Journal de Maelys, chapitre 4.
Cher Journal ;
L'hiver poursuit son cours, et les enfants jouent dans la neige. Avec le temps glacial et la neige incessante, l'école est souvent fermée, et les petits profitent tant qu'ils le veulent de la cour de récréation. Ewilan et son Auryl sont évidement inséparables.
C'est vrai qu'il est adorable, ce petit, malgré ses drôles de cheveux verts.
Quand nous l'avons vu apparaître, nous avons bien sûr prévenus les services sociaux, mais ces derniers nous ont demandé d'être les tuteur de cet enfant et d'autres comme lui, s'il en avait d'autres à venir. Les services sociaux en étaient désolés, mais les familles demandeuses d'enfants à adopter préfèrent un bébé, voir un bambin, orphelin, pas un ami imaginaire ayant pris vie par miracle et déjà plus qu'attaché à notre famille. Je n'allais pas leur laisser Auryl, pour qu'il végète dans un centre de la DDASS sans aucune possibilité d'adoption ! Bien sûr, nous le gardons avec nous, et il sera élevé et aimé aux même titre que nos filles.
Ewilan, elle, profite d'une enfance où la magie a transformé son existence. Elle goûte un peu, grâce à Auryl, de la joie d'une magicienne. Car aucune de mes trois filles n'est magicienne. J'espère qu'elles ne le regretteront pas.
Dans le doute, je me suis mise à étudier l'alchimie plus frénétiquement que jamais. N'y a-t-il pas un chapitre permettant de rendre sorcier un simple humain ? Il faut que je parvienne à réaliser la potion avant la majorité des filles. Humaine ou sorcière, je tiens à leur laisser le choix.
Hermione, à son tour, a développé une profonde amitié pour son ami imaginaire. Je m'attends déjà à la suite avec un peu de résignation ( je devrais rappeler les services sociaux pour leur signaler qu'un enfant, là, vient d'apparaître chez moi, que c'est un ami imaginaire et non un kidnapping, oui, comme la semaine dernière....) et avec beaucoup de joie.
Beaucoup de joie, car, pour ma fille, c'est un ami aussi merveilleux, aimant et soutenant que Sean, et je ne peux qu'être contente qu'elle puisse bénéficier d'un véritable ami. Et pour nous, c'est un enfant de plus à chérir...
La métamorphose de Vaniel décrite par Hermione : "il y avait des tas de bulles roses tout autour et pouf ! Il était là, transformé en petit garçon!"
J'aurais bien aimé voir ça...
C'est un beau petit garçon ; j'adore ses cheveux et ses yeux azur. Il est calme, poli, réservé, un peu timide je crois ; et curieusement, il a une peur phobique de l'eau. Il n'accompagnera certainement pas Hermione à la pêche !
Cher Journal ; mes petites filles grandissent.
Hier, Ewilan a fêté son anniversaire. Elle s'est concentrée deux minutes entières sur son voeu, mais elle n'a pas voulu me le dire "parce que sinon il ne se réalisera pas". En tout cas, il avait l'air drôlement important à ses yeux.
Je suis fière, et soulagée : ma fille a bien grandi. Elle est devenue une charmante jeune personne ( ce qui fait maugréer Sean qui parle de s'entraîner au tir à l'arc) un peu fofolle mais très jolie. Et elle reste douce et attentionnée avec ses petites soeurs. Elle est désormais convaincue d'avoir trouvé sa vocation : le chant... ou la danse... ou l'acrobatie, ou la carrière de contortionniste... Bref, elle se sent une âme d'artiste née, et passe sa journée à faire :
Tadam !
Puis ce fut le tour d'Auryl de grandir, pas trop bien pour lui. Avec toutes ces journées où l'école était fermée faute de neige, il n'a pas pu rattraper son retard. Ce n'est pas qu'il n'est pas intelligent, mon Auryl, les éléments étaient vraiment contre lui, et il n'a pas pu avoir le niveau requis. Il en a été blessé, et est devenu depuis un peu excessif dans ses paroles et dans ses actes.
Sitôt ado, sitôt les limites sont testées : le billard ? Oui. Les cocktails ? Oui, sans excès. La cigarette ? JAMAIS ! Et le couvre feu, c'est sacré.
Mais ce qui passionne le plus Auryl, ce sont les licornes. Il en est raide dingue. Il rêve de monter un élevage de chevaux, et peut-être un centre équestre, ici, à Dragon Valley. Il est tout le temps en train de les caresser ou de prendre soin d'eux, et éprouve un plaisir véritable à les étriller et à curer leur sabots.
Les licornes lui rendent bien l'affection qu'il leur porte, et saluent souvent sa venue de petites manifestations magiques pour lui témoigner leur amour.
Bien sûr, sur une licorne comme sur un cheval, l'apprentissage commence par des gadins. Mais ne dit-on pas qu'un bon cavalier est celui qui peut se vanter d'être tombé au moins sept fois ? Sept est un signe magique dans la culture populaire et les proverbes, étonnant. Nous, les véritables sorciers, savons que six est un chiffre de beaucoup plus grande puissance.
Et ce qu'il y a de si merveilleux, c'est qu'entouré de l'amour de cette nuée d'enfants, notre amour à Sean et à moi puise de nouvelles forces. Nous n'avons jamais été aussi proches, ni aussi heureux.
Parfois, il me chuchote à l'oreille : "te souviens-tu du jour où nous avons signé un lien de sang ?" ; " te rapelles-tu ton retour d'Egypte ?" "Et le jour de notre mariage ?" Oh oui ! Je m'en souviens, mon Sean, des jours où j'ai lié ma vie à la tienne, pour le pire et surtout, surtout pour le meilleur.
Cher Journal ;
Aujourd'hui, c'était l'anniversaire d'Elanna. Notre bébé a grandi à son tour. Je suis toute émue, et je sais que Sean l'est aussi. Il s'est beaucoup consacré à elle ces derniers temps, lui lisant, lui chantant des comptines, jouant avec elle, profitant de cet âge adorable jusqu'à la dernière minute.
J'avais préparé le double moka à la pervenche que je réussis si bien ( le secret, c'est de mettre beaucoup de crème) ; et ma pitchoune a soufflé ses bougies...
Elanna est devenue une petite fille épanouie, heureuse de vivre, une vraie petite flamme, avec ses cheveux de feu et son goût pour le rouge. Elle est aussi devenue un peu garçon manquée, un peu casse cou ; je m'inquiète parfois quand je la vois faire des acrobaties extraordinaires. Elle m'impressionne, mais j'ai quand même peur qu'elle tombe et se fasse mal. Oui, je suis une mère anxieuse. Mais j'essaie de prendre sur moi et de les laisser vivre.
Le parc des enfants n'a jamais été autant occupé : Vaniel, Hermione et Elanna y chahutent et s'y bousculent.
Mais bien sûr, cher Journal, on dit toujours jamais deux sans trois, et le crasseux doudou de ma fille, à son tour, est devenu vivant. Je vais relire Pinocchio avec des yeux neufs.
Le petit s'appelle donc Adriel, et il est adorable, câlin avec Sean et moi comme jamais Auryl ne l'a été. Au caractère ? Il prends ses devoirs et ses corvées très au sérieux, et fait son travail scrupuleusement, avec enthousiasme ; il est un couche - tard à faire passer Ewilan pour une marmotte hibernante ; et très pudique pour un petit garçon. Ce qui, avec deux ados qui se baladent la moitié du temps en pyjama peut poser problème.
Il est aussi très mignon, et suit Elanna partout où elle va.
Ils ont fait du patin à glace sur l'étang du lieu de pêche féodal jusqu'aux premiers souffles du printemps, quand la glace était devenue si mince qu'elle ne supportait qu'à peine leurs poids plumes. Ma casse cou de fille est un peu inconsciente parfois...
L'étang dégelé, Elanna a réinvesti le terrain de jeu. Elle joue aux pirates, aux corsaires, aux explorateurs... Et Adriel la suit toujours.
Vaniel, lui, aime la tour de jeu pour contempler la région, observer le vol des oiseaux, discerner le paysage. C'est un enfant calme, un peu effacé, qui va bien avec Hermione, toute calme elle aussi.
Sean lui a transmis sa passion des échecs, et le petit joue, joue, joue....
Quand il ne squatte pas le téléscope paternel pour observer les étoiles et les migrations des oiseaux !
La passion d'Hermione, c'est la pêche. Elle y passe de longues heures et ramène souvent victorieusement de belles perches et truites pour le dîner. Comme cela, je peux vraiment cuisiner avec des produits frais.
Mais l'autre jour, en pleine journée d'hiver, lassée d'attendre le bateau taxi, elle s'est mise en tête de rentrer par ses propres moyens et a traversé le canal, qui séparait l'île où elle pêchait de la côte, à la nage ! En plein mois de février ! J'étais folle ! J'ai cru mourir de peur, je l'imaginais noyée, gelée... En fin de compte elle n'a même pas eu un rhume.
Pourtant, c'est une enfant facile, comme ç'avait été une bambine facile. Elle travaille bien, ne se bat jamais, ne prend (à part l'épisode de la nage hivernale) pas de risque inutile, est douce et songeuse. Souvent, j'aimerais bien savoir ce qui mijote dans cette petite tête.
Cher Journal ;
Ewilan est difficile ces temps ci. Je sais, je sais que le flux hormonal de l'adolescence entraîne des perturbations de l'image de soi, des besoins de s'affirmer, de brusques régressions et diverses agressions verbales et autres provocations pour tester les limites, et bien, il n'empêche que dans ces moments là, ma fille est une des sept plaies d'Egypte.
D'abord, il est devenu impossible d'utiliser un siège ou une douche sans s'asssurer d'abord qu'elle n'a pas été trafiquée, sous peine de subir des blagues potaches désagréables. Ewilan est passé maître dans l'art de piéger tout sans jamais être prise sur le fait.
Elle aime aussi piétiner et écraser les citrouilles d'Halloween qui traînent encore dans le jardin. Je sais que Halloween s'est bien éloigné, mais il y a des méthodes plus douces et moins salissante de se débrasser des citrouilles. Les cuisiner, les ranger, ou les jeter tout simplement.
Il faut bien dire que nos relations sont quelques peu tendues en ce moment. Moi qui souhaiterais demeurer toujours une maman douce, aimante et compréhensive, je me retrouve dans des colères noires, et les punitions tombent.
Après, bien sûr, j'ai des remords, je me demande si mes punitions ne sont pas trop dures, si elle ne cassent pas le dialogue et la discussion profonde qui seule pourrait faire avancer les choses vers un meilleur équilibre... Je m'en suis ouvert à Sean.
"Ma puce, m'a-t-il dit, toutes les ados font des bêtises et toutes les ados mettent leur mère en colère. C'est normal, c'est le cours des choses. N'ais pas de remords, elle se forge le caractère, c'est tout."
"Et puis, ma chérie," a continué Sean, "si tu es stressée ou que tu as des remords ou des questions qui te troublent, tu sais que je suis là, et que dans mes bras le stress diminuera un peu. Moi, je suis toujours disponible pour te prendre dans mes bras."
C'est vrai. Et c'est vrai que cela me fait du bien. Mais je suis quand même partie dans mes livres chercher une réponse.
N'empêche qu'à la bêtise suivante c'est Sean qui s'est mis en colère, et pas qu'un peu !
Mademoiselle a sauté le mur pendant notre sommeil, pour s'envoyer quelques verres à la taverne du Dragon, dans un pub pas trop bien famé de la ville ! Glissée dehors subrepticement, sans réveiller personne, elle a appelé un taxi dès qu'elle s'est éloignée de la maison et hop ! Mademoiselle enfreint le couvre feu !
Dieu soit loué, la police de Dragon Valley est efficace, et intraitable envers les mineurs pour ce qui est du couvre feu... Bref, Sean, réveillé en pleine nuit noire par la police qui avait arrêté sa fille, était plutôt remonté...
Ils se sont étrippés ! Je n'avais jamais vu Sean dans une telle colère; il était si rouge qu'on distinguait à peine ses taches de rousseur, et tout deux échangeaient menaces et hurlements ! J'aurais voulu tempérer un peu la situation, mais je n'osais plus intervenir.
Et puis, franchement, Ewilan m'a fait peur. Elle avait l'air si remontée, si pleine de rage, si frustrée, comme si on la privait d'un plaisir légitime au lieu de lui signaler une grave faute. Franchement, elle avait le regard méchant, comme je ne lui avait jamais vu.
Quant à Sean, il était hors de ses gonds. J'ai presque cru que la petite allait se prendre une giffle !
Après une nuit de cris, de menaces et de hurlements, Ewilan a compris que la meilleure politique à tenir était de s'excuser avec humilité. Ce qui fut fait.
Elle ne s'est pas arrêtée de s'intéresser aux bars, mais les visite maintenant avant l'heure du couvre feu. Elle s'est passionnée pour la mixologie ; avec notre bar professionnnel, elle peut ainsi s'entraîner à la maison. De là à travailler au noir dans les bars, je dis niet !
Il faut reconnaître qu'elle a vite pris un certain style !
Cher Journal ;
Ce matin, Ewilan, ne trouvant à son goût aucun ensemble de sa garde robe, a demandé un relooking au Miroir Magique.
Ce dernier, soucieux de lui faire plaisir, lui a mis sur le dos une robe de soirée, et Ewilan est convaincue que c'est un signe qu'elle fréquentera bientôt les milieux mondains les plus huppés !
Alors, elle s'est entraînée à faire quelques "Tadam" dans notre cave...
...avant d'interroger la boule de cristal, qui lui a promis de la notoriété plus tard et de mauvaises notes tout de suite. Pour la notoriété, je ne sais pas, mais pour le bulletin scolaire, je crains que la prévision ne se réalise.
Rien dans mes livres. Je crois qu'on prétend que tout se joue avant six ans pour ne pas avoir à explorer le problème des adolescents au quotidien. J'ai exposé mon dépit à Sean... Qui m'a suggéré de me faire câliner un peu dans ses bras.
Et c'est vrai que dans ses bras, cela ne me semblait plus si grave... Il faut dire que ça me donnait d'autres idées...
En fait, des idées à approfondir.
Cher Journal ;
J'avais tort de m'inquiéter pour Ewilan. Elle va beaucoup mieux, grâce à Auryl. Ce dernier lui a demandé de devenir sa petite amie, et depuis, ils sont adorables et serviables tous les deux, sans farces idiotes ni infractions du règlement.
Ils se câlinent à longeur de journée...
Eh ! Doucement ! Il y a encore quatre enfants innocents sous ce toit ! Non mais.... Ils ne m'écoutent pas.
Faut dire qu'ils donnent surtout envie de les imiter... Je vais te laisser, Journal, j'ai....heu....du lait sur le feu.