims, comme j'ai pu rêvé de tes larges jardins ! Enfin, on verra bien ce que l'avenir nous réserve...
Notre petite Béatrix a commencé l'école. Elle était tout inquiète, la pauvre petite, à l'idée de ne pas se faire d'ami... Ses cousins, les enfants de Derwin, sont beaucoup plus âgés qu'elle, et le fils de Meriem n'est encore qu'un bébé.
C'est sûr qu'elle n'est pas d'un abord facile, ma petite puce, prête à grogner et à mordre quiconque oserait s'approcher... Mais je suis rassurée sur un point : pour y être passée, je sais que l'institut est un établissement sérieux qui dispense une excellente éducation.
Elle est d'ailleurs revenue de sa première journée d'école enthousiaste. Elle s'est jetée sur son jeu de construction : Mademoiselle Grognonne veut devenir architecte désormais. Pourquoi pas... J'ai toujours su qu'avec sa phobie des plantes vertes et de l'extérieur, ce ne serait pas elle qui reprendrait la ferme. Mais pour ce qui est de construire des bâtiments solides, si j'en juge à son échaffaudage de cubes, là, je crois qu'il reste du boulot.
Cher Journal ;
Comme le temps passe, quand même... Maelys, mon bébé, grandit ce soir. Je vieillis tout doucement, les rides sont déjà là, et les cheveux blancs s'approchent. Pourtant, je me sens aussi jeune et vivace qu'avant. C'est une sensation bizarre de voir - avec joie et émotion - ses enfants grandir, en sachant que chaque bougie soufflée vous rapproche tout doucement de la fin.
Je réalise qu'Orion, lui aussi, a vieilli. Ses lombaires le font de plus en plus souffrir, ses traits se creusent. Et il n'y a guère que Béatrix pour croire encore que son père est un jeune homme. Le complexe d'Oedipe que cette petite se cogne est proprement faramineux.
Bref, cher Journal, laissons là ces considérations tristounes et passons à la fête ! Sonnez haubois, résonnez musettes, et joyeux anniversaire Mae !
J'ai trompetté de tout mon coeur. En même temps, je célébrais la fin des couches, alors...
Maelys est devenue une petite fille tout à fait adorable, blonde comme les blés, avec des yeux violets sortis d'on ne sait où...
Faute de place ailleurs, et pour ne pas pénaliser sa soeur en lui faisant partager sa chambre, nous avons réaménagé la nursery.
Avec la participation obligatoire de Monsieur Nounours, l'ours sorcier tueur de mauvais rêves, qui traîne avec Mae depuis qu'elle est haute comme trois pommes. Ca me fait penser qu'autrefois j'avais une peluche hideuse appelée Titou, je me demande bien ce qu'elle est devenue.
Bon, par contre, loupé total pour ce qui est d'épargner Béatrix. Elle a protesté avec vigueur que la chambre de Mae était dix fois plus décorée que la sienne, et que c'était injuste. Du coup, entre deux bouderies, elle s'est mise à la peinture, pour "arranger elle même sa chambre, puisque c'est comme ça". C'est sans doute aussi pour faire comme papa. J'ai déjà évoqué son Oedipe.
Depuis qu'elle est en âge de déchiffrer, on croise rarement Maelys sans un bouquin à la main. De préférence un gros pavé antique et incompréhensible. Plus les livres sont épais, plus elle les aime.
Elle lit du matin au soir, et, une fois couchée, se relève pour lire dans son lit. Si elle échappe aux lunettes, elle aura de la chance. Sur de si beaux yeux violets, ce serait dommage...
Entre deux séances de jardinage, Orion peint. Il a reçu une énorme commande - quinze toiles ! - de la part de l'entreprise locale. Une publicité conséquente, et une substentielle rentrée d'argent.
Il s'est aussi mis au violon. Pour l'instant, il reste encore grinçant, mais ça va. J'ai connu pire avec le xylophone.
Cher Journal ;
En voulant réparer l'armoire cassée de la salle de bain du premier étage, j'ai ouvert sans le faire exprès une porte sur un monde magique, où un couple de blaireaux m'a invitée à prendre le thé, et où une reine des glaces cruelle voulait ma tête sur un plateau. Sympathique petite séance de tourisme, ça dépayse, vraiment. Par contre, je déconseillerai aux filles d'essayer pour le moment.
J'ai aussi visité la Grande Foire des Arcs et Archets de Dragon Valley. C'est assez joli ; j'ai particulièrement apprécié la fontaine au Dragon Dressé qui siège sur la place ; mais à la maison, ce serait un peu... excessif, je suppose.
Je me suis aussi essayée au tir à l'arc. Conclusion : j'suis pas douée... Il n'y a qu'à voir comme les passants s'écartent...
Enfin, de toutes façons, je ne compte pas sur un bête arc pour me défendre, quand j'ai ma fidèle baguette. Pour un bon petit duel de sorcier, je ne crains personne.
Cher Journal ;
Je ne le reconnaîtrais jamais ni devant les filles ni devant Orion, mais je dois avouer qu'entre mes deux puces j'ai ma préférence. Maelys, ma petite fée. Elle est si douce et si calme, pas du tout du genre à grogner pour n'importe quel motif. Et elle m'aime, moi, alors que Béa préfère définitivement son papa. Papa par ci, papa par là, et je vais le dire à papa... Elle essaie même de faire appel à son père quand elle n'est pas d'accord avec moi. Dieu soit loué, Orion me soutient et ne se laisse pas embobiner, même si Béa se pose en chouchoute.
Je culpabilise de préférer l'un de mes enfants à l'autre, mais qu'y puis-je ? Je m'efforce au maximum de ne pas le montrer.
Mais je ne comprends vraiment pas le peu de goût - que dis-je ! L'aversion viscérale - qu'a Béa pour la nature. Pour moi qui adore me promener en plein air, manger les plantes de mon jardin, et écouter le chant des oiseaux, c'est juste sidérant, et incompréhensible.
Mae n'a rien contre les arbres en fleurs, elle ; et elle profite gaiement de notre petit parc.
Même Orion qui partage avec son aînée une profonde répulsion pour le règne végétal - il refuse même de faire crac crac dans le tas de foin sous prétexte que "ça grouille d'acariens", un comble ! - sort parfois en plein air. En particulier depuis qu'il a son violon : il essaie différentes sonorités dans les sites rocheux qui abondent dans la vallée.
Cher Orion ! Je t'aime tant... Ne t'inquiètes pas, il reste plein d'autres endroits où faire crac crac.
Cher Journal ;
Rinna, mon petit chat, est mort.
Rinna est mort de sa belle mort, mort de vieillesse, doucement emporté par la Faucheuse au crépuscule d'une longue vie. Je suis fière de l'avoir connu, soulagée de savoir que nous l'avons rendu heureux. Mais ma tristesse l'emporte, m'emporte comme une marée douce amère.
La Faucheuse a été très douce, câline même. Quand mon heure viendra, j'espère qu'elle me prendra pour un vieux chat. Je veux partir paisiblement. Avant Orion.
Même s'il ne s'agit que d'un chat, le décès de Rinna nous fait irrésistiblement évoquer notre propre trépas.
J'ai pleuré, la tête enfouie dans la crinière soyeuse de ma licorne.
Allons, la vie continue. J'ai posé la petite tombe de Rinna au cimetière local, juste à côté de celles de Maman et Papa. Je lui souhaite plein de bonheur au paradis des chats...
Cher Journal ;
Timéo est revenu me voir !
Il m'a dit ne pas parvenir à m'oublier. Si j'en crois ses envolées lyriques - soutenues par une florissante gestuelle, origines italiennes obligent - mon image reste fixée dans son esprit, comme lorsque l'on a trop longtemps fixé le soleil... Mon pauvre ami...J'allais mal, et ce n'étaient que quelques baisers. Je ne m'imaginais pas que j'avais induit un sentiment sérieux.
Manifestement, pour lui, c'était plus sérieux. Il ne comptait pas en rester là.
J'ai dû être ferme, j'ai essayé d'être claire...
Et je l'ai regardé partir, définitivement cette fois.
Cher Journal ;
Béatrix continue sa crise de jalousie. Elle a chipé Monsieur Nounours et le séquestre, sous prétexte de jouer avec. Hier, je l'ai entendu ordonner à sa petite soeur de faire son lit et de lui préparer son goûter.
Elle est très aggressive avec Maelys, qui a tendance à se laisser faire. Elle la houspille, lui donne des ordres, la réprimande et la rabroue. La petite, passive, proteste à peine.
Quand Mae se rebelle, elles peuvent se disputer très sérieusement. J'ai entendu des noms d'oiseaux fuser au fond du jardin...
Ce soir, elles ont quasiment fini par se battre. Je ne suis pas intervenue, partant du principe qu'il vallait mieux qu'elles règlent ça elles mêmes. il faut que Maelys apprenne à se défendre un peu toute seule, aussi. Il n'y a pas que sa grande soeur, dans la vie, à ne pas être tendre.
En plus je vois d'ici la scène : moi, prenant la défense de Maelys, les hurlements de Béa hurlant que c'est pas juste, qu'il n'y en a toujours que pour la petite, que je ne l'aime pas, Papa, Papa ! Bref, une vraie crise de nerfs, qui vaudrait à Maelys de nouvelles réprimandes le lendemain.
Après la crise, Maelys se terre dans son mutisme, en se goinfrant de glace au chocolat. Elle compense systématiquement avec des sucreries, il faudra que je la surveille, sinon elle va devenir une vraie boule.
Cher Journal ;
Pour la Saint Valentin, Orion et moi avons décidé de sortir un peu, histoire de profiter l'un de l'autre. Nous avons bien fait les choses ; nous nous sommes faits tout beaux, étrennant des habits neufs judicieusement choisis pour l'occasion.
Je m'étais bien préparée, me parfumant, me mettant en valeur... J'ai mis près de 25mn à me maquiller, en essayant d'adopter un style frais et naturel, que je sais plaire à Orion. Il ne l'a pas vu, bien sûr. Il ne voit jamais le blush, le fond de teint, pas même le rimmel, et je suis certaine qu'il est convaincu que mes paupières sont naturellement rosées... Il pense depuis toujours que je suis si jolie que je n'ai aucun besoin de maquillage.
Ce qui me chatouille un peu, c'est que pour obtenir cet effet recherché, je passe chaque année quelques minutes de plus devant ma glace.
Bref, cher Journal, nous voilà prêts !
Ou plutôt : nous voilà prêts !
Nous avons commencé par aller boire un verre au pub McCafferty... Un verre, pas deux. Depuis la triste mésaventure des trois bouteilles de nectar, je suis prudente avec l'alcool.
Puis nous sommes allés manger chez McCann Le Radin. C'est mauvais et c'est cher, mais c'est le seul restaurant de la ville, et McCann abuse cruellement de son monopole... Enfin, le cadre n'est pas trop mal.
Et pour finir... Orion m'avait préparé une petite surprise qui m'a conquise. Tu te souviens, Journal, que nous nous sommes mariés en toute intimité. Je n'ai jamais regretté ce mariage ( ou, du moins, pas durablement) ni l'absence de fête : afficher un sourire stressé et artificiel devant une meute d'invités aux abois, le tout déguisée en meringue italienne, très peu pour moi !
En revanche, j'ai toujours un peu regretté cette première valse nuptiale qui n'a jamis eu lieu. Qui n'avait jamais eu lieu, devrais-je dire.
La surprise d'Orion, c'était ça.
Une danse, lui qui déteste ça ! Une danse, en plein air qui plus est ! Nous avons valsé lentement, les yeux dans les yeux, plongés dans notre amour, jusqu'au crépuscule.
Mon merveilleux mari, nous avons bien réussi notre couple, malgré tout. Nous avons bien réussi notre vie.
Journal de Melinda, chapitre 5.
Cher Journal ;
Ici la vie suit son cours - oui, c'est bateau d'écrire cela, mais moi seule te lis, n'est-ce pas ? Il n'y aura pas de grands juges érudits pour évaluer mon style...
Au jardin, nous avons ajouter trois ruches. Le miel et la cire se vendent très bien, et surtout, nos abeilles assurent à nos plantes une pollenisation 100% naturelle. Je ne répèterai jamais assez l'importance d'un écosystème sain. Malheureusement, mes filles semblent réticentes à ces principes. Elles me taquinent, me traitant d' "écomaniaque". Ecomaniaque ? Je veux bien. Ecolo, on l'est à fond ou pas du tout...
Les relations entre mes deux abominables puces s'améliorent avec le temps. Elles arrivent même à jouer ensemble sans se battre, maintenant. Enfin, parfois... Maelys continue de traîner dans mes pattes - il faudrait quand même que cette petite prenne un peu d'indépendance - et Béatrix, dans les jambes de son père ("Papaaaaaa !" est un cri récurrent dans cette maison).
Enfin, la petite reste la cible de petites farces, pas méchantes - ou plutôt si : piéger la douche à cinq minutes du départ à l'école, quand Maelys a le choix entre arriver en retard ou s'afficher en classe avec les cheveux bleus, c'est quand même limite limite... Et je ne parle pas de la disparition de Monsieur Nounours, porté absent depuis trois jours. Béatrix nie en bloc toute responsabilité, mais j'ai des doutes.
On a retrouvé Monsieur Nounours. Dans le lave vaisselle. Le lave vaisselle est fichu, et le nounours ne vaut guère mieux, mais bon, Brunehilde et la magie sont là pour nous aider. N'empêche que j'imagine mal un des chiens voler la peluche et s'en débarrasser dans l'electroménager. Bizarre comme béatrix s'est faite toute sage, toute mignonne, dans on a retrouvé ce jouet naufragé...
Ce qui m'inquiète, c'est qu'à chaque coup dur, Maelys compense à grandes cuillères de glace au chocolat. Le nombre de pot de glace qui disparaissent du congélateur est proprement alarmant. Je vais devoir la surveiller, je n'aimerai pas découvrir que ma toute petite devient boulimique... En plus, manger ces glaces industrielles garanties pleines de colorants et de conservateurs E 112, alors qu'on a tout ces beaux fruits du jardin, cela me sidère.
J'ai essayé de lui parler des problèmes qu'elle rencontre avec Béa. En vain. Le mur du silence, ce n'est pas une image...
Ca m'inquiète vraiment. Heureusement, Béa grandit bientôt, on verra bien ce que la situation donnera à l'adolescence.
Enfin, la petite ne souffle pas un mot ( "non, maman, je n'ai pas de souci, pourquoi tu me demandes ça ?"), mais elle n'est pas avare de câlins... J'adore les câlins de Maelys. Elle sent le miel. Ma petite fille... Je la couvre de câlins et de bisous, elle adore ça, et cher Journal, moi aussi...
Cher Journal ;
Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Béa. Elle est toute fière d'être au centre de l'attention générale. Elle m'a obligée à acheter un gros gâteau industriel, de ceux avec quinze milles colorants dessus, mais bon, c'est son anniversaire, pas le mien.
Et en grandissant, elle est devenue ravissante. Et sûre d'elle. Et soucieuse du qu'en dira-ton, de bien se comporter en toute occasion, d'être ... respectable, oui, c'est le mot. Espérons que ça la dissuadera de teindre sa petite soeur en bleu ou de faucher des nounours.
Maelys, elle, n'avait pas l'air radieuse de voir que son tyran domestique personnel faisait désormais deux têtes de plus qu'elle. Elle s'est vengée sur le gâteau...
Cher Journal ;
Pas d'inquiétude à avoir sur la sagesse de Béatrix adolescente. Mademoiselle passe son temps dans ses devoirs, ou à potasser de vieux recueils d'alchimie. "Tu comprends, Maman, l'alchimie, pour une sorcière, c'est une véritable quète spirituelle, la voie vers l'Illumination". Je souris en écrivant cela, mais je suis émue. La voir si exaltée me rappelle l'époque désormais lointaine où j'ai rencontré Orion... Tiens, Béatrix ne parle jamais d'aucun garçon, à croire qu'à Dragon Valley le lycée n'est plus mixte... A moins qu'ils ne soient dérisoires devant les "mystères spirituels secrets de l'alchimie" interdits aux profanes...
Orion vieillit tout doucement. Malgré ses lombaires, il a compris que j'attendais de lui une petite aide au jardin. Il préfère peindre, mais il s'exécute. Brave homme, je l'ai bien choisi.
Moi, je cultive, je déserbe, j'enfume les ruches, je pêche, je m'occupe des animaux, et je fais vivre mon petit monde. Et j'en suis très fière. Parfois, je m'exerce aussi à la magie, pour ne pas perdre la main, mais ce n'est pas un domaine où je brille. En inventant de nouvelles recettes avec mon chaudron, je m'évanouis une fois sur trois. Une bonne écolo, et une sorcière médiocre (et peu soucieuse de s'améliorer) ; cela me définit parfaitement.
Pour Mae, l'indifférence absolue de sa grande soeur à son égard est pain bénit. Elle savoure la paix retrouvée, en lisant tout ce qui lui tombe sous la main. Elle nous raconte ensuite ses lectures au dîner, passant des romans romanesques aux essais philosophiques avec une égale ferveur.
Elle a déjà dévoré tous les romans de la maison, et rêve d'acheter une nouvelle bibliothèque. Non, pas "de nouveaux livres". Directement "une nouvelle bibliothèque". En matière d'ouvrages littéraires, elle voit les choses en grand.
C'est sûr qu'elle nous donne envie de lire, à tous. Je me surprends souvent à achever un roman aux petites heures du jour, au lieu de dormir. Même Brunehilde s'y met - mais elle ne lit que des romans d'horreur. Pas vraiment de la grande littérature, mais cela viendra peut-être.
Bon, le rythme de la disparition des glaces au chocolat ne diminue pas pour autant...
Et son anniversaire arrive déjà, snif ! Mon bébé qui devient grande... Là, je prends vraiment un coup de vieux. En plus, elle a réclamé le même gâteau industriel que sa grande soeur, celui avec le glaçage multicolore. Elle n'a pas très envie de grandir, ma puce. Elle serait bien restée enfant quelques années de plus, à se faire câliner, et à dévorer de concert ses livres et ses crèmes glacées.
Mince alors ! Elle n'est pas grosse du tout ( je le craignais un peu, avec toutes ces glaces !) et très jolie. J'espère vraiment lui transmettre le domaine dans quelques années - si elle l'accepte.
Bien sûr, elle s'est jeté sur les nouveaux receuils offerts pour l'occasion...
Cher Journal ;
L'automne est arrivée, baigné de soleil ; les feuilles se parent de roux et d'or ; je vibre de bonheur, en harmonie avec mon jardin, avec cette terre que j'aime ; je savoure la riche odeur des feuilles et de l'humus. La récolte est magnifique, et je suis profondément heureuse.
Orion et moi vivons en toute harmonie, complices dans les moindres petites choses de la vie. C'est l'homme que j'aime, que j'ai toujours aimé, que j'ai choisi et je ne regrette pas ce choix aujourd'hui - pas une seule seconde.
Il a développé un sens de l'humour très fin, se moquant de lui même et de nous deux avec esprit et douceur. Et nous rions, nous rions ensemble.
Avec ses dons artistiques, il a vite maîtrisé le violon, et me joue souvent la sérénade...
Et, mieux encore, il m'a écrit un morceau, une gigue, vivante et endiablée ("à ton image", m'a-t-il dit...). Il me la joue souvent, et me regarde danser tout en jouant.
Et je danse ...
Cher Journal ;
J'aime beaucoup ce que peint Orion ces derniers temps.
Il développe une période "classicisme hollandais" qui m'intéresse, qui m'attire, moi qui n'ai pas plus de sens artistique qu'un moineau. J'aime ce qu'il fait, et je passe souvent de longs moments à regarder ces oeuvres.
Curieusement, elles semblent lumineuses, même dans le clair obscur de notre demeure. Je n'ai pas voulu qu'on les vende ; je préfère pouvoir les admirer quand je le souhaite.
Je fais le tour de ses toiles et les admire tour à tour...
Nous sommes heureux, tout simplement.
Cher Journal ;
Maelys s'est amourachée de la star du lycée, le dénommé Duncan O'Shea. De ce qu'elle peut en dire, il me semble surtout qu'il s'agit d'un petit imbécile sans intérêt, mais bon, je ne le connais pas personnellement. Je pense cependant que ma pauvre puce risque d'être profondément déçue...
Moi, celui que je verrais bien avec Maelys, c'est lui ! Sean Mithriden, son meilleur ami. Il n'est pas sorcier, mais ce n'est pas l'essentiel dans la vie, et il est poli, gentil et drôle. Malheureusement, entre Maelys et lui, je ne vois guère d'autre lien qu'une franche camaraderie.
Ils refont le monde autour d'un café, ou retombent en enfance en se fracassant la tête à coup de polochons...
Mais pfff ! Quand le soir tombe et que Sean repart chez sa mère, pas le moindre sous entendu, pas le plus petit regard en coin, pas l'ombre d'un bisou... Amis, ils sont amis. A la vie à la mort. Mais j'espére quand même que leur relation évoluera...
Sinon, Mae s'est mise à la cuisine. Des desserts à dévorer, elle est passée aux petits plats à faire mijoter. Je dois dire que ça fait plaisir de manger des repas plus élaborés que ma traditionnelle salade d'automne. Moi j'adore ça, c'est mon plat préféré, mais ce n'est pas le cas pour Béatrix et Orion, et là, ils profitent bien des talents de cordon bleu de ma cadette. En plus, pendant ce temps, je ne suis pas derrière les fourneaux, ça me fait des vacances !
Pas d'histoire d'amour pour Béatrix, ni même de meilleur ami pour toujours. Mademoiselle est irritable ces temps ci, en proie à des sautes d'humeur, passant d'une songerie rêveuse à une moue renfrognée en l'espace d'un quart d'heure, pleurant, riant, grognant enfin, puis se consacrant à nouveau à "sa quête mystique" avant de l'abandonner d'un air dégoûté... Durdur d'être une ado...
En tout cas, avec l'adolescence, les filles sont devenues de grandes amies. Elles passent des heures à glousser sous cape, à s'échanger des propos inaudibles, et à se taire dès que j'approche. Cela dure depuis déjà quelques temps, je me demande bien ce qu'elles mijotent... Mais après tout, cela ne me regarde pas ! Je détestais que ma mère m'espionne, je vais leur laisser leur jardin secret.
Mais on ne m'ôtera pas de la tête qu'il y a du secret dans l'air...
Je te laisse, cher Journal, le temps de m'occuper des bêtes et on passera à table. Mae nous a fait une tarte au potiron.