Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les contes du Dragon

Les contes du Dragon
Publicité
Les contes du Dragon
Visiteurs
Depuis la création 11 353
Newsletter
18 juin 2014

Journal de Mélusine, chapitre 8.

 

 

 

Cher Journal ;

 

Mes princesses continuent d'être inséparables. Ameline adore distraire et câliner sa petite soeur, et passe beaucoup de temps à ses côtés, du moins quand elle n'est pas plongée dans ses livres ou devant son échiquier.

 

Screenshot_9

 

J'adore les voir s'amuser ensemble. Souvent, je reste à l'écart, dans une encoignure de porte, pour ne pas être vue. Je peux savourer la joie de les observer, mes merveilles, rire et bavarder, liées comme deux soeurs doivent l'être.

 

Screenshot_8__2_

 

La douceur d'Ameline avec sa soeur, elle qui a davantage un tempérament de brise fer, ses mimiques pour distraire la bambine, me rappellent ces temps anciens où je jouais avec un p'tit loup nommé Corwin. Au siècle dernier, au moins. Je suis heureuse de voir ces souvenirs se mêler aux images candides du présent. Je savoure ma vie.

 

Screenshot_6__3_

 

Même lorsqu'Ameline traverse le jardin en cavalcade, on peut toujours voir sa soeur traîner dans les parages. Comment, malgré notre surveillance, malgré la barrière, Vinciane peut elle se retrouver dans le jardin, à mâchouiller du terreau et ramper dans l'herbe, je l'ignore. Mais je soupçonne que sa grande soeur y est peut être pour quelque chose.

 

Screenshot_8__3_

 

La petite grandit ainsi, les yeux posés sur son aînée, apprenant en la dévorant des yeux les joies de la course et du bac à sable. Ameline commente ses châteaux à sa soeur, et pépie sans discontinuer à l'attention de Vinciane.

 

Screenshot

 

Il n'y a guère que lorsqu'une otite cloue la bambine à la maison qu'Ameline s'éclipse du jardin pour explorer les parcs des environs. Nous lui laissons toute la liberté du monde ; elle a le droit de prendre son vélo pour parcourir la vallée à sa guise. Nous avons tant aimé explorer cette contrée, ses chemins et ses parcs, que nous espérons bien qu'elle aussi va apprendre à les aimer.

 

Screenshot_2

 

Elle s'est découvert une passion pour la pêche, mais attention ! Ameline ne pêche que des crapauds ! " Parce que, Maman, les crapauds, c'est essentiel pour les contes de fées et les recettes de sorciers". J'espère qu'elle ne les embrasse pas. Je ne veux pas le savoir.

 

Screenshot_14

 

Vinciane reste bien entourée, Pierrick arguant qu'une otite étant déjà pénible, il faut s'occuper doublement de la petite chérie. Il tient là le prétexte parfait pour abandonner son roman et se plonger avec délice dans les joies de l'esclavage parental.

 

Cher Journal ;

 

Je suis en pleine réflexion pour mener mon grand projet à bien. Je voudrais profiter de mon poste et de l'immense fortune des Cirkhaën pour créer une fondation. Avec la mission d'assurer des soins gratuits aux exclus de la vallée. J'ai veillé avec soin toute ma vie à ne pas gaspiller d'argent, il est temps de voir la consécration de ces efforts. Je l'ai dit et répété, je ne suis pas radine, juste économe. L'argent est trop précieux pour être dilapidé à des futilités quand on peut réaliser de tels projets.

 

Screenshot_33

 

Encore faut-il que cette fondation s'adapte dans le paysage architectural si particulier de la vallée. Je ne veux pas d'une barre d'immeuble, quand les moindres bâtiments publics sont ici exposé comme autant de joyaux.

 

Screenshot_30

 

Quand je vois la dentelle de pierre et de verre du lycée, les vitraux, les tourelles et les coupoles de la ville, je ressens une telle fierté que je veux pouvoir donner à Dragon Valley un bâtiment digne d'elle.

 

Screenshot_29

 

J'ai donc étudié les candidatures des meilleurs architectes du pays.  Mon choix s'est porté sur Timothée Martins, un jeune homme prometteur, et ambitieux.

 

Screenshot_36

 

Le courant est passé très vite entre nous. Au demeurant, il est fort séduisant, et froid comme un glaçon. J'imagine qu'il a souvent vécu la triste expérience d'être draguée par ses employeuses, et préfère bien faire sentir d'emblée que nos relations resterons purement professionnelles. Cela me convient. J'ai mon Nounours Doudou Câlinou à la maison, il me suffit.

 

Screenshot_37

 

Je lui ai tracé les premiers jets de mes plans. Sa réaction a été un mélange d'excitation et d'appréhension devant l'étendue du projet. Il a conclu que ce serait difficile, coûteux, faisable... et splendide.

 

Screenshot_21

 

J'ai passé des soirées entières à parachever des esquisses et des croquis. Mes filles ne m'ont pas beaucoup vues à la maison, mais le temps passe, je vieillis doucement, et j'ai la ferme intention de voir ce projet achevé avant ma mort.

 

Screenshot_24

 

Sur le plan financier, il a suffi de réaliser quelques actions dans les investissements immobiliers de la famille pour mettre à la disposition de Timothée une petite fortune. Reste à acquérir un terrain d'une taille suffisante, et à arracher l'autorisation municipale.

 

Screenshot_40

 

Monsieur le Maire en exercice a donc été cordialement invité à dîner. Je l'avais sauvé d'un cancer de la prostate, ce ne fut pas difficile de le convaincre. Nous allons pouvoir lancer les travaux. La fondation Cirkhaën, ce dispensaire gratuit délivrant les meilleurs soins sans condition de ressources, a été conçue ce soir ; j'ai hâte de la voir achevée.

 

Screenshot_42

 

J'ai annoncé avec joie la nouvelle à Pierrick, avant de réaliser avec un petit peu de retard - oups - que je m'étais passé de son avis et de son accord avant de dépenser notre argent. Heureusement, cela l'a simplement fait rire. Il en a conclu que j'étais décidément toujours aussi passionnée, et je me suis empressée de le lui confirmer. 

 

Cher Journal ;

 

Alors que je nageais dans un parfait bonheur, un tout petit bouchon au frais minois plissé de chagrin est venu me voir, le menton tout tremblant, les larmes au bord des yeux, en rentrant de l'école.

 

Screenshot_18

 

J'ai essayé de l'inciter à se confier, à me parler. Ameline m'a opposé d'abord un refus buté. "Ça ne s'est pas bien passé à l'école". D'accord, mais, mon petit génie, ce ne sont jamais les leçons qui te posent des problèmes. Que t'ont donc fait les autres enfants ?

 

Screenshot_17

 

A ces mots, elle s'est jetée dans mes bras. Et s'est mise à sangloter bruyamment.

 

Screenshot_15

 

 Elle a mis quelques minutes à se calmer, et, après s'être mouchée vigoureusement, elle m'a expliquée que ses condisciples la tançaient et ne lui adressaient plus la parole que pour lui lancer des insultes. "Au bûcher les sorciers !" "A bas les Cirkhaën !"... Je restais calme, mais je sentais une colère glaciale m'envahir lentement...

 

Screenshot_6

 

J'appelais Corwin, qui vint aussitôt. Il me confirma que le sentiment anti sorcier (et d'ailleurs, anti lupin) était en hausse dans la vallée. Les préjugés que nous croyions oubliés étaient de retour, la méfiance et le ressentiment revenaient. La jalousie, devant notre richesse et notre notoriété, jouait son rôle ; mais surtout, les gens rejetaient le comportement d'Elouan.

  

Screenshot_12

 

Corwin me supplia de garder mon calme, ou du moins de maintenir ma baguette dans ma poche. Si ignoble que fut notre frère, il ne tenait pas à le voir carbonisé.

  

Screenshot_10

 

Enfin, ma fille était la première victime de cet imbécile égoïste ; s'il tenait à exploiter les faiblesses des vieilles femmes, ne pouvait il pas choisir de s'installer loin de sa famille, que l'opprobre ne retombe pas sur nos têtes ? Je n'avais qu'une envie, égorger ce petit crétin, et lui donner une prodigieuse et douloureuse leçon. Corwin réalisait il que son fils bientôt vivrait le même calvaire qu'Ameline ?

 

Screenshot_11

 

Ce dernier argument fit mouche, ô combien. Corwin ne rêvait plus que de participer à la bagarre, pardon, à la conversation. Il me fit même promettre de l'attendre pour se joindre à moi ; je m'exécutais, en sachant que je mentais effrontément.

 

Screenshot_48

 

Je n'ai besoin de personne pour régler mes comptes ! Le lendemain, je me rendis chez Mme Faure pour rencontrer Elouan. La conversation fut agitée...

 

Screenshot_55

 

Je fus assez décontenancée de voir Elouan, en pleine dispute, respirer profondément et s'efforcer de se calmer. Il reconnaissait ses torts, il était prêt à entendre mes reproches, mais avant, il voulait s'adresser au médecin. Perle - Mme Faure - était très malade....

 

Screenshot_54

 

Ne pouvais je pas l'examiner ? Bien sûr, je reste médecin avant tout ; et puis, cette vieille dame était une victime ; je ne pouvais que m'exécuter et remettre ma conversation agitée avec mon frère à plus tard.

 

Screenshot_58

 

Elouan m'introduisit dans le salon et s'éclipsa. Mme Perle Faure, cette vieille dame dont les excentricités amusaient et étonnaient la vallée depuis un demi siècle, se reposait dans son fauteuil, le teint pâle et l'air songeur. Elle m'accueillit cependant avec gentillesse et une pointe d'ironie :

- "Vous venez ausculter la victime de votre parasite de frère ?"

 

Screenshot_60

 

J'en restais interdite. Avec un doux sourire, la vieille dame continua :

- " Je ne doute pas que ma fortune a contribué à susciter l'intérêt d'Elouan. Mais vous êtes trop dure avec lui ; il n'a rien de mauvais. Parasite, sans doute, colérique, assurément, mais il est profondément bon. Lorsqu'il s'est rendu compte que j'étais malade, il s'est consacré à mon bien être, et veille sur moi depuis des mois sans rien demander en retour. Il espère que je survivrai ; j'en doute. Mais vous pouvez sans doute me donner une réponse définitive."

 

Screenshot_65

 

J'examinai donc, sans un mot, Mme Faure. Ce fut sans doute la consultation médicale la plus étrange et la plus émouvante de ma vie. Jamais je n'avais vu un être aussi profondément malade se battre ainsi, faire face, pour sauver les apparences et profiter des quelques jours qui lui restaient. Car l'espérance de vie de Perle se comptait en jours. En l'examinant, je compris tout l'amour de la vie que recélait cette frêle et tenace vieille dame. J'en avais la gorge serrée.

 

Screenshot_68

 

Je ne pus que confirmer son pronostic. Dans l'état actuel des connaissances médicales, Perle Faure n'avait aucune chance de se remettre. Elle devait mettre ses affaires en ordre.

 

Screenshot_69

 

 Ce fut également la seule fois de ma carrière où ce fut le patient qui consola le médecin. "j'ai eu une belle vie, Docteur Cirkhaën, et Elouan illumine mes derniers jours. N'ayez pas de crainte ou de regret, car moi je n'en ai pas. Mais veillez sur votre petit frère. Croyez moi, il le mérite."

Je sortis sans pouvoir prononcer un mot.

 

Screenshot_73

 

Dehors, dans la fraîcheur de la fin d'après midi, je retrouvais Elouan. Il se tenait dans le jardin, la tête entre les mains, accablé. Je réalisai à quel point il tenait à cette vieille dame étrange. Ma colère avait disparu.

 

Screenshot_70

 

Je suis restée longtemps à ses côtés, en silence.

 

Screenshot_75

 

J'ai raconté toute l'histoire à mon Nounours Doudou Câlinou personnel. Il m'a consolé, lui aussi, comme lui seul sait le faire... Nous avons passé un long moment à parler, et à nous taire, à simplement profiter l'un de l'autre. J'ai ressenti tout son amour, toute sa tendresse. Et je sais qu'il a pardonné à Elouan.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_78

 

La seconde petite princesse a fêté son anniversaire à son tour. Maintenant, leur différence d'âge ne saute plus aux yeux, pour quelques temps du moins. Et je ne suis pas pressée de voir Ameline, déjà têtue comme une bourrique, devenir adolescente.

 

Screenshot_79

 

Indépendamment de ma fierté de mère, je dois dire que Vinciane, comme sa soeur, promet d'être très jolie. Je confirme que mes filles n'ont pas hérité grand'chose de leur père, à l'exception notable, pour Vinciane, d'une tendance à s'arrondir qu'elle combat vigoureusement à grand renfort de sieste et de farniente. Elle dispose d'un tel potentiel de paresse que je peux me rassurer : ma seconde fille ne fera pas médecine, c'est certain.

 

Screenshot_80

 

Les deux petites filles sont toujours aussi complices et passent leur temps ensemble, à l'école comme à la maison, à jouer, bavarder et s'échanger des secrets dans les derniers jours de l'été qui s'achève.

 

Screenshot_81

 

L'une et l'autre font ma joie et ma fierté. Je serai fière de cette fondation dont les murs s'élèvent lentement aux confins de la ville ; je rayonne à la vue de mes deux superbes filles, pleinement miennes, et pourtant si distinctes de moi. C'est là le plus bel acte de création, le plus bel aboutissement d'une vie qui soit à mes yeux : créer et voir s'épanouir de nouvelles vies différentes, autonomes, proches et bien aimées.

  

Screenshot-82

 

 Bref, je nageais dans la douce quiétude du bonheur quand j'appris la nouvelle qui faisait les gros titres du " Dragon Valley News". Madame Faure était décédée.

 

Screenshot-83

 

Et on annonçait une mort suspecte ! Une enquête était initiée...

 

Publicité
Publicité
11 avril 2014

Journal de Mélusine, chapitre 7.

 

Cher Journal ;

 

Cette fois ci je suis bien enceinte ; une petite vie palpite au fond de moi, et ce matin, je l'ai sentie bouger.

 

Screenshot-2

 

J'ai savouré ce bonheur intime pendant quelques jours, pour être certaine qu'il n'y aurait pas de mauvaise surprise cette fois ci. Mais j'étais convaincue que tout se passerait bien ; je me sentais sereine, épanouie, emplie de douceur. Si le bébé s'avère être une fille, j'ai déjà choisi son prénom.

 

Screenshot

 

 J'ai annoncé la nouvelle à l'heureux papa, qui m'a remercié de son célèbre sourire radieux.

 

Screenshot-5

 

Nous nous sommes serrés l'un contre l'autre, unis dans la concrétisation de notre bonheur, dans ce rêve qui s'exaucait enfin. Dehors, la neige tempête, les flocons s'écrasent sur nos carreaux ; mais notre maison est remplie d'une chaleur nouvelle.

 

Screenshot_146

 

L'annonce de ma grossesse a donné des ailes à Pierrick. Mon époux, qui n'arrivait plus à aligner deux lignes, a passé la nuit sur un début de roman. J'ai lu son projet, ce sera probablement son meilleur ouvrage.

 

Screenshot_8

 

Il s'est aussi remis à courir. Il m'a expliqué qu'il voulait être au mieux de sa forme pour accueillir le bébé. Mais j'ai deviné au regard qu'il a jeté alors sur son petit bourrelet qu'il désire également retrouver une meilleure image de lui. Et sans doute souhaite -t- il aussi me faire plaisir... Toujours est-il qu'il arpente à nouveau  les flancs de notre vallée. 

 

Screenshot_21

 

Et un bonheur ne vient jamais seul ! Mon Pierrick a atteint le niveau supérieur des échecs. Il s'estime apte désormais à résoudre n'importe quel problème logique. Mens sana in corpore sano, il aura fini par accomplir son objectif.

 

Screenshot_24

 

Je passe une grossesse calme et tranquille. Les petits maux habituels des femmes enceintes me sont épargnés. Je m'ennuie simplement un peu, loin de mes patients ; mais je suis surtout heureuse, et impatiente de croiser enfin le regard de mon bébé.

 

Screenshot_27

 

Je profite de mon temps libre pour lire, lire encore, faire le plein de tous les romans que j'avais rêvé de découvrir sans jamais en avoir eu le temps. J'ai ainsi pu savourer le dernier recueil de Pierrick. Je me ressource, je m'évade, je m'enrichis de ces récits subtils ; sombres ou sereines, drôles ou tragiques, j'aime les livres, passionnément.

 

Screenshot_10

 

L'ouvrage de Pierrick est réellement excellent, et je ne me lasse pas de le feuilleter, douillettement blottie, dans l'attente paisible de la naissance. Il fait un temps à ne pas mettre un chat dehors, mais je parcours chaque jour, au fil des pages, les contreforts de ma vallée bien aimée, et mille autres paysages.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_18

 

Pierrick est un papa dans l'âme. Lui qui n'a jamais eu de père, il câline mon gros ventre dès que je passe à sa portée. Il caresse les petons du bébé lorsque celui ci me donne des coups de pieds. C'est malin ! Cela ne peut que l'encourager !

 

Screenshot_15

 

Et il tient de longs discours à mon ventre sur les joies d'être lancé en l'air, le plaisir de voler dans les bras de papa, et la douceur des bisous...Si avec tout cela mon pitchoune n'est pas motivé pour nous rejoindre ...

 

Screenshot_43

 

Et puis le grand jour est arrivé. Avec l'aide (?) de Valérie, qui, me sachant proche du terme, venait me rendre visite, j'ai donné la vie pour la première fois.

 

Screenshot_44

 

Une petite fille a rejoint notre maisonnée. Pierrick la devine douée pour les arts, la musique en particulier, et "aussi intelligente que sa Maman". Moi, je ne sais pas juger un nourrisson de quelques heures, mais je sais que je l'aimerais, que je l'aime déjà, plus que tout au monde ; que ma vie a pris un nouveau sens.

Je l'ai appelée Ameline.

 

Screenshot_48

 

Évidement, Maman était absolument ravie d'être à nouveau grand mère, et rassurée de savoir que les Tourelles avaient une héritière. Ainsi, elle a pu partir sereine.

 

Screenshot_51

 

Elle s'est éteinte quelques jours plus tard.

 

Screenshot_52

 

Je l'ai retrouvée au petit matin. Elle est partie dans son sommeil, sans déranger quiconque. Elle a enfin vaincu sa peur de l'obscurité.

 

Screenshot_64

 

Au début, j'ai surtout ressenti la peine m'envahir. Une page de ma vie se tournait ; le poids de la quarantaine, que je n'avais pas ressentie jusqu'ici, a soudain pesé sur mes épaules.

 

Screenshot_56

 

Il ne m'aura fallu qu'un échange de regard avec Ameline pour me sentir apaisée. Une vie arrive, une autre s'éteint ; c'est dans la nature des choses. Notre famille s'est toujours efforcée de vivre en harmonie avec le rythme des saisons, et si j'entame la seconde moitié de ma vie, je dois admettre la disparation de ma mère.

 

Screenshot_57

 

Et puis, je sentais bien au fond de moi que j'allais la revoir sous peu.

 

Screenshot_69

 

Pauvre Luciane. Elle aura vaillamment lutté contre ses angoisses toute sa vie, mais la vue des fantômes lui donne toujours une petite vague d'émotion.

 

Screenshot_59

 

Ulysse le Maître Incontesté des lieux se porte comme un charme. Il ne sort de ses siestes légendaires que pour monter sur nos genoux et jouer avec la petite Pénélope. Leur sport semble d'ailleurs assez viril ; une variante féline du rugby ou de la sioul. J'imagine qu'il essaie de démontrer au chaton qui reste le patron.

 

Screenshot_61

 

 Je ne sais pas si il pourra tenir son rôle de Seigneur Tout Puissant longtemps. Pénélope a grandi, et fait preuve d'une présence certaine.

 

Screenshot_63

 

Elle semble moins câline qu'Ulysse, mais beaucoup plus active, et plus joueuse. 

 

Screenshot_62

 

Après une étude approfondie de la situation, Ulysse semble apprécier le pelage brillant de sa compagne sous forme adulte, et considérer que sa situation de Chef Suprême n'est pas altérée.

 

Cher Journal ;

 

Pénélope n'est pas la seule a avoir embellie en grandissant. Le premier anniversaire d'Ameline nous a permis de découvrir le charmant minois d'une adorable puce. J'ai l'impression qu'elle me ressemble beaucoup.

 

Screenshot_78

 

C'est une petite fille riante, joueuse, coquine, et douée d'un caractère affirmé. J'ai tout de suite su qu'elle allait tenter de nous mener par le bout du nez. J'ai émis cette réflexion devant Pierrick, qui a pris un air stupéfait : " Ameline ? Tu plaisantes ? Elle est d'une innocence candide ! Comment peux-tu suspecter cela d'un bambin ?"

Conclusion : Ameline 1, Pierrick 0. Manipulation totale et entière de papa réussie. 

 

Screenshot_74

 

En attendant c'est un plaisir de la voir rire aux anges. Vivement qu'elle babille, que nous découvrions les raisons de sa joie.

 

Screenshot_79

 

Elle n'a peur de rien, ni des fantômes, ni de l'orage, ni des griffes acérées de nos chats qu'elle adore, et qu'elle n'hésite pas à tirer par la queue.

 

Screenshot_101

 

Nous avons célébré l'anniversaire d'Ameline et l'arrivée du beau temps pour lui faire découvrir le parc bleu où nous avons tant appris l'un de l'autre. Au programme, soleil, frais vent printanier et détente pour toute la famille !

 

Screenshot_89

 

Ameline adore les jeux pour enfants, elle réclame en alternance d'escalader l'abeille scintillante et l'hippocampe bleu. Mais la présence admirative de sa Maman ou de son Papa pour s'extasier devant ses exploits de cavalière est requise ! Elle exige une attention de tout instant.

 

Screenshot_86

 

J'ai quand même profité de l'après midi pour tenter de la faire vaciller sur ses petites jambes, et on apprend mieux à marcher sur la douce et moelleuse pelouse du parc.

 

Screenshot_85

 

Pierrick, lui, a pleinement apprécié sa pause loin de la maison. Il adore être dehors, et l'hiver confiné à la maison l'a frustré sur ce plan. Avec la belle saison et les travaux des champs qui se profilent, il aura de quoi savourer l'air pur et les beautés de la nature, mais pour l'instant, il jouissait de cette journée de repos en se laissant aller.

 

Screenshot_91

 

Il a profité de tous les jeux du parc, courant de l'un à l'autre pour en faire le tour.

 

Screenshot_60

 

Il m'a quand même relayé une petite demi heure pour que je puisse relire mes revues médicales. Mon retour à l'hôpital est imminent ; je l'attends, mais  lui laisser le privilège de l'éducation d'Ameline le rend un peu mélancolique... Je n'aurais jamais cru dire cela, mais j'aurais accepté quelques jours de congés de plus...

 

Screenshot_95

 

Et puis l'heure de rentrer est arrivée, non sans déclencher drame, colère, larmes et bouderie.

 

Screenshot_96

 

Quand je dis qu'elle va essayer de nous mener à la baguette ... A la voir, vivante image de la contrariété et de l'autorité bafouée, j'ai souri en réalisant qu'Ameline s'estimait le chef de famille et qu'elle n'appréciait pas du tout ce crime de lèse majesté : la faire quitter le bac à sable... Entre Ulysse et elle, je suis bien entourée !

 

Screenshot_106

 

Sa bouderie n'a pas résistée à l'appel du matelas. A peine dans son berceau, elle s'est écroulée comme une poupée de chiffon pour une nuit de douze heures.

 

Screenshot_107

 

Ma nuit à moi a été nettement plus courte. j'ai découvert que j'étais à nouveau enceinte ! Un petit frère pour Ameline ? Pour le coup, mon retour à l'hôpital a été sérieusement différé...

 

Screenshot_111

 

Impossible de laisser mes internes sans mentor si longtemps ; j'ai fini ma nuit sur mes emails, à leur envoyer des conseils, à essayer de répondre à leurs sollicitations, à revoir des dossiers délicats. Je n'ai réalisé que vers trois heures du matin que mes pauvres subordonnés, eux, n'avaient pas droit à une grasse matinée et que j'avais pourri leur nuit... Oups.

 

Screenshot_109

 

En matière de grasse matinée, j'ai été cruellement déçue. Les hurlements sonores d'Ameline réclamant son bib m'ont extirpée de mon lourd sommeil. Comment une aussi petite chose peut-elle dégager un tel volume sonore, et dans des tonalités si stridentes ? Note pour plus tard : proposer à un étudiant de faire une thèse sur l'anatomie des larynx des bambins. Je suis sûre qu'on découvrira qu'ils incluent des matériaux extraterrestres.

 

Screenshot_108

 

Et puis, elle m'a fait sa petite mine toute déçue, toute boudeuse, et je me suis sentie fondre. Manipulation, quand tu nous tiens.... J'avais raison de me méfier, mais je crois bien qu'il est déjà trop tard.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_113

 

Je ne sais pas si Ameline est la virtuose qu'a suspecté son père, mais je regrette son goût prononcé pour ce qu'elle estime être de la musique. Entre le xylophone grinçant et le tambour répétitif, je vais porter plainte pour harcèlement.

 

Screenshot_115

 

Effectivement, comme prévu, elle joue avec son père comme un marionnettiste expert. Ce dernier cède à tous ses caprices, et la choie de façon abusive.

 

Screenshot_117

 

Aux câlins et aux bisous succèdent vite les chatouilles, et "Papaaaa !" (à prononcer avec les trois a et le point d'exclamation) a été vite promu au rang de jouet préféré. Un nounours doudou câlinou d'un mètre quatre vingt doué de la parole.

 

Screenshot_112

 

Pour autant, nous restons intraitables sur les grands principes. Le caca, c'est dans le pot, pas dans la couche, Mademoiselle ! On ne transige pas.

 

Screenshot_120

 

Et Pierrick est toujours partant pour éduquer notre perle, ravi de passer quelques minutes de plus avec sa petite chérie.

 

Screenshot_127

 

Il écrit beaucoup. Sa créativité s'est de nouveau épanouie, et au dernier recueil se sont déjà ajoutés plusieurs autres esquisses, drôles, poétiques, lumineuses.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_121

 

Comment fait Pierrick pour se surpasser à chaque oeuvre ? Il accumule les succès et les best sellers comme Ulysse attire les puces.

 

Screenshot_125

 

A propos de puce, la nôtre continue à nous mener gentiment la vie dure. Sa dernière lubie, c'est de se cacher quand on l'appelle pour le bain. Non qu'elle n'aime pas l'eau ; elle veut juste qu'on lui consacre plus de temps. Tout notre temps, ce serait à ses yeux une proportion parfaite.

 

Screenshot_142

 

Mélissa et Tiffaine, les jumelles de Corwin, sont venues nous rendre visite. Elles sont devenues de belles adolescentes. Je ne sais pas pourquoi, mais elles me rappellent leur mère au même âge.

 

Screenshot_144

 

Corwin et Valérie ont aussi un bambin, un fils, un p'tit loup pour hurler à la lune. Ils l'ont nommé Constantin.

 

Screenshot_151

 

Ameline apprécie beaucoup son cousin, et adore jouer à ses côtés, malgré la tendance de ce dernier à mâchouiller tout ce qu'il trouve. Il doit faire ses crocs.

 

Screenshot_132

 

Je préfère encore les gazouillis de deux bambins ( parsemé de hurlements - "Il m'a volé mon cube !") à l'alternance maudite du tambour et du xylophone. Hier, elle m'a fait frémir d'horreur : "- Maman ? Ameline veut guitare...."

 

Screenshot_135

 

Nous continuons à nous balader dans les parcs de la ville. L'été arrive sur Dragon Valley, et j'alterne les revues médicales et les romans poétiques conçus par mon amour. Il commence à faire vraiment chaud ; et j'ai l'impression de coller dans mes vêtements de grossesse. J'ai hâte que le terme arrive.

 

Screenshot_134

 

Ameline, malgré ses caprices, a fini par acquérir la propreté. L'apprentissage du langage et de la marche reste en cours.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_138

 

J'ai donné naissance ce jour là de mon second enfant, dans la moiteur d'une des premières soirées d'été. Note pour plus tard : si j'ai un troisième enfant ( ce qui n'est pas au programme !) prévoir d'accoucher en hiver. Transpirer sans pouvoir boire pendant six heures, c'est vraiment inconfortable.

 

Screenshot_141

 

En matière de petit frère pour Ameline, je lui offre une jolie poupée que nous avons nommée Vinciane, qui, selon son père, a reçu en partage un caractère sociable et amical ainsi qu'un grand sens de l'observation. Je ne sais toujours pas comment il peut déceler ces traits sur un petit visage encore tout chiffonné. Je suppose qu'il fait des rituels de divination sur des entrailles de tamias.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_188

 

J'ai reçu un email de Chine ! Xhin m'a écrit pour me narrer leurs aventures asiatiques !

 

Screenshot_157

 

Il s'est immédiatement senti en parfaite adéquation avec le pays, savourant l'architecture, la beauté des paysages....

 

Screenshot_159

 

Très vite, il a adopté le mode de vie local. Il ressentait une sensation de plénitude ; l'impression d'être à nouveau chez lui. Au point de différer de jour en jour la poursuite de leur voyage.

 

Screenshot_160

 

Tout lui plaisait, les parfums, les saveurs, la chaleur humide de l'air moite avant la mousson. Malgré son apparence, il sentait de plus en plus Maître Lê Suan refaire surface, le vieil érudit chinois reprendre l'ascendant. Xhin, le gamin de Dragon Valley, n'avait été qu'une parenthèse ; la profonde culture de son incarnation précédente l'attachait chaque jour davantage à ses racines.

 

Screenshot_163

 

Très vite, il s'est intégré, fait des relations, des amis. Tout se serait peut être soldé par une formidable expérience avant la poursuite de leur périple autour du monde, avant leur retour aux Tourelles, dans quelques années, si Elouan n'avait pas été Elouan. Si tout ne s'était pas précipité.

 

Screenshot_161

 

Mon frère, lui, avec son caractère emporté et sa conception toute personnelle des échanges humains, a accumulé en quelques semaines de nombreux ennemis. Xhin l'évoque avec délicatesse sans rien lui reprocher, mais il laisse transparaître qu'Elouan s'est mis à dos toute la population de la ville.

 

Screenshot_164

 

De plus, il a joué de la baguette magique pour intimider et effrayer ses interlocuteurs. Loin de Dragon Valley et de sa tradition magique, ses pouvoirs ont rencontré une vive opposition, on a évoqué la magie noire, les démons de l'enfer. Décrié, craint, haï, il a souhaité reprendre la route. Xhin n'y était pas prêt...

 

Screenshot_165

 

Ce fut la pomme de discorde qui fendilla l'amitié indéfectible des deux compagnons de toujours.

 

Screenshot_156

 

Elouan choisit de partir ; et Xhin, de rester. De s'établir là bas. Il me remerciait pour avoir accueilli et protégé l'enfant étranger qu'il était, mais il avait retrouvé ses racines. Il désirait aussi me prévenir de l'évolution catastrophique du tempérament de mon petit frère ; tôt ou tard, Elouan rentrerait à la maison...

 

Screenshot_184

 

Je m'alarmai de ce message. Je m'entretins aussitôt avec mon mari, dont l'affection mitigée pour Elouan me conforta dans ma résolution : Elouan ne devait pas retourner aux Tourelles.

 

Screenshot_186

 

S'il s'avérait incapable de contrôler la fureur qui l'animait depuis l'enfance, et, pire, s'il se servait de ses talents de sorcier pour intimider et abuser d'autrui, je ne voulais plus avoir aucun rapport avec lui. Il allait à l'encontre de tout ce que notre famille avait toujours fait pour s'intégrer. Il avait renié nos intérêts et nos principes. Je ne lui devais plus rien.

Comme tu l'imagines, cher Journal, Pierrick - qui voue Elouan aux gémonies - m'approuva avec chaleur. Pour l'instant, nous n'avons pas de nouvelles. Enfin, qui vivra verra.

 

Cher Journal.

 

Screenshot_154

 

Le temps passe vite quand on est heureux. Nous allons célébrer le premier anniversaire de Vinciane, et dans quelques jours je reprendrais le travail, laissant les petites à la garde attentive, affectueuse et malléable de leur père.

 

Screenshot_167

 

Égoïstement, j'ai hâte de retrouver mes étudiants et mes patients. Ma grande refonte du système de santé de la vallée n'a jamais été conduite à son terme, et je suis pressée d'accomplir la grande oeuvre de ma vie. Et puis, j'échapperai au tambour et au xylophone. 

 

Screenshot_179

 

Conclusion de l'anniversaire : des clones ! Vinciane est un clone d'Ameline ! J'aurais peut être dû éviter de jouer avec des éprouvettes pendant toutes ces années, il se pourrait bien que j'en voie les conséquences...

 

Screenshot_177

 

Au caractère, ma benjamine reste très différente de son aînée. Plus douce, plus passive, plus tendre. Plus soucieuse de lier des liens et de se faire aimer.

 

Screenshot_176

 

Elle est plus réfléchie, moins fonceuse qu'Ameline, peut être moins éveillée, mais plus facile à élever et à aimer. 

 

Screenshot_181

 

Enfin, le règne de la manipulation des bambins se poursuit. Elle me fait fondre avec ses mimiques, et je cède à ses demandes de contes et de câlins.

 

Screenshot_183

 

Moi qui aime tant lire, comment pourrais je résister ? Elle me fait tellement plaisir lorsque je la vois parcourir les pages de son imagier. Je crois d'ailleurs qu'elle le sait fort bien, qu'elle aime certes les livres, mais plus encore me faire plaisir.

 

Screenshot_182

 

Jamais elle ne m'expliquera, comme le fit  Ameline ce matin : "- Papa dort bien. Chut, Maman, je vais jouer du tambour." 

 

Cher Journal ;

L'été bat son plein.

 

Screenshot_199

 

Malgré ses caprices d'enfant gâtée, Ameline a fini, dans le jardin familial, par dominer la station verticale prolongée. Mon rachis lombaire a poussé un soupir de soulagement.

 

Screenshot_200

 

Elle parle désormais parfaitement, et nous avons de longues discussions sur la nature des choses, l'origine des bébés et les limites à ne pas franchir. Bientôt, j'essaierai de lui expliquer les bases de la démonstration scientifique. Pierrick me gronde, gentiment : -"Elle est douée, mais ce n'est qu'une petite fille ! Elle ne va même pas encore à l'école ! Tu exagères, mon amour..." Humm... Peut être un peu.

 

Screenshot_195

 

Nous avons fêté en grande pompe son anniversaire. Elle en a profité pour glisser un bisou mouillé sur la joue de son père, histoire d'affirmer sa toute puissance... Aucune de mes filles n'a hérité de mes dons magiques, mais Ameline détient sur Pierrick un pouvoir réellement surnaturel.

 

Screenshot_197

 

En parlant de surnaturel, ma choupinette a développé un goût très net pour la magie et les contes. Sa première lecture aura été une anthologie des mythes et légendes de la Vallée.

 

Screenshot_196

 

Elle aura hérité de notre passion des livres, et on lui décolle difficilement le nez de ses bouquins.

 

Screenshot_205

 

Tout ne peut pas rester rose ; Corwin m'a rendue visite, pour me prévenir du retour d'Elouan à Dragon Valley. Il a emménagé chez Madame Faure, une très vieille dame excentrique, qui le traite moitié comme un fils prodigue, moitié comme un amant inespéré. Notre parasite de petit frère a trouvé une victime à exploiter.

 

Screenshot_201

 

Je me suis offusquée, j'ai tempêté et expliqué tout net à Corwin que je ne voulais plus avoir rien à faire avec Elouan. Il était hors de question que je sois mêlée à ses affaires douteuses.

 

Screenshot_202

 

Mon bien aimé frère Corwin me soutient complètement. Elouan n'a rien à attendre de lui non plus. Il y a des comportements qui restent inexcusables malgré les liens du sang et les souvenirs d'enfance.

 

Screenshot_208

 

L'attitude d'Elouan m'a plongée dans de sombres réflexions. Depuis mon accession à la direction de l'hôpital, l'attitude anti sorcier de la vallée s'était peu à peu atténuée. Mon plus jeune frère allait il détruire toute cette avancée, ruiner mes efforts, en se dressant comme un archétype de mage démoniaque ?

 

Screenshot_209

 

Qui vivra verra.... Je pense que je n'ai pas fini d'avoir des soucis avec mon frère. Mais en attendant, je refuse de me ronger les sangs. J'ai mieux à faire.

 

 

  

2 avril 2014

Journal de Mélusine, chapitre 6.

 

 

Cher Journal ;

Nous avons bénéficié de quelques jours de vacances en raison de notre mariage. Pour Pierrick, cela ne changea pas grand'chose ; mais pour moi, ce fut enfin l'occasion de souffler, de pouvoir faire une pause dans le rythme trépidant de mes longues journées alternées de gardes de nuit. Nous n'avons presque pas quitté notre chambre pendant cette lune de miel, nous consacrant pleinement l'un à l'autre, passant notre temps à nous reposer, lire et faire l'amour.

 

Screenshot

 

Cela dit, mon métier me manque. Je m'interroge sur les patients qui se présentent à l'heure actuelle, en mon absence, en salle d'attente ; leur contact, les rires des infirmières, les drames parfois qui nous unissent, les grandes victoires sur la maladie, les coups de speed lorsque résonnent les sirènes et les longs débats nocturnes où nous échangeons nos théories, tout cela me manque. Je me sens privée de quelque chose ; j'ai dû le reconnaître : je suis accro au travail.

 

Screenshot_6

 

Et puis, j'ai un autre sujet de réflexion doux amer, une pointe d'inquiétude grinçante, blessante, qui ronge tout doucement mon bonheur. Malgré toute la bonne volonté que nous y mettons, je ne suis toujours pas enceinte. Pas l'ombre d'un bébé à l'horizon. Et ce manque ci me semble plus lancinant encore. C'est une petite douleur, discrète, à peine perceptible, mais obsédante.

 

Screenshot_63

 

Comme nous l'espérons, ce bébé ! Tout est déjà prêt pour lui ; la nursery, de l'autre côté du mur de notre chambre, l'attend. En vain, pour l'instant. Les peluches restent seules, immobiles, les tableaux décorent une pièce inutile, tout y semble plongé dans l'attente.

 

Screenshot_9

 

J'avais toujours accusé mon travail, ma fatigue,  de m'empêcher d'être enceinte. Je me demande maintenant s'il ne faisait pas office d'un puissant dérivatif en captant mon attention, en me permettant de ne pas songer à ce vide que je ressens, à cette envie obsédante de tenir mon premier né dans mes bras. Maintenant que je suis en repos "forcé", ce manque, cette lacune, me tord le ventre.

 

Screenshot_3

 

J'ai demandé à Pierrick ce que représentait pour lui le fait de devenir père. S'il désirait vraiment un enfant ... S'il ne se soumettait pas à ma volonté. J'ai eu droit à ce fameux sourire de grand gamin que j'aime tant, puis à une réponse sérieuse, mêlée de tendresse et de douceur. Oh oui, il souhaitait un enfant avec moi ; lui qui aimait tant l'enfance, pour sa joie et pour sa malice, pour toutes les promesses qu'elle représentait, il attendait ce bébé. Un petit être né de moi et de lui, dans lequel nous retrouverions nos traits et nos mimiques ; un enfant à élever, à éduquer, à aider à s'ouvrir sur le monde ; une personnalité complexe et inconnue à apprendre à aimer...

 

Screenshot_4

 

Il m'a câlinée, m'a rassurée. Nous étions jeunes, nous avions le temps ; mon tempérament exigeait des résultats immédiats et tangibles, mais faire un enfant n'avait rien de commun avec une expérience scientifique démontrable et reproductible ! Ce bébé viendrait, quand il le voudrait ; nous n'avions qu'à l'attendre patiemment et nous préparer à l'accueillir.

 

Screenshot_10

 

Mon cher Pierrick ! A ses câlins, à sa douceur, à sa malice qui me titille et me reproche gentiment mes travers, je ne sais résister. Je me sens fondre devant son sourire, et mon anxiété s'envole comme la brume au vent du matin.

 

Screenshot_2

 

Mon désir d'enfant  est accru par la présence régulière de mes nièces aux Tourelles. Tiffaine et Mélissa adorent leurs grands parents, ainsi que la vaste salle de jeu de la demeure, et Corwin les envoie nous rendre des visites régulières.

 

Screenshot_7

 

Elles ont bien compris que je ne résistais jamais à leurs grands yeux implorants, et me sollicitent pour leurs devoirs d'algèbre ou de trigonométrie. Je proteste pour la forme, arguant qu'elles progresseront mieux en étudiant par elles mêmes ; puis je cède.

 

Screenshot_16

 

Nous avons un hiver précoce, la neige a déjà envahi le jardin ; durant leurs journées de vacances forcées, les petites s'y poursuivent en criant de joie, l'humaine et la lupine, en parfaite harmonie. La magie des Tourelles a encore permis ce miracle.

 

Cher Journal ;

Mon père s'est éteint ce matin.

 

Screenshot_18

 

Il est passé dans l'autre monde discrètement, avec son courage tranquille, avant même d'avoir atteint le grand âge.  

 

Screenshot_20

 

Il a salué calmement la Faucheuse, nous a dit au revoir, puis est parti. Les pleines lunes n'entraîneront plus de métamorphoses sous notre toit.

 

Screenshot_24

 

Maman a brièvement pleuré sur mon épaule, mais avec un chagrin empreint de résignation. J'ai eu l'impression qu'elle s'attendait à ce trépas que je trouvais précoce.

 

Screenshot_13

 

En effet, elle s'y était préparée. Corentin se savait atteint depuis plusieurs mois d'une maladie incurable ; et il avait refusé de m'en parler. Il ne voulait pas, m'avait expliqué Maman, devenir un patient à mes yeux ; il ne voulait plus être que mon père. Je l'avais assez soigné, il gardait ce dernier combat pour lui.

 

Screenshot_12

 

Nous sommes arrivées à la même conclusion : Papa avait vécu toutes les années depuis ce brasier dramatique qui avait transformé sa vie comme un  sursis ; il les avait savourées comme autant de jours précieux, imprévus, en suspends ; comme une grâce qu'on lui faisait. Il avait, malgré sa souffrance, aimé la vie comme on aime un cadeau inespéré. Depuis cet incendie, il s'était fait à l'idée de la mort. La Faucheuse n'avait eu à rencontrer ni angoisse, ni révolte...

 

Screenshot_11

 

Maman avait retrouvé le sourire quand Mélissa vint à son tour lui parler. Elle rit et plaisanta avec sa petite fille, lui expliqua qu'elle reverrait bientôt son époux, que la mort n'était pas une fin...

 

Screenshot_8

 

Mais je l'ai revue, ce soir là, son regard fixé sur la nuit enneigée qui s'étendait derrière la fenêtre. Ce deuil est commencé, mais il n'est pas fini. Peut-on d'ailleurs se faire à la perte d'un être aimé ? On apprend à vivre malgré l'absence, à apprivoiser ses souvenirs pour qu'ils ne vous blessent plus, c'est tout. Une pensée fugitive m'a traversée, égoïste : pourvu que je m'en aille avant Pierrick...

 

Cher Journal ;

Maman me tape sur les nerfs.

 

Screenshot_39

 

Depuis le décès de papa, elle n'a de cesse de me demander quand elle verra sa prochaine petite fille. L'héritière de notre lignée, qui prendra possession des Tourelles. Elle me chante les joies de l'enfance et de la maternité, glisse à mots couverts sur mes responsabilités, insinue qu'au deuil doit succéder  la joie de la naissance et de la vie... Bref, elle m'insupporte à un point difficilement concevable.

 

Screenshot_40

 

Si ses petites phrases partaient d'une intention égoïste, si elle avait la maladresse d'exiger tout de go une descendante, je pourrais me révolter et l'envoyer dans les cordes. Malheureusement, elle pense avant tout à mon bonheur ; elle sait à quelle point la famille compte à mes yeux, et, devant la crainte que je sacrifie ma vie à mon travail, elle ne peut pas s'empêcher de glisser ses encouragements maladroits. Elle n'a absolument pas conscience qu'elle me harcèle, que ses propos sont comme du sel sur une plaie à vif, que je ne rêve que de répondre à ses attentes. Mais d'enfant, il n'en vient point.

 

Screenshot_41

 

J'en viens à l'esquiver, à l'éviter, alors qu'elle rôde perpétuellement aux confins de mon champs de vision. Les Tourelles sont immenses, elles me semblent petites, trop petites pour éviter mon ange gardien qui vole à mon secours, comme un oiseau de proie devant un gibier blessé... Et je ressasse mon chagrin, mon angoisse, ma colère, à chaque cycle qui passe, quand mes règles arrivent et que dans le sang s'évacue un nouvel espoir brisé... 

 

Screenshot_42

 

Je suis tendue. Malgré le repos, tout mon corps me fait mal. Je ne rêve plus que de retourner au travail, de m'évader de cette demeure bien aimée qui me semble devenue petit à petit une cage dorée. L'enfer, ce sont les autres, et il reste bien pavé de bonnes intentions. L'enfer, c'est ma mère dans l'attente, mon enfant qui se refuse à moi. Je vais reprendre le travail, m'évader de cette prison. Mais Pierrick en hiver n'a même plus la possibilité d'aller à la Ferme ; il est condamné à rester.

 

Screenshot_21

 

Il ne va pas bien, lui non plus. Il se réfugie de plus en plus souvent dans ses rêves et ses jeux de gamin, s'évadant de la plus ancienne façon qu'il connaisse. Malgré le sport, il a repris du poids, et souffre de son image à nouveau altérée. Et les mots le fuient, s'envolent loin de ses pensées ; son ordinateur est devenu un adversaire impitoyable.

 

Screenshot_64

 

Son dernier recueil a été accueilli comme un best seller indubitable. Cependant, il n'a pas l'ombre d'un projet pour un prochain ouvrage. Il erre de pièce en pièce, se détend, me sourit, "tout va bien aller chérie". Sauf que son esprit ne lui évoque plus une image, et que l'effort lui est devenu insupportable. C'est devenu un as de la procrastination.

 

Screenshot_86

 

Son livre était excellent, subtil, drôle, élégant ; avec un scénario prenant qui nous a tous captivé de la première à la dernière ligne. Il n'est pas étonnant qu'il ait été reconnu à sa juste valeur. Pierrick est vraiment doué pour manier les mots.Nous l'avons tous adoré, aux Tourelles.

 

Screenshot_30

 

Vraiment tous.

 

Cher Journal ;

Pierrick a trouvé un moyen de compenser l'absence d'enfant dans notre foyer, et le vide  qui résonne dans les pièces trop grandes.

 

Screenshot_110

 

Parmi les petits travers de mon bien aimé, il y a son amour immodéré des chats. Ulysse, le matou qui vient de prendre possession de notre demeure (le chat est toujours le maître incontesté d'une maison, nous ne sommes que ses humbles serviteurs) a parfaitement compris qu'il avait en lui un esclave consentant prêt à l'adorer à sa juste valeur...

 

Screenshot_107

 

A mes yeux, les chats sont d'agréables et soyeuses décorations mouvantes. Pierrick, lui, leur voue une passion immodérée, et coûteuse. Outre les frais de vétérinaire, il y a les dépenses quotidiennes de nourriture, et mes qualités d'économe se révoltent en voyant mon amour gaver sa bestiole des croquettes les plus chères.

 

Screenshot_108

 

Il choie le chat avec tendresse et amour, le câline, le brosse, joue avec lui. Ulysse est devenu une parfaite compensation au bébé que nous n'avons pas encore. Évidement, le matou lui témoigne en retour une affection sans limites. Il sait bien d'où viennent les croquettes à dix simflouz les cinq cents grammes !

 

Screenshot_109

 

Ils jouent ensemble et se poursuivent à travers la maison, dans un fracas de piles de livres qui s'éboulent et de bibelots brisés. Les rires et les cris résonnent à nouveau sous notre toit.

 

Screenshot_112

 

C'est la raison pour laquelle je ne peux pas m'empêcher d'aimer Ulysse, malgré moi. Devant le sourire radieux qu'il fait naître sur les lèvres de mon amour.

 

Cher Journal ;

Ça y est, enfin !

 

Screenshot_67

 

J'ai annoncé à mon mari la grande nouvelle : le joli petit bâtonnet au bout bleuté que j'avais laissé dans la salle de bain signait la fin de notre mélancolie... Devant son manque de réaction (Pierrick le matin n'est pas opérationnel avant au moins deux cafés) j'ai dû préciser mes propos.

 

Screenshot_68

 

Le test de grossesse était positif ! J'étais enceinte ! Il allait être papa !

 

Screenshot_71

 

Là, une décharge le frappa. Il avala sa salive, les yeux brillants ; puis, sans mot dire, me prit par la main. Il serra mes doigts entre les siens, en silence, avec force. Nous étions si merveilleusement heureux...

 

Screenshot_80

 

Nous allions avoir un enfant !

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_25

 

Je pleure dans notre chambre, des grosses larmes amères et silencieuses qui coulent à gros sanglots et me serrent la gorge. J'ai eu mes règles ; le test était un faux positif.

 

Screenshot_26

 

J'ai beau essayer de prendre sur moi, je suis blessée, affligée.... Découragée... Cet enfant ne viendra-t-il donc jamais ? J'ai essuyé mes pleurs dans un mouvements de rage. Il faut que je prenne sur moi, que je ne me laisse pas aller.

 

Screenshot_27

 

Me restent ma peine, mais aussi ma colère contre ma joie passée. Comment ai je pu croire un simple test de grossesse ? Pourquoi n'ai je pas patienté, attendu d'être sûre, avant de me réjouir et de blesser Pierrick ?

 

Screenshot_51

 

Parce qu'il n'y a pas que moi que cet échec anéantit. Pierrick est resté devant moi compatissant et rassurant, se souciant avant tout de ma tristesse.

 

Screenshot_47

 

Mais je sais qu'il s'est réfugié dans son bureau pour être seul, pour affronter son propre chagrin, sa propre blessure.

 

Screenshot_48

 

Et c'est incroyable que cet enfant que nous voulons ensemble nous sépare, et que, pour nous épargner l'un l'autre, nous nous isolions pour affronter ce manque lancinant, cette nursery vide.

 

Screenshot_31

 

Demain, je retourne au travaille. Je vais retrouver mon exutoire. Je ne parlerai plus de cette grossesse. Je protégerai Pierrick.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_119

 

Le travail me réussit toujours, et j'y brille toujours autant. Je suis désormais neurochirurgienne. Une seule promotion me sépare de mon objectif. Cette pensée me motive, me stimule, et j'étudie, inlassablement.

 

Screenshot_120

 

La population de Dragon Valley est hétéroclite, on y croise toutes les races, tous les milieux sociaux. Et toute la variété des maladies connues semble s'y concentrer.

 

Screenshot_121

 

Alors, je me consacre à mon sacerdoce. J'examine, je diagnostique, j'administre les traitements, et je recommence. Les crépuscules d'hiver me retrouvent encore au travail chaque soir.

 

Screenshot_95

 

Seul le dimanche me renvoie aux vastes pièces vides des Tourelles. Je n'ai pas pu le supporter, je me suis enfuie. Mes pas m'ont conduite jusqu'au parc bleu,  là où mon amour avait vu le jour. Un puit m'y attendait. Le traditionnel puit aux souhaits de Dragon Valley, comment avais je pu l'oublier ? Dans cette contrée fabuleuse, le puit aux souhaits n'est pas qu'une légende... Il est réellement magique.... Je lançais ma pièce.

 

Screenshot_99

 

Et le voeu sembla se réaliser ! Des esprits des eaux, étincellants de lumière, s'élevèrent de la surface des flots, et convergèrent vers moi...

 

Screenshot_100

 

Une sphère lumineuse se constitua à mes pieds, éclatante...

 

Screenshot_101

 

Nous aurons deux chats, désormais.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_117

 

Pénélope, le chaton accordé par la magie du puit, s'entend relativement bien avec Ulysse. Le gros matou a flairé précautionneusement la minuscule boule de poils qu'on lui présentait, sans acrimonie, puis l'a léchée !

 

Screenshot_114

 

Cela dit, s'il témoigne une attention distante mais plutôt sympathique au chaton, notre matou se préoccuppe surtout de ses activités habituelles.

 

Screenshot_113

 

De toutes ses activités habituelles. Dont celle de dormir dix huit heures par, jour.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_81

 

Pierrick m'a fait part d'une proposition : il souhaiterait que nous prenions rendez vous à l'hôpial en consultation spécialisée. Que nous tirions au clair la question douloureuse de notre infertilité.

 

Screenshot_82

 

Je l'ai remercié avec chaleur. J'étais arrivée à la même conclusion, qu'il était nécessaire de savoir. Si un problème médical devait nous empêcher d'être parents, si nous devions nous orienter vers le long et difficile parcours de l'adoption, il fallait le savoir. Notre indécision ne pouvait pas durer.

 

Screenshot_83

 

Ce fut un acte de courage pour Pierrick. Il a très peur d'être stérile, d'être responsable à ses yeux de l'anéantissement de mes rêves et de ma lignée. Statistiquement, l'infertilité masculine est la plus fréquente... Je pouvais lire dans son attitude ses angoisses, ses remords. Comme s'il y pouvait quelque chose...

 

Screenshot_84

 

Alors, je l'ai pris dans mes bras. Je ne regretterai jamais de l'avoir épousé, en aucun cas. Je voulais qu'il soit le père de mes enfants, et s'il fallait en passer par l'adoption, nous le ferions.

 

Cher Journal ;

Nous avons consulté ; nous avons subis d'innombrables examens plus ou moins désagréables, parfois franchement humiliants. Mais nous l'avons fait de concert.

Screenshot_126

 

L'attente des résultats fut longue et pénible. Puis vint le temps du second rendez vous, des conclusions. La tension était palpable. Alors ?

 

Screenshot_125

 

Alors ? Alors rien, nous n'avons aucun problème d'ordre médical. Nous devrions avoir des enfants tôt ou tard. L'interne était heureuse de nous l'annoncer, plaisanta en réclamant un faire part le moment venu. Nous nous sentions soulagés, mais surpris. Dans ce cas de figure, qu'est ce qui retardait cette grossesse ? Un blocage psychologique ?

L'interne rougit, bafouilla, puis commença à nous donner un cours d'éducation sexuelle... Nous avons dû l'interrompre avec délicatesse.

 

Screenshot_88

 

Je crois qu'on domine le sujet, là... On pouvait s'en passer, de ce cours...

 

Screenshot_89

 

Cela dit, il faut reconnaître que notre vie intime, si elle reste tout à fait satisfaisante, n'a plus la qualité d'autrefois. Ce désir de procréer s'insinue comme une arrière pensée aux moments les plus tendres.

 

Cher Journal ;

La vie continue. Maman me laisse un peu tranquille, les chats vaquent à leurs occupations, et Pierrick lutte contre son clavier pour parvenir à rédiger quelques phrases.

 

Screenshot_122

 

Je remercie encore mon bien aimé pour l'adoption d'Ulysse. Maman aussi l'a pris en affection, ce qui fait qu'elle a un peu moins de temps à me consacrer.

 

Screenshot_123

 

Les jours passent, mais celui ci restera gravé dans ma mémoire : je suis arrivée à l'apogée de ma carrière médicale. Je suis désormais une spécialiste scientifique reconnue. Mon rêve de gamine s'est réalisé.

 

Screenshot_128

 

Mon premier acte, arrivée au sommet, a été de lire attentivement la somme des publications du Professeur Ponti. J'y ai comme prévu trouvé un ramassis d'erreurs, d'approximations et de préjugés sur la lycanthropie. Un bref mémo, adressé au Conseil de l'Ordre, a suivi ma lecture.

 

Screenshot_129

 

Papa, tu peux reposer en paix. J'ai commencé mon oeuvre. Les lupins seront désormais soignés avec autant de compétences et d'attention que les autres gens.

 

Cher Journal ;


On devrait toujours écouter sa maman.

 

Screenshot_136

 

Ce coup ci, il m'a été impossible d'esquiver ma mère en rentrant à la maison. Elle s'est donc empressée de me reprocher une fois de plus de négliger une part de moi même, et je m'apprêtais à protester quand elle a précisé :

-  "la part magique."

 

Screenshot_131

 

La part magique ? Qu'entendait-elle par là ? J'étais probablement la plus lamentable sorcière de notre lignée, je ne savais même pas lancer un piège de glace ! Faire apparaître des pommes représente le summum de mes compétences en matière de sortilèges, et elles ne sont en général pas consommables. Quant à l'alchimie, je n'avais jamais ouvert un grimoire ...

 

Screenshot_134

 

"Il y a d'autres formes de magie, Mélusine. Fais appel à la PMA, la procréation médicalement assistée..."

 

Screenshot_137

 

La procréation magiquement assistée... j'avais beau me creuser les méninges, impossible de voir ce à quoi elle voulait faire allusion.

 

Screenshot_140

 

Un sortilège que je ne connaissais pas ? Si la magie pouvait donner l'amour, ou du moins une forme illusoire d'amour, elle ne pouvait pas me rendre enceinte pour autant...

 

Screenshot_141

 

Mon brillant cerveau fatigue. j'ai mis longtemps à comprendre que ma descendance dépendait d'un autre génie que moi même. La lampe magique, bien sûr, pouvait m'accorder ce voeu...

 

Screenshot_142

 

Rayonnante, j'ai demandé au Génie de mettre fin à mon attente... Une jubilation douce m'envahissait. La lumière de la magie a fusé, le miracle a eu lieu.

 

Screenshot_143

 

Je suis si heureuse ! Je vais enfin être maman !

 

 

 

2 avril 2014

Journal de Mélusine, chapitre 5.

  

 Cher Journal ;

  

Le parc rouge est une autre des créations de ma tante paysagiste. Je ne voulais pas revoir Pierrick dans notre cadre habituel. Si il ne partage pas mes sentiments, je veux pouvoir revenir au parc bleu et y savourer les souvenirs de notre amitié, sans avoir à y revivre notre séparation. Il a accepté ce rendez vous inhabituel sans commentaire.

 

Screenshot_2

 

Je n'ai pas pu dormir. Je l'aime. S'il ne m'aime pas, ma vie va s'écrouler. Je me tournais et me retournais dans mon lit, froissant mes draps, sans trouver le sommeil, ressassant le plaidoyer que j'allais lui tenir. Dès les premières lueurs du jour, je me suis rendue sur place.

 

Screenshot

 

Le soleil s'est peu à peu dégagé de l'horizon, un chaud soleil d'été, brillant et chaud. L'air était tiède, et un vent léger effleurait mes cheveux. La brume matinale se dissipait, les oiseaux sifflaient leur concerto ; et moi, la gorge serrée, j'attendais mon amour. 

 

Screenshot_22

 

Il est venu tôt, lui aussi. Était ce bon signe ? Je l'espérais.

Je me suis avancée vers lui, la bouche sèche. J'avais élaboré toute une démonstration pour lui prouver que nous étions faits l'un pour l'autre, tout un exposé quasi scientifique, une apologie de notre future vie commune. Mélusine l'intellectuelle.... Et là, je comprenais l'absurdité de ma démarche. Et je ne trouvais plus quoi dire.

 

Screenshot_23

 

Qui ne tente rien... De toutes façons je n'avais rien à perdre. Je l'ai embrassé. Ce fut un long baiser passionné et brûlant, dans lequel je voulais transmettre toute ma passion. Mon coeur battait la chamade. J'avais l'impression que ces secondes duraient des siècles.

 

Screenshot_24

 

Parfois, la magie se passe d'élixirs et de sortilèges. Il me serra dans ses bras, fort. Et moi, blottie contre sa poitrine, je fermai les yeux, savourant mon bonheur.

 

Screenshot_25

 

 Un long moment plus tard, il m'expliqua qu'il avait toujours rêvé de me séduire. Qu'il avait sciemment utilisé pour se faire sa meilleure arme : ses livres. Et que je devais considérer chacune de ses nouvelles comme une lettre d'amour.

 

Screenshot_4

 

Nous passâmes ensemble cette chaude journée d'été, la première de la saison. A échanger quelques mots, et surtout à apprécier le silence. Et à simplement jouir de la présence de l'autre.

 

Screenshot_14

 

Nous nous aimâmes dans ce petit parc isolé, couchés dans l'herbe fraîchement coupée, au milieu des parfums des fleurs.

 

Screenshot_15

 

Le soir venu, c'est tout naturellement que nous nous prîmes par la main pour retourner aux Tourelles. La petite maison où avait vécu Pierrick jusqu'ici n'était plus qu'un souvenir effacé.

 

Cher Journal ;

 

C'est ainsi que Pierrick emménagea dans notre demeure ancestrale. Il me demandé cependant une faveur : qu'on lui accorde une pièce à lui, pour y concevoir et y composer ses livres.

 

Screenshot_60

 

Cela se justifiait sans nul doute, et de toute éternité, les héritières du domaine ré agençaient les pièces lorsqu'elles en prenaient la jouissance. Avec le départ de Corwin, ce n'était pas la place qui manquait... Et Maman rayonnait tant qu'elle semblait prête à réorganiser la ville, alors arranger un peu la maison...

 

Screenshot_33

 

Nous conçûmes donc un vaste bureau pour Pierrick. Une belle pièce spacieuse aux murs recouverts de bibliothèques fournies, aux larges fauteuils profonds.

 

Screenshot_41

 

Mais je n'aime pas être séparée de mon amour ; un étage, cela me semblait trop. J'eus donc soin de préparer un autre petit coin où il pourrait travailler, au sein même de notre chambre. J'adore m'endormir dans le cliquètement de son ordinateur, en rêvant aux nouvelles oeuvres qui s'élaborent à mes côtés. De toutes façons, l'élan d'enthousiasme de Maman l'a conduite à refaire tout l'ameublement.

 

Screenshot_48

 

J'apprécie ma nouvelle chambre. Je m'y sens bien. Elle me renvoie une image d'une femme et non d'une interne en médecine. Elle n'est pas juste fonctionnelle, elle est magnifique. Et romantique.

 

Screenshot_62

 

 L'arrivée de Pierrick aux Tourelles s'est passée à peu près sans souci. Il entretient avec mon père des relations cordiales. Ils ont peu de points communs (les voitures anciennes et les inventions saugrenues intéressent à peu près autant Pierrick que la météo d'Aurora Skies) mais ils se retrouvent sur un sujet qui leur est cher à tous deux : ma petite personne.

 

Screenshot_63

 

Quand à Maman, ce n'est pas compliqué : elle adore mon homme. Elle le considère comme un mélange d'un fils prodigue et d'un bienfaiteur. L'homme merveilleux qui a rendu sa fille adorée à la vie. Je n'aime pas le reconnaître, mais son sentiment est fondé ; depuis ce fameux jour où j'ai reçu le premier ouvrage de mon amour, ma vie semble s'être enrichie, magnifiée. A mes réflexions intellectuelles se mêlent à présent un cortège d'émotions et de sentiments.

 

Screenshot_56

 

La vie a repris son cours. Pierrick exerce désormais son activité aux Tourelles. Il lit, relit, rédige, conçoit, élabore chacune de ses oeuvres avec un soin infini, et j'ai pris conscience de la somme fabuleuse de travail qu'exigeait son sacerdoce. Chaque phrase est polie et travaillée mille et une fois, chaque texte est remanié pendant des heures. Pierrick est un écrivain extraordinaire, mais peu prolixe. Il passe trop de temps sur ses ouvrages.

 

Screenshot_55

 

Il a repris un peu de poids, depuis que Maman profite de la nouvelle cuisine pour lui mitonner ses plats préférés.

 

Screenshot_58

 

Mon père profite de la chaleur de la pièce pour passer du temps avec son épouse. Ils échangent des souvenirs, des nouvelles de leurs petites filles, et évoquent leur futur petit enfant.

 

Screenshot_52

 

Je devrais peut-être trouver le temps de leur dire à quel point je les considère comme un couple modèle. Si différents qu'ils aient pu être, ils se sont trouvés et aimés, sans jamais laisser les difficultés de la vie les séparer.

 

Screenshot_54

 

Et je sais qu'ils s'aiment encore, comme au premier jour. Ou bien davantage.

 

Screenshot_50

 

Les ados ont aussi profité du ré aménagement de la maison. Ils partagent toujours la même chambre - ils refuseraient de se séparer, de toute façon ; et tout leur temps libre. Le bal du lycée est passé sans l'apparition de petites amies gloussant à travers la maison. Ils restent soudés, indivisibles, perdus dans leur amitié exceptionnelle et négligeant un peu, il faut le dire, le reste du monde. 

 

Screenshot_64

 

Je file le parfait amour. Pierrick est tendre, câlin, complice. Notre existence est parsemée de preuves d'amour quotidiennes, de petits actes témoignant de nos sentiments, de notre attachement l'un à l'autre.

 

Screenshot_65

 

Lorsque je rentre du travail, mon premier mouvement est de le rejoindre. Je lui raconte ma journée, il me parle de ses écrits. Notre séparation durant mes longues heures de travail nous permettent de nous aérer, et nous nous retrouvons le soir venu avec d'autant plus d'amour.

 

Screenshot_66

 

Quand à notre vie intime, elle est juste exceptionnelle. Comment un pauvre adolescent coincé a -t-il fini par acquérir une telle aisance au lit, je l'ignore, mais je peux certifier que je ne dois pas être la première dans sa vie. Quelle autre femme a-t-il connue ? Je n'oserai jamais poser la question. Je sais déjà la réponse : cela ne me regarde pas....

 

Screenshot_80

 

La seule ombre au tableau est la mésentente de Pierrick et d'Elouan. Mon petit frère n'apprécie pas l'homme que j'ai choisi. Elouan a le sang chaud, et prend parfois ombrage de remarques anodines ; il se met dans des rages incompréhensibles, mais terribles. Là, c'est un simple compliment sur l'excellente scolarité de mon plus jeune frère qui a tout déclenché.

 

Screenshot_81

 

Elouan s'est mis en colère et a commencé à insulter Pierrick, lui disant qu'un raté tel que lui ( je le cite) n'avait pas à le juger ; lui reprochant le départ de Corwin, l'attention que maman et moi lui prêtons, sa simple présence, en fait.

 

Screenshot_82

 

Je ne sais pas ce qui a blessé la susceptibilité d'Elouan ; peut être aurais-je dû lui témoigner davantage d'affection, peut-être l'ai-je négligé, tout à ma passion ? Toujours est il que la colère de mon frère fut homérique, et que Pier, qui n'est pas d'un naturel emporté, ne savait plus que dire.

 

Screenshot_83

 

Bref, le moins qu'on puisse dire est qu'ils sont en froid. Bien plus que cela, en fait : désormais, quand Pierrick arrive, Elouan quitte la pièce.

 

Screenshot_45

 

J'ai essayé de discuter avec mon frère pour apaiser la situation et calmer son orgueil froissé. Il m'a opposé une fin de non recevoir : " Ton bonhomme est parfaitement minable et inintéressant. Je n'ai pas de temps à perdre à parler de lui".

 

Screenshot_107

 

En revanche, il consacre son énergie à piéger mon amour, à pourrir son quotidien par ses stupides farces mesquines. Il faut croire que pour cela, il a du temps à perdre.

 

Screenshot_51

 

Même Xhin n'a pas réussi à tempérer son compagnon de toujours. Malgré ses exhortations, Elouan se montre toujours parfaitement insupportable. Je veux bien croire que la vie d'un adolescent n'est pas toujours facile, mais les sautes d'humeur ne justifient pas tout. D'ailleurs, Xhin se montre quant à lui tout à fait charmant avec Pier.

 

Screenshot_79

 

Il faut dire que ces deux là ont trouvé un terrain d'échange : Xhin, depuis toujours, est un aventurier dans l'âme, et rêve de voyages, d'horizons inconnus et de lointains pays exotiques.

 

Screenshot_76

 

L'amitié qui lie désormais Pier et Xhin est partie de là, de récits de voyage, de voyages vécus, de voyages rêvés, de voyages décrits dans les livres. L'abondante culture littéraire de mon fiancé lui a permis de rapporter à son jeune interlocuteur de nouvelles destinations futures.

 

Screenshot_74

 

Et puis, Pier a raconté au petit ce qu'il éprouvait en parcourant notre vallée, son impression de découvrir chaque jour de nouveaux paysages jusqu'ici restés dans l'ombre, parce que la lumière du crépuscule les éclairait d'un jour nouveau, parce que la brume envahissait l'étang où il aimait nager, parce qu'un bouquet de pensées était apparu sur le flanc de la falaise. Cette sensation intime d'être chez soi, et dans un monde neuf, prêt à être découvert.

 

Screenshot_77

 

Xhin l'a écouté longtemps, fasciné. J'ai eu le sentiment qu'il découvrait enfin la possibilité de concilier son goût pour l'aventure, et son amour pour nous et pour la contrée qui l'a vu grandir. En faisant comme Pierrick, en redécouvrant avec amour sa vallée au quotidien.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_86

 

J'ai amené Pierrick à l'exploitation. Dans le marché tacite que nous avons passé, il y a le fait qu'il m'aide à maintenir la Ferme en vie. Il a brièvement écarquillé les yeux devant l'ampleur de la tâche, puis s'est mis à l'ouvrage.

 

Screenshot_87

 

Il s'occupe désormais quotidiennement des poules, des vaches et de nos chères plantes. Il a fini par conclure en riant que cela l'obligeait à sortir un peu le nez dehors, loin de son PC et de ses livres, qu'il n'abandonnait que pour son entraînement quotidien  ; et que cela ne pouvait pas lui faire de mal.  Il a  eu quelques difficultés à apprivoiser le tracteur...

 

Screenshot_88

 

Mais c'est maintenant chose faite.

 

Screenshot_49

 

Il a entamé un nouveau recueil, qui ne porte pas encore de titre. Il y traite de la beauté rude et éprouvante des travaux manuels et du labeur des champs. J'ai souri en lisant ses notes.

 

Screenshot_99

 

Sinon, mon amour n'abandonne pas son but : obtenir un esprit sain dans un corps sain. Il court donc, tant pour développer sa musculature ( humm...) que pour brûler les calories des pantagruéliques repas concoctés par Maman.

 

Screenshot_92

 

Et il garde le temps, chaque jour, de s'exercer aux échecs. Toujours seul. Il n'est pas encore prêt, m'a-t-il dit, à affronter un adversaire. Comme le plus féru, dans la maison, de cette gymnastique mentale, reste moi-même, j'attends avec impatience notre première partie. 

 

Screenshot-106

 

Sinon, cher Journal, j'ai été nommée à ma grande joie chercheuse en maladies infectieuses. J'ai gardé le même uniforme hideux, mais je me suis débarrassée des conseils génétiques. J'aime les maladies infectieuses ; il y a quelque chose de profondément satisfaisant à connaître de façon formelle l'ennemi - la bactérie, le virus ; à se savoir dans le rôle du gentil. Le seul problème éthique qui pourrait arriver, le patient contagieux qui refuse que son entourage connaisse sa maladie, ne se pose pas dans les faits : leur premier acte, dès le diagnostic posé, est de protéger leur famille et d'organiser le dépistage.

 

Screenshot-102

 

Je travaille tout de même bien trop. J'ai mauvaise mine, de belles cernes me creusent les yeux. En même temps, si je consacrais un peu de mes nuits à dormir, cela irait sans doute mieux. Mais cette promotion me ravit ; je ne suis qu'à deux degrés du sommet de ma carrière, et de la réalisation de mon rêve. Je serai la plus jeune chirurgienne de renommée internationale du pays, et je pourrai enfin exercer la médecine comme je l'entends, en prenant soin des exclus et des déshérités.

 

Screenshot-104

 

Bon, là, maintenant, tout de suite,  il est certain que je vois surtout l'opportunité d'aller me coucher comme une nécessité absolue. Pour dormir. Quelques jours de congés ne seraient pas du luxe ; je pense que si Pierrick et moi n'avons pas encore annoncé à mes parents une naissance imminente, c'est surtout parce que la fatigue dérègle mon cycle. Malgré tous nos efforts - et nous mettons du coeur à l'ouvrage ! - je ne parviens pas à être enceinte.

 

Cher Journal ;

 

L'automne est arrivé, moirant les feuilles, parsemant les beaux paysages de la vallée d'éclats de lumière rousse et dorée.

 

Screenshot_95

 

Ma mère, lors de son entraînement quotidien, s'est interrompue pour me parler. Mes parents voulaient discuter un moment avec moi, pourrais je leur consacrer un quart d'heure ? C'était important.

 

Screenshot-112

 

La conversation fut simple et brève : mes parents ne rajeunissaient pas, ils espéraient être présent le jour où j'officialiserais mon union. Ils voulaient, en somme, que je fixe une date pour le mariage. Si j'attendais trop, ils craignaient de ne plus être là.

 

Screenshot-113

 

Cela me fit un choc. Je suppose qu'on croit toujours ses parents immortels, surtout si comme les miens ils ont déjà réchappé à des situations extrêmes. Mais ils avaient plus de 85 ans ; je pris conscience, brutalement, qu'ils pouvaient disparaître d'un jour à l'autre. Nous avions, Pierrick et moi, compté attendre le printemps pour faire une grande fête ; mais mes parents seraient ils encore de ce monde ? Rien n'était moins sûr.

 

Screenshot_114

 

Ma mère s'excusa mille fois de me presser. Elle me dit, me répéta qu'ils n'exprimaient qu'un souhait, que je devais me sentir sûre de mon amour, qu'on se mariait par amour, pas pour satisfaire le voeu de ses parents... Je réalisai qu'en fait ils doutaient de mes sentiments envers Pierrick !

 

Screenshot_119

 

J'éclatai de rire, et je pus la rassurer. Non, je n'avais pas l'intention de passer mes jours seule, ni avec qui que ce soit d'autre que mon fiancé. Je n'avais pas non plus l'intention de sacrifier la maternité sur l'autel de la médecine. Je voulais me marier, je voulais être mère à mon tour ; ils n'avaient rien à craindre !

 

Screenshot_124

 

Évidement, Pierrick, devant l'exposé que je lui fis, n'eut qu'un mot  : il fallait qu'on se marie dès que possible.

 

Screenshot_122

 

En fait, je suis heureuse, Journal, que mes parents m'aient pressée. Je suis amoureuse d'un homme merveilleux et je vais l'épouser !

 

Cher Journal ;

 Screenshot_98

 

Nous avons fixé une date, et Pierrick, très officiellement, a demandé ma main à Papa, qui la lui a accordé de grand coeur. Encore heureux !

 

Screenshot_125

 

Parfois, dans la vie, tout coule paisiblement, parfois les événements se précipitent ; quelques jours avant la cérémonie, alors que nous nous battions dans l'avalanche de détails à régler, robe, costume, invitations, buffet, les petits ont fêté leur majorité.

 

Screenshot-127

 

Elouan m'a demandé alors de lui accorder cinq minutes. Je commence à en avoir assez de ces conversations cérémonieuses avec ma famille. Je me suis rendue au salon avec réticence, d'autant que je voyais arriver les problèmes.

 

Screenshot-136

 

Il m'a alors annoncé qu'ils partaient, Xhin et lui, faire le tour du monde. Ils rêvaient de ce voyage depuis toujours, il était temps pour eux de prendre le large. Ils avaient déjà acheté leurs billets pour la Chine.

 

Screenshot-132

 

Cela impliquait bien sûr qu'ils ne seraient pas présents à mon mariage. Ce qui, compte tenu de la franche cordialité qui unissait mon frère et mon fiancé, était peut être mieux... Elouan ne se voyait pas afficher une joie simulée, il grimaçait déjà en évoquant la cérémonie que j'attendais avec tant de joie. 

 

Screenshot-130

 

Vu les circonstances, je lui répondis que je lui souhaitais bonne chance et bon voyage, en parvenant à rester calme, polie et compréhensive. De fait, je me sentais profondément blessée. Elouan est mon frère, mais il est devenu un individu infect.

 

Screenshot_138

 

Il a même réussi à soutirer de l'argent à mes parents avant de partir, pour les menus frais du voyage. En vieillissant, il s'est transformé en parfait parasite, et je ne suis vraiment pas pressée de le revoir aux Tourelles.

 

Screenshot_139

 

Xhin, lui, a exprimé toutes ses félicitations à Pierrick. Curieusement, alors que je n'ai jamais été proche de lui, alors que je n'ai jamais réussi à le considérer comme un frère, alors même que je sais que Maman l'aime comme un fils, c'est lui que je regretterai le plus. Il est vraiment devenu un homme de bien.

 

Screenshot_140

 

Ils sont partis le soir même.

 

Cher Journal ;

Le grand jour est arrivé.

 

Screenshot_142

 

Nous avons ouverts les yeux au même instant, avons pris notre douche ensemble, nous sommes préparés de concert, et le moment est venu de se rendre sur les lieux de la cérémonie : ce petit parc rouge où nous nous sommes aimés pour la première fois.

 

Screenshot_160

 

Un mariage, c'est aussi une réunion de famille. Nous étions entourés des nôtres, de ceux qui nous aimaient, de nos amis, de Corwin et des siens. Nous étions heureux.

 

Screenshot_161

 

Les filles de Corwin sont déjà de petites demoiselles. Tiffaine, la petite brune, était ma demoiselle d'honneur, et Papa lui a longuement fait répéter son rôle.

 

Screenshot_162

 

La petite blonde, Mélissa, courait partout, et a passé la moitié de la cérémonie à explorer le parc.

 

Screenshot_163

 

Valérie était là, elle aussi, bien sûr. Elle a découvert avec ravissement l'oeuvre de tante Natty et lui a transmis toutes ses félicitations.

 

Screenshot_153

 

Nous nous sommes mariés devant l'assemblée, nous unissant pour le meilleur et pour le pire, dans la joie et dans la peine, dans la santé et dans la maladie, jusqu'à ce que la mort nous sépare... Nous étions très émus.

 

Screenshot_148

 

Nous n'étions pas les seuls.

 

Screenshot_149

 

J'ai cru un moment voir des larmes briller dans les yeux de mon père. Il m'a chuchoté à l'oreille qu'il était fier, et qu'il m'aimait.

 

Screenshot_157

 

Bref, cher Journal, ce jour brillera dans ma mémoire. J'ai épousé un homme exceptionnel.

 

Screenshot_156

 

Un homme tendre et complice, qui m'aime pour ce que je suis, mais n'hésite pas à m'aider à évoluer, à devenir plus passionnée, plus humaine.

C'est peut être le plus beau jour de ma vie.

 

Screenshot_154

 

Et pas que de la mienne.

 

 

 

 

 

 

26 mars 2014

Journal de Mélusine, chapitre 4.

 

  

Cher Journal ;

 

Le colis contenait un livre.

 

Screenshot_5

 

Un beau livre, un tiré-à-part, en papier bible, soigneusement relié. J'aime les livres pour leur contenu, bien sûr, mais aussi en tant qu'objets ; j'aime caresser leurs pages, admirer leurs couverture, sentir leur odeur. Celui qui m'avait envoyé ce bijou devait le savoir. Sur la page de garde, une simple dédicace, non signée : "Pour toi qui aimes lire, j'espère que cet ouvrage te plaira".

  

Screenshot_3

 

Il s'agit d'un recueil de nouvelles poétiques, presque élégiaques. Cet auteur -  Peter Tygeirick, un nom qui ne m'évoquait rien - décrivait en écho des sentiments de ses personnages les plus beaux paysages qui soient. Je croyais me promener dans ma vallée bien aimée, seule avec mes pensées, laissant flotter au vent mes songes et mes rêveries. J'ai adoré ce livre, mais je n'avais pas la moindre idée de l'identité de son expéditeur !

 

Screenshot_38

 

Je l'ai lu, relu. Dévoré d'abord, puis relu et savouré dans tous ses détails, dans ses métaphores subtiles, dans les oxymores délicats qui soulignent le texte, dans les émotions changeantes de l'héroïne au passage des saisons. C'était un texte magnifique, une poésie qui n'annonçait pas son nom, où les parfums, les couleurs et les sons se répondaient, et où tout m'évoquait ma contrée et mon âme.

 

Screenshot_45

 

Au point que je passais des heures à méditer sur ce texte, et sur l'identité de mon correspondant secret. Il me semblait de plus en plus évident que  Peter Tygeirick n'était qu'un pseudonyme ; si magnifiques que soient ses paysages, idéalisés et brouillés par la brume du rêve et de l'imaginaire, ils correspondaient trop bien à ceux que je connaissais. De là à conclure que l'auteur et l'expéditeur du livre n'était qu'une seule et même personne, qui me connaissait, du moins de vue - tout le monde se connaît à Dragon Valley - il n'y avait qu'un pas...

 

Screenshot_42

 

Mais j'avais beau réfléchir, mon génial petit cerveau ne laissait pas une seule hypothèse remonter à la surface, ne m'évoquait pas un simple nom. Ce questionnement devint une sorte d'obsession intime : qui était mon interlocuteur secret ?

 

Screenshot_46

 

Cela dit, j'avais d'autres préoccupations. Je venais d'être nommée généticienne, et je prévoyais que ce poste ne serait pas facile. On se pose tant de questions à l'heure actuelle sur l'influence des gènes dans nos plus petits problèmes, tout semble parfois une question de déterminisme. Je déteste ce principe. Nous ne serions dans cette hypothèse qu'une machine génétique plus ou moins bien programmée, et nos choix, nos désirs ne se réduiraient qu'à l'expression de notre structure moléculaire. 

Par ailleurs, la recherche a tant progressé que les patients attendent des solutions à tous leurs problèmes, quand, malgré nos avancées immenses, nous n'avons fait qu'effleurer la surface des choses. Bref, j'ai hâte d'obtenir ma prochaine promotion,et je travaille plus dur que jamais.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_59

 

J'avais raison de craindre le poste de généticien. Je me trouve confronter à un problème éthique qui me ronge. Une de mes patientes, Cindy L., est enceinte, et elle a demandé un test génétique prénatal car il y a dans sa famille plusieurs cas de syndrome du lama.

 

Screenshot_52

 

J'ai pu au moins soulager ma conscience et exprimer mon désarroi à mon père, toujours prêt à m'écouter parler de ma passion, mon travail. Il eut donc droit à un cours accéléré sur la maladie génétique nommée syndrome du lama. Elle existe sous deux formes : la première, le type A, peut entraîner des malformations rénales qu'il faut opérer dès l'enfance ; la seconde, le type B, est  tout à fait bénigne, et se caractérise surtout par des anomalies cutanées, une augmentation du nombre des taches de naissance, des ongles parfois mal formés, et un sens de l'odorat et du goût exacerbé.

 

 

Screenshot_62

 

Or, je venais de recevoir les résultats des tests génétiques réalisés sur l'amniocentèse, et j'étais toute heureuse de pouvoir annoncer à Mme L. que son fils était porteur de la forme B ; et qui plus qui est, sous forme hétérozygote ; il avait donc toutes les chances d'être parfaitement normal, et environ 5% de risques d'avoir quelques naevus, des ongles fendillés et des taches de rousseur.

 

Screenshot_66

 

Quelle ne fut pas ma surprise - et mon désappointement - de voir la grimace de ma patiente, vite suivie de cette phrase lapidaire : " Bon, tant pis, on en fera un autre. Comment on fait pour demander un avortement ?"

 

Screenshot_64

 

J'essayais d'expliquer à nouveau qu'il n'y avait aucune raison médicale d'interrompre cette grossesse, que je savais désirée, au sein d'une famille unie et sans problème. Sans doute m'étais je mal exprimée... Cet enfant n'aurait aucun handicap, physique ni mental. Il n'y avait pas plus de gravité dans ces résultats que d'apprendre qu'elle, blonde, aurait un bébé roux... Ils l'avaient désiré cet enfant, il allait bien, ces résultats étaient tout à fait rassurants...

 

Screenshot_63

 

"Ta ta ta, avec les problèmes génétiques, on ne sait jamais, une anomalie, c'est bien la preuve qu'il peut en avoir d'autres ! Je ne veux pas d'un fils différent, moi, chez nous on est normal ! Et ce n'est pas une vieille fille sans enfant qui va me dire ce qui est bien pour ma famille !"

Je suis restée sciée, hébétée, incapable de répondre...

 

Screenshot_53

 

Moralité, comme je l'expliquais à mon père, puisqu'il n'y avait pas de justification médicale pour obtenir une interruption thérapeutique de grossesse, elle s'est dirigée vers une interruption volontaire de grossesse pour convenance personnelle. Devant le simple résultat d'un test, alors qu'elle désirait ce bébé. Par simple bêtise, par peur de la différence, par désir d'avoir un enfant parfait ; c'est à dire, à ses yeux,  un clone à son image. Comme si un enfant, ce n'était pas toujours une personnalité nouvelle et différente de ses parents...

 

Screenshot_55

 

"Tu ne peux rien y faire, Mélu", me consola mon père. "C'est son choix. Qui sait, tu l'auras peut-être fait réfléchir... En attendant, cet enfant, accueilli dans une telle famille, aurait-il pu être heureux ?"

Heureux ? je ne sais pas. Mais vivant.

  

Screenshot_56

 

 Bref, mon père me consola en m'assurant que j'étais très convaincante, et qu'il ne doutait pas que j'avais donné réflexion à Mme L....

 

Screenshot_57

 

Je n'ai pas osé lui dire que je suis plus que dubitative. Mme L, après notre accrochage, a refusé de me voir à nouveau et a demandé à être suivie dans une autre équipe.

 

Screenshot_65

 

Je me suis laissée emporter. L'avortement est un droit quand on ne désire pas un enfant, quand sa naissance compromet l'équilibre du reste de la famille. Une option triste mais parfois nécessaire pour éviter des souffrances. Mais on ne jette pas un foetus à la poubelle par quête d'une perfection utopique et ridicule... Je m'en veux. Je n'ai pas été professionnelle. Mais malgré toute la puissance analytique de mon intellect, qui me hurlait de rester calme, mes réactions, ce soir là, ont été épidermiques.

 

Screenshot_67

 

 Cette journée aurait été parfaitement ignoble si je n'avais pas reçu un nouveau colis au courrier du soir. Mon coeur s'est allégé d'un coup...

 

Screenshot_68

 

Un nouveau livre, totalement différent et infiniment semblable, aussi merveilleux que son frère, a rejoint ma bibliothèque personnelle. J'ai passé la soirée à le lire, et aussi, je dois l'avouer, une bonne partie de la nuit... Jusqu'à l'aube, en fait...

  

Screenshot_69

 

En reposant le livre, j'ai pris ma décision ; j'ai envoyé un courriel à la maison d'édition, afin qu'ils fassent suivre à l'auteur. J'y exprimais toute mon admiration, tous les sentiments doux, amers, joyeux, tendres, mélancoliques et gais que ses nouvelles faisaient naître en moi, tour à tour. J'espère recevoir une réponse de l'auteur, où je pourrais quêter quelques indices sur son identité... 

 

Cher Journal ;

 

L'avortement de Mme L. a eu lieu ce matin.

 

Screenshot_112

 

Je suis ravagée. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que peut-être, avec un peu plus de conviction, j'aurais pu sauver ce bébé. Et je suis inquiète, terriblement inquiète. Un monde où on élimine des enfants sur des références d'apparence physique, où on valorise la parfaite "normalité", les critères idéaux, où on élimine ceux qui n'entrent pas parfaitement dans les normes... Cela porte un nom. Cela s'appelle l'eugénisme. Et c'est la porte ouverte à tous les génocides.

 

Screenshot_110

 

Mme S. se rend -t-elle compte qu'elle a subi un avortement parce que l'apparence de son fils risquait de ne pas lui plaire ? Voudra-t-elle demain renoncer à une autre  naissance si son enfant est brun, a les yeux violets, ou n'est pas du "bon" sexe ?

Je culpabilise ; j'ai l'impression de n'avoir pas su être assez convaincante, que je porte une responsabilité dans cette dérive. Qu'en tant que médecin, je devrais trouver les mots pour l'éviter, pour expliquer.

 

Screenshot_108

 

En tant que médecin... Mais le jour où l'on isolera le gène de la lycanthropie ou de la sorcellerie, n'y aura-t-il pas des Professeurs Ponti pour se dresser contre cette anomalie ? Être médecin ne protège ni de la cruauté ni de la bêtise.

J'ai mis longtemps à admettre que je n'avais pas à porter le poids de la médiocrité et de la dangereuse stupidité des autres. Mais mon moral restait au plus bas.

 

Screenshot_115

 

Pour me changer les idées, j'ai rendu visite à Corwin et Valérie. Ils sont les heureux parents de deux jumelles, Mélissa et Tiffaine. J'ai pu pouponner à loisir ces bébés accueillis avec chaleur dans une maison qui irradiait le bonheur.

 

Screenshot_116

 

Mon amour et mon implication pour ma famille ont repris le dessus; j'ai changé des couches, donné des biberons, et je suis repartie, apaisée.

 

Screenshot_119

 

Le vent chasse les nuages, et le temps apporte de nouveaux rayons de soleil : mon courrier m'apportait cette fois ci une lettre. Avec, sans signature, ces quelques mots : "Le parc bleu. Demain."

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_76

 

Le lendemain est arrivé. J'avais attendu avec fébrilité le matin, sans pouvoir dormir, puis pris un soin infini à me faire belle. Je voulais apparaître sous mon meilleur jour. Je parcourus les allées du parc bleu, ne pouvant m'empêcher, malgré mes préoccupations, d'apprécier son charme et ses dispositions florales. C'est une oeuvre de ma tante Natty, et je réalisai que je n'avais jamais trouvé le temps de l'arpenter... 

 

Screenshot_70

 

Natty a toujours a toujours été douée comme paysagiste. Le parc bleu, prévu pour recevoir des pic-niques dominicaux, des cris d'enfants joueurs et des promenades en famille, remplit parfaitement son but, sans sacrifier ni l'élégance ni le romantisme. Des amoureux pourraient sans hésiter s'y retrouver main dans la main. Je ne pouvais qu'admirer son oeuvre, au point de perdre de vue l'objet de ma venue. C'est alors qu'il m'appela :

- Mélusine !

 

Screenshot_92

 

Je mis quelques secondes à le reconnaître.

Peter Tygeirick, Pierrick Tegerty. Un simple anagramme. J'aurais dû le trouver. Pour le coup, mon puissant cerveau de génie s'était montré lamentable... Mais comment Pierrick, l'adolescent immature et malmené qui jouait avec la maison de poupée d'Elouan, était-il devenu un écrivain de talent ? Et comme il avait changé !

 

Screenshot_90

 

Je bafouillais un peu avant d'arriver à émettre des paroles intelligibles. J'avais tant à lui dire ! A quel point j'avais adoré ses livres, tout d'abord, à quel point ils avaient trouvé un écho dans mon âme ; à quel point j'attendais avec impatience d'en parler avec lui, de connaître ses sources d'inspiration, ses projets, ses ébauches. En même temps, je brûlais d'impatience de comprendre ce qui l'avait transformé ainsi, ce qui l'avait amené à l'écriture. La dernière fois que je l'avais vu, peu de temps avant mon départ à la fac, il était un simple employé de l'épicerie locale. Ou alors, je connaissais depuis toujours un diamant brut, n'attendant que d'être taillé et poli, et j'étais totalement passée à côté de sa valeur...

 

Screenshot_89

 

Finalement, je n'osais lui parler que de ses écrits, de crainte de le blesser. Ce fut lui qui aborda, avec un grand sourire taquin, son parcours. Ce sourire gamin qui illuminait son visage depuis toujours, mais qui était trop rare pour le rendre intéressant aux yeux de l'adolescente que j'étais. Et sa scolarité chaotique le rendait infréquentable pour mes prétentions intellectuelles...

" Tu te demandes sans doute comment j'ai tant changé ? Ce ne fut pas facile, mais je vais essayer de te raconter ... Après tout, tu es suffisamment intelligente pour que je tente une explication. Toi, peut-être, tu pourrais comprendre..."

 

Screenshot_10

 

" A la mort de ma mère, j'étais désespéré. Sa maladie l'a emportée assez vite, mais dans des conditions horribles. Pendant des mois, je m'étais efforcé d'être à ses côtés le plus souvent possible, de travailler pour rapporter l'argent nécessaire, de m'occuper des tâches de la maison... Je vivais pour l'aider, lui rendre la vie plus douce, plus facile - elle n'avait pas eu une vie facile, tu sais. Elle me malmenait, me rudoyait, était blessante, agressive et parfois insultante, mais je l'aimais."

 

Screenshot_16

 

" Je me suis rendu dans ce parc où nous sommes, histoire de me changer les idées. Tu sais que je suis resté un grand gamin, j'aime les activités simples des enfants. Je suis monté sur la balançoire que tu vois là bas, et j'ai commencé à me balancer, à m'envoler, à oublier mes soucis. J'avais retrouvé le sourire quand j'entendis la voix de ce gamin qui disait à son père :

- Papa, t'as vu le gros Monsieur ridicule sur la balançoire ?"

 

Screenshot_15

 

"Toute ma joie s'est évanouie. L'inutilité de ma vie m'avait à nouveau frappé au visage. Je suis resté assis sur ma balançoire, figé, incapable de réagir. Amorphe, comme je l'avais toujours été. Comme un gros monsieur un peu attardé. Dont la vie n'avait plus aucun sens, aucun but.

Le soir est tombé, et j'ai fini par rentrer chez ma mère. Enfin, chez moi."

 

Screenshot_24

 

"Je me suis regardé dans un miroir. J'étais obèse, mal habillé, informe. Et je savais bien que mon esprit aussi ne brillait ni par sa finesse ni par ses connaissances. J'avais à peine réussi à décrocher mon bac, je n'avais aucune culture, aucun talent. Les cours du lycée avaient glissé sur moi comme l'eau sur les plumes d'un canard, je n'en avais retenu que des bribes. Mon esprit, comme mon corps, étaient bloqués, comme en latence, dans l'attente d'une hypothétique métamorphose. Je m'évoquais une grosse chenille gluante et visqueuse, rampant lentement sur un sol boueux. Je me dégoûtais."

 

Screenshot_27

 

"Je réfléchis longtemps ce soir là, à mon avenir, à ma vie. Je n'étais qu'un simple employé sans compétence. Je n'avais pas à espérer faire une carrière brillante, sans argent ni dossier présentable pour intégrer la faculté. Mais rien ne m'empêchais de me cultiver par moi même. Et d'essayer de mincir. Mens sana in corpore sano... Cette citation latine, surgit du fond du passé, me revint en mémoire. Je décidais alors d'en faire mon objectif et ma devise."

 

Screenshot_20

 

"Alors, je me suis mis à courir. Je courais par tous les chemins, par tous les temps. Je me rendais au travail en courant, je faisais de longues séances de jogging à travers la vallée. Ce furent des instants précieux. Pas au départ : j'étais trop essoufflé, trop courbaturé pour m'occuper de rien. Mes muscles infiltrés de graisse, mes articulations fragilisées par des années de surpoids protestaient vivement, et je devais rester concentrer sur ce seul objectif : continuer, tenir quelques centaines de mètres de plus. Puis, je finis par pouvoir savourer ces longues promenades. J'appréciais de plus en plus les paysages, la sensation du vent sur mon visage, les parfums de l'herbe après la pluie. Je me mis à aimer notre vallée."

 

Screenshot_28

 

"Quand je n'en pouvais plus, j'exerçais mon cerveau. Seul ; je n'avais pas envie de me ridiculiser en affrontant un adversaire rompu aux échecs depuis sa prime enfance. Et puis, pendant toute cette période, j'ai préféré rester seul, concentré sur ma quête, sur ma lente maturation vers un meilleur Pierrick."

 

Screenshot_33

 

"J'avais bien conscience que mon apparence physique n'était pas fameuse. Je finis par trouver le courage d'oser refaire ma garde robe, pour essayer de me mettre un peu plus en valeur. Cela va te sembler étrange, mais ce n'était pas si facile ; mes vêtements amples camouflaient mon corps et me protégeaient ; en changeant de look, j'avais l'impression de me mettre à nu. Et si je n'aimais toujours pas le résultat ?"

 

Screenshot_40

 

"Le résultat, Dieu soit loué, me convint tout à fait. Je me sentis rempli d'une confiance nouvelle. D'une étrange sensation, à peine perceptible : qu'au fond je pourrais valoir quelque chose... Cette conviction, toute fragile et vacillante qu'elle fut, me remplit de joie."

 

Screenshot_35

 

" Et puis je me mis à lire tout ce qui me tombait sous la main. J'absorbais des dizaines d'ouvrages de tout type, sans discrimination. Pour me cultiver. Pour me remplir de données, de faits, d'histoires, d'anecdotes et de théories. Peut m'importait alors que ces recueils soient écrits dans un style admirable ou télégraphique, seules leurs conclusions  m'intéressaient. J'avalais leur contenu avec boulimie."

 

Screenshot_37

 

"Puis un jour, je compris. Je ressentis l'émotion de l'auteur, la beauté de son style. Comme une révélation, je vis l'architecture du texte, le soin infini de sa conception, de sa ciselure. Je savourais sa construction, ses rebondissements, ses figures de style, les vastes tableaux à peine suggérés que dessinaient les mots. Un jour, je découvris que j'aimais lire. Et je sentis en moi s'affirmer une vocation nouvelle : un jour, je serais capable de faire vibrer des lecteurs à mon tour. Je serais écrivain."

 

Screenshot_39

 

"Inutile de te dire que ce fut un long, long parcours. J'ai jeté des milliers de pages à la corbeille, remanié les mêmes phrases des dizaines de fois. Je mis des mois avant d'être fier d'un texte assez long pour être publié, à compte d'auteur. Il rencontra un succès mitigé, on me reproche toujours d'être trop allusif. Mais une petite sphère de lecteurs le remarqua ; dont mon éditeur. Tu connais la suite."

Pierrick se tut. Un ange passa. Je lui posai alors la dernière question, celle qui me brûlait les lèvres :

- Et pourquoi m'as-tu envoyé tes ouvrages ?

 

Screenshot_95

 

Il eut de nouveau ce sourire gamin qui irradiait de malice : 

"Pour tester mes livres, bien sûr, pour voir si ton intellect de génie les trouvait à la hauteur. Et puis aussi, pour te tester, toi".

 

Screenshot_94

 

"A moins qu'ils ne t'aient pas touchée ?" Le sourire s'évanouit subitement, laissant la place à l'air inquiet que je lui connaissais autrefois. S'ils m'avaient touchée ? Comment lui répondre, comment lui faire ressentir à quel point j'avais dans ses écrits eu l'impression de retrouver un autre moi même ?

J'essayai toutefois. Et nous parlâmes longtemps.

 

Screenshot_91

 

Quand nous nous séparâmes, je savais que ma vie avait changée. J'avais fais la connaissance de quelqu'un de rare, de précieux ; d'une âme soeur.

 

Cher Journal ;

 

Je rencontre à nouveau des soucis au travail. Des interrogations, des questionnements persistants, qui reviennent, inlassablement. La génétique n'est vraiment pas une spécialité facile.

 

Screenshot_122

 

Nous venons de perdre un patient atteint d'une maladie génétique progressive. Jusqu'à la cinquantaine, les sujets touchés se portent comme des charmes. Après, ils commencent à développer des symptômes et petit à petit, se paralysent, jusqu'à ce que leur coeur cesse de battre. Cette maladie horrible, nous pouvons la dépister chez les descendants ; mais il n'existe aucun traitement.

 

Screenshot_126

 

Un des fils de mon patient a choisi de savoir, savoir s'il était indemne ou non, savoir s'il finirait comme son père. L'autre fils n'a pas fait le test ; et je ne saurais dire lequel est le plus courageux. Ni pour quelle option j'aurais moi même opté.

Il est illusoire, je pense, d'essayer de se mettre à leur place. Il est des drames qu'on ne peut pas appréhender si on ne les a pas personnellement vécus.

 

Screenshot_102

 

Ce n'est plus à mon père que je raconte mes états d'âme. Pierrick et moi nous retrouvons dans le parc bleu presque tous les jours. Nous parlons de livres et de médecine. Il a une force tranquille qui me permet de tout lui dire, il peut tout encaisser, sans angoisse ni souffrance. L'agonie de sa mère a donné à mon alter ego une empathie infinie,  mais aussi une grande force d'âme.

 

Screenshot_103

 

Ce qui a le plus blessé Pierrick durant cette période, ce ne fut pas la souffrance de voir sa mère diminuée, ce ne fut pas l'appréhension de son décès inéluctable. Ce fut la sécheresse et l'orgueil des médecins, leur façon abrupte de le rembarrer, de lui démontrer qu'il n'avait plus aucun rôle à jouer pour sa mère dès lors qu'elle avait franchi les portes de l'hôpital. Leur certitude de savoir mieux que quiconque ce qui était le meilleur pour leur patient. Il comprenait bien qu'il était difficile d'échapper à un sentiment de supériorité quand on affrontait chaque jour la maladie et la mort, quand on supportait la responsabilité de dizaines de vie ; mais l'orgueil restait pour lui le péché le plus capital.

J'ai rougi, je crois ; je ne suis pas exempte d'une bonne dose de fierté. Se savoir un QI de 172 n'aide pas à avoir une estime modérée de soi même.

 

Screenshot_105

 

Parfois, j'ai l'impression qu'il lit dans mes pensée. A cet instant, j'eus encore droit au fameux sourire gamin que j'aime tant, qui se moque de tout avec tendresse. Et il m'a fait alors remarqué, d'un ton léger, que quant à moi, la médecine semblait m'apprendre - péniblement -  l'humilité....

Je n'eus pas le temps de lui répondre. Au fond du parc, des voix s'élevaient, appelaient à l'aide.

 

Screenshot_97

 

Une vieille dame faisait un malaise cardiaque. Ma tante Natty, qui profitait de ce parc qu'elle avait dessiné avec tant d'amour. J'arrivai à temps, et lui procurai les premiers soins. Elle fut vite tirée d'affaire.

 

Screenshot_101

 

Elle me remercia, tout en précisant qu'elle se savait le coeur malade, et qu'elle ne craignait pas son départ prochain. Elle avait eu une longue vie, joyeuse et claire ; et même les plus vieux arbres, me dit-elle, doivent tomber un jour...

En revanche, elle me chargea d'un message. Pouvais-je prévenir ma mère que mon oncle Aedan vieillissait beaucoup lui aussi, et que le temps qu'il leur restait ensemble s'amenuisait ? Si maman voulait passer un moment avec lui, cela lui ferait plaisir...

 

Screenshot_107

 

Je me séparai donc de Pierrick sans que nous n'ayons achevé notre conversation.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_128

 

Oncle Aedan a passé sa journée d'hier aux Tourelles. Maman l'a longuement écouté jouer. Il m'avait semblé plutôt en forme, toujours passionné par sa musique ; mais les apparences sont parfois trompeuses, et Natty connaissait toutes ses faiblesses... Il est mort ce matin.

 

Screenshot_130

 

Maman est très affligée. Elle a demandé à Natty et à mes cousins qu'Aedan soit enterré aux Tourelles, qu'il rejoigne ses aïeux, dans la maison qui l'a vu naître et qu'il a tant aimé. Bientôt, son fantôme jouera du piano dans la nuit. Mais Maman reste si craintive vis à vis des fantômes que je crains qu'il ne faille attendre longtemps avec qu'elle n'ose à nouveau partager ses pensées avec Aedan.

 

Screenshot_133

 

J'ai essayé de réconforter ma mère tant que je l'ai pu. Avec le décès de son frère, elle entre réellement dans la vieillesse. Elle a perdu non seulement un être aimé mais aussi le dernier témoin de son enfance. Une partie de sa vie s'est effacée de la mémoire de ce monde.

 

Screenshot_131

 

J'ai utilisé toutes ces mots creux, ces phrases toutes faites que l'on peut exprimer dans ce cas de figure. Que mon oncle n'aurait pas voulu la voir ainsi, que nous étions là pour elle, que sa vie n'était pas finie, que ses enfants et ses petits enfants comptaient aussi... Cela me semblait si artificiel... Et pourtant, il m'a semblé que je lui faisais du bien. 

 

Screenshot_138

 

- "Tu sais, Mélusine", m'a-t-elle dit, " Je m'inquiète tellement pour toi. Tu es une fille exemplaire, une femme remarquable, et pourtant tu ne te consacres qu'à ton travail. Cela me soucie vraiment".

Un malaise me saisit à ces mots, et je ne pus retenir un mouvement de recul. Mais Maman ne s'en aperçut pas, ou ne voulut pas en tenir compte. Elle continua.

 

Screenshot_48

 

"Parfois", continua-t-elle, " je pense que tu intellectualises trop les choses, que tu ne laisses pas ton coeur, tes désirs, tes émotions s'exprimer. Que tu juges trop les gens pour avoir des amis, pour tomber amoureuse. Et j'ai si peur que tu le regrettes plus tard..."

" Une part de toi aspire à une vie de famille, je le sais, je le sens. Je te connais, je t'ai portée dans mon ventre, nourrie, écoutée, vu grandir. Cette partie de ton être, tu la négliges. Tu sembles parfois l'oublier. Mais aussi loin que tu la refoules pour arriver à satisfaire ton ambition,elle reste bien présente, secrète, cachée. Et elle ressurgira un jour si tu n'en tiens pas compte. Et t'infligeras alors des blessures cruelles. Tiens compte de ce que tu es, ma fille, de tout ce que tu es."

J'aurais tout donné pour qu'elle cesse de parler. Je me sentais la blessure de ses paroles me pénétrer, ma solitude remonter des limbes où les écrits de Pierrick l'avaient repoussée. Mélusine, intellectuelle, froide, prétentieuse. Je n'étais plus ainsi, je ne voulais plus être ainsi.

 

Screenshot_49

 

"C'est aussi pour cela que ton oncle est venu l'autre jour. Pour parler avec moi. Je lui avais écrit pour lui demander conseil à ton sujet. "

" Ton oncle m'a un peu rassuré par sa certitude que tu t'ouvrirais aux autres un jour. Il me disait que tes dons intellectuels et le drame de ton père t'avaient fait grandir trop vite. Que tu avais développé un intellect faramineux, appris à tout analyser, pour faire face, pour trouver des solutions. Mais que ta maturité émotive prenait plus de temps pour s'épanouir. Qu'il te fallait, paradoxe, plus de temps qu'aux gens normaux pour apprendre à aimer les autres malgré leurs faiblesses et leur différences.

Et il pensait que tu pouvais même apprendre à les aimer  justement pour cela."

"Tu auras été le centre de notre dernière conversation..."

....... Il y avait une telle souffrance dans ses yeux brillants de larmes......

 

Screenshot_135

 

J'aurais fait n'importe quoi pour atténuer ce chagrin, cette tristesse. J'avais l'impression qu'elle était devenue fragile comme la flamme d'une bougie qu'on s 'apprête à souffler. Une angoisse m'a serré la gorge, tordu le ventre.

Alors, cher Journal, j'ai parlé, trop vite, sans réfléchir. Je lui ai dit qu'elle n'avait pas à s'inquiéter, que mon coeur n'était plus à prendre. Que j'avais rencontré quelqu'un ; et que bientôt, je lui présenterais mon amoureux. Qu'elle me donne encore quelque jours, et un nouvel habitant viendra profiter des Tourelles.

 

Screenshot_139

 

Que Maman était contente ! Son sourire est revenu, d'abord incrédule, puis radieux. Son visage s'est illuminé. Sans ajouter une parole, elle m'a serré contre elle, très fort. Puis elle s'est éclipsée.

 

Screenshot_140

 

Je suis restée seule face à la terrible situation que je venais de provoquer. Que j'aime Pierrick de toute mon âme, c'est certain ; je suis tombée amoureuse de ses livres, mais l'homme qui les avait écrits a fini d'emporter mon coeur. Je me sens prête à m'engager, à vivre et à vieillir à ses côtés.

Mais lui ? Qu'en est-il de lui ?

 

  

Publicité
Publicité
24 mars 2014

Journal de Mélusine, chapitre 3.

 

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_19

 

Je suis donc retournée aux Tourelles, dans un petit matin de printemps frisquet. Cela  m'a émue de revoir la demeure familiale, mais une sensation d'étrangeté m'a saisie devant l'immuabilité de la bâtisse : rien n'avait changé, comme si la vie s'était arrêtée pendant mon absence, comme si je revisitais le château de la Belle au bois dormant, que j'allais réveiller par mon retour.

 

 

Screenshot_29

 

J'ai retrouvé mes parents, égaux à eux mêmes. Bien évidement, j'ai bénéficié d'innombrables félicitations pour mon diplôme et ma mention. Cela m'a touché, je dois l'avouer ; pourtant, les choses sérieuses - la médecine - ne commencent que maintenant. Ce diplôme est une clef, mais il n'ouvre qu'une porte d'entrée.

 

 

Screenshot_24

 

Ma complicité avec mon père n'a pas changé, ou peut être que si ? J'ai raconté la fac en détail, ma déception par rapport aux faibles exigences des autres étudiants, la beauté du campus, les rires et les fêtes, ma joie de comprendre enfin la science dans ses plus petits détails.

 

 

Screenshot_25

 

Mais je n'ai pas pu parler de Yannis. Ni de Sunlet Tides.

 

 

Screenshot

 

Le lendemain, dès l'aube, j'avais mon rendez vous d'entretien initial avec mon tuteur. Je suis stagiaire en médecine désormais, habilitée à examiner des patients ( en me lavant bien les mains), à rédiger des ordonnances ( qui seront visées par l'interne) et à faire des gardes. Évidement, il fallait que mon mentor soit le professeur Ponti, l'ancien médecin de papa. 

 

 

Screenshot_6

 

On ne peut pas dire que l'entrevue ait été chaleureuse.  Après un bref commentaire désobligeant sur les dangers des expérimentations magiques dans le domaine sacré de la médecine pure, des effets incontrôlés de l'alchimie sur la population, il m'a vivement déconseillé de m'y risquer. Le sous entendu était clair : tout acte de magie était proscrit sous peine d'exclusion, et il regrettait infiniment de ne pas pouvoir m'exclure de façon préventive, moi, la sorcière. Le bûcher n'était pas loin...

 

 

Screenshot_7

 

J'ai bien compris, je suis restée polie, j'ai acquiescé. Je serai une stagiaire modèle passive et consciencieuse, et je prendrai soin de demander à l'interne son avis sur mes diagnostics et de m'y ranger, même s'il a tort. Et je me laverai bien les mains. Je tiens à finir ma médecine. Une fois à la place du professeur Ponti, j'aurai les mains libres, et je prendrai alors le meilleur de la médecine et de la magie pour assurer les meilleurs soins. En même temps, je ne suis pas certaine de savoir dans quel sens se tient ma baguette. 

 

 

Screenshot_20

 

La vie a repris son cours comme à l'ordinaire. C'est fou comme les fournitures médicales sont coûteuses, un stéthoscope digne de ce nom atteint les 700 simflouzs. J'ai toujours l'impression étrange de vivre à côté de ma famille. Les horaires délirants de ma fonction aggravent encore les choses.

 

 

Screenshot_33

 

Nous avons fêté l'anniversaire des petits ! Xhin est devenu un adolescent craquant, je plains les filles qui le croiseront.

 

 

Screenshot_36

 

D'autant qu'il est devenu très à l'aise avec les jeunes. Les bougies soufflées, il s'est aussitôt inscrit à plusieurs clubs, sport, bien sûr, mais aussi écriture et musique. 

 

 

Screenshot_39

 

Son alter ego habituel, mon petit frère Elouan, a bien évidement fêté son anniversaire le même jour. Nous aurons double ration de restes de gâteaux.

 

 

Screenshot_54

 

Conclusion : les jeunes filles du club de sport auront une double occasion de mouiller leurs mouchoirs en pleurant sur ces superbes jeunes gens qui les ignorent... Elouan est beau. Mon petit frère a seulement regretté que nous n'ayons pas de piscine, car il se voit bien passer sa vie au bord de l'eau... Brrr.

 

 

Screenshot_51

 

Comme depuis toujours, ils partagent la même chambre, où les plumes volent. Leur amitié reste inébranlable. Ils évoquent vraiment Montaigne et la Boetie, vivant l'un pour l'autre avant tout.

 

 

Screenshot_56

 

Bien évidement, ils se sont aussitôt rués sur le matériel d'entraînement de Maman. Deux artistes martiaux en herbe s'échauffent désormais le matin sur notre pelouse. Xhin rêve déjà de voir Shang Simla, la terre de sa vie antérieure... Je sens qu'un grand voyage s'annonce pour ces deux là, sitôt le lycée fini. 

 

Cher Journal ;

 

J'ai dû me montrer suffisamment passive, attentive et pleine d'humilité. Le Professeur Ponti m'a annoncé ce matin qu'il allait me confier mon premier patient. J'en serai responsable, et si l'interne reste disponible, je resterai décisionnaire pour cette jeune femme.

 

Screenshot_10

 

Je l'ai remercié avec chaleur ( et une bonne dose de feinte humilité, pour assurer le coup). Je jubilais. Enfin, j'allais faire mes preuves... et enfin, j'allais aider quelqu'un. 

 

 

Screenshot_23

 

Anne S., ma patiente, souffre d'une toux persistante avec vertiges et acouphènes. Je subodore une tuberculose avec atteinte méningée. Je l'ai examinée avec conscience, lui ai fait subir divers examens, et mon diagnostic semble confirmé.

 

 

Screenshot_4

 

Après ça, je me suis soigneusement lavé les mains.  Et pas pour faire plaisir à l'équipe. Si papa, ou quelque membre de ma famille, tombait malade à cause de moi ? Je ne me le pardonnerais jamais.

 

 

Screenshot_44

 

Les horaires sont vraiment éprouvants. je commence à 9h, et je finis ... quand j'ai fini, quand il reste des milliers de choses à faire, mais aucune qui ne puisse attendre le lendemain. Nous sommes en avril, et je sors à la nuit noire. Je vois à peine la lumière du soleil, sur mon balai, le matin, en me rendant à l'hôpital. Je suis de garde une nuit sur trois.

 

 

Screenshot_46

 

Inutile de dire que je ne lis plus, que je ne joue plus aux échecs, que j'échange à peine quelques mots avec le reste de la maisonnée. Mes objectifs une fois à la maison sont simples : manger le plus vite possible ; me doucher le plus vite possible ; et dormir.

 

 

Screenshot_47

 

Et lorsque le bipper sonne, hagarde, je m'habille en vitesse et j'enfourche mon balai dans un demi sommeil. Heureusement que les accidents de balai sont rares ; l'autre jour, un interne s'est tué. Il s'était endormi au volant. Je carbure au café, aux potions de maman, et j'attends les dimanches pour dormir, dormir, dormir...

 

Cher Journal ;

 

Anne S. est en train de se remettre, tout doucement. Elle supporte mal le traitement - qui est lourd. Les manuels décrivent les traitements comme une solution mais que se passe-t-il quand ils deviennent un nouveau problème ?

En tout cas, le professeur était content de moi. Mes anti tuberculeux semblent assez classiques et pas du tout magiques, et j'ai été promue au rang d'interne.

 

Screenshot_52

 

Je suis enfin un médecin à part entière ; il va falloir que je pense à écrire ma thèse ( j'ai encore un créneau dans mon emploi du temps, entre deux et trois heures du matin). Je suis fière, Journal, comme je ne l'avais jamais été.

 

 

Screenshot_53

 

Bon, maintenant, il faut se remettre aux études. La formation médicale continue, ce n'est pas un vain mot, car la médecine progresse  vite. Pas assez pour que les anti tuberculeux soient bien supportés, mais vite. Je dois donc lire et relire d'absconses revues médicales, complexes même pour mon génial cerveau. Je rêve de me plonger dans un roman ou un recueil de nouvelles, mais je n'en ai plus le temps.

 

 

Screenshot_60

 

Mes parents se portent magnifiquement bien et continuent à se témoigner un amour passionné. J'aimerais d'ailleurs bien qu'ils cessent de s'embrasser en ma présence. Ma vie sentimentale demeure un vide sidéral ; en même temps, avec mes horaires, je ne vois pas quand j'aurais le temps de rencontrer quelqu'un.

 

 

Screenshot_63

 

Mon frère Corwin passe ses journées à cheval, et ses soirées à roucouler avec sa belle. Nous avons un peu parlé de son avenir. La fac ne le tente pas ; il ne désire qu'explorer les confins de notre vallée qu'il aime tant, et vivre de sa chasse. Il profite de sa vie, de la nature, de notre environnement magnifique, que je ne vois presque plus. Je l'envie. Mais je suis médecin.

 

 

Screenshot_57

 

Un médecin qui ne tiendra plus longtemps à ce rythme là s'il ne prévoit pas quelques jours de vacances... Je commence à ressentir des courbatures dès mon réveil, et une vague nausée m'accompagne à chaque instant. La fatigue.

 

 

Screenshot_58

 

On me demande en outre - j'ai découvert avec horreur que cela entrait dans mes attributions - de tester de nouvelles molécules. Je ne suis pas du tout, mais pas du tout emballée par cette partie de mon travail. A chaque expérimentation, je me demande si je ne devrais pas rédiger mes dernières volontés.

 

 

Screenshot_65

 

Je dors désormais habillée les nuits de garde. Cela me gagne du temps, et chaque minute de sommeil est bonne à prendre.

 

Cher Journal ;

 

Aujourd'hui, c'est la journée de l'amour. Pas de petit ami pour moi en vue, mais je ne travaille pas, et je ne suis pas de garde ! 

 

Screenshot_150

 

Je me suis réveillée après une nuit de douze heures, sereine et radieuse. J'ai même pris le temps de rêvasser un peu avant de passer à la suite. Comme cela m'a fait du bien ! Une longue journée de repos m'attendait ; et j'avais prévu un vaste programme : ne strictement rien faire !

 

 

Screenshot_195

 

L'envie m'a saisi d'aller pêcher. Mettre un peu mon nez dehors, voir la lumière du printemps s'étendre sur la vallée, les dernières brumes s'évanouir sous la caresse des rayons de soleil. Moi qui n'avais jamais été passionnée par la pêche, je me sentais heureuse de simplement contempler les bulles qui éclataient à la surface de l'étang et la surface de l'eau ridée par le vent. Seul le froid m'a fait revenir aux Tourelles.

 

 

Screenshot_156

 

Là, j'ai pu passer un long moment à discuter avec mon bien aimé frère Corwin. Nous nous sommes enfin retrouvés, alors que depuis mon retour mon emploi du temps de marathonienne m'empêchait de passer du temps à ses côtés.

 

 

Screenshot_154

 

Mon frère préféré, mon compagnon de toujours, si différent et si indissolublement lié à ma vie... Dans quelques jours, il sera adulte. Il se mariera sans doute dès qu'il le pourra et partira de la maison. Il me manquera.  

 

 

Screenshot_157

 

Mais je n'ai pas oublié mon autre petit frère ! Pas de favoritisme, j'ai passé un bon moment à ses côtés également...

 

 

Screenshot_160

 

Nous avons également fêté l'anniversaire de mes parents. Ils sont si heureux de vieillir ensemble ! Ils vont fêter bientôt leur anniversaire de mariage, et s'en réjouissent pleinement. Les difficultés de la vie, l'accident de mon père, ont abouti en fin de compte à les souder plus encore, à forger un amour exceptionnel, à l'épreuve des flammes.

 

 

Screenshot_166

 

Je trouve qu'ils ont magnifiquement vieilli. L'âge a donné à mon père une nouvelle douceur dans son visage ascétique. Quant à ma mère, elle irradie de beauté. 

 

 

Screenshot_169

 

Et c'est là que ma journée s'est assombrie. Ma mère n'a eu de cesse, sitôt les acclamations finies, que d'avoir une conversation privée avec moi. Elle a essayé de le faire avec tact, mais le sens de son discours était clair : c'était bien beau de passer mes journées (et mes nuits) à l'hôpital, mais elle ne rajeunissait pas... Quand trouverais-je le temps de la remplacer à l'exploitation familiale ? Elle m'aiderait tant qu'elle le pourrait, mais elle n'était pas éternelle... Et surtout, quand me marierais-je ? Quand pourrait elle faire sauter une petite fille sur ses genoux ? Comme si ces pensées ne m'étaient pas récurrentes, comme si elles ne hantaient pas mes nuits... Comme si je ne rêvais pas, moi pour qui la famille passe avant tout, d'être mère et épouse à mon tour.

 

Screenshot_170

 

J'ai essayé de lui expliquer que je ne serais pas interne toute ma vie, mais que pour l'instant ma carrière primait sur ma vie personnelle. Et j'ai laissé échapper que tout le monde n'avait pas la chance de rencontrer un homme comme mon père... Les hommes que je connais, elle ne souhaiterait certes pas les avoir pour gendre ! Et je n'allais pas épouser un imbécile ou un égoïste juste pour satisfaire ses desiderata...

Le ton a monté, petit à petit...

 

 

Screenshot_173

 

Bref, nous nous sommes un peu disputées... Ce d'autant plus qu'elle sait fort bien à quel point je rêve de me marier, et d'être mère... Elle ne comprend simplement pas que je rêve tout autant de voir ma carrière aboutir, elle qui pour seule profession s'est consacrée à la Ferme. Elle n'a pas saisie que je suis déchirée entre ces deux désirs, ces deux besoins, que j'enrage de les voir si incompatibles....

 

 

Screenshot_174

 

J'ai pris sur moi. Ma mère est une vieille dame, il m'a semblé inutile de nous brouiller. J'ai fini par l'assurer que je n'attendais pour me marier que l'âme soeur, que je ne laisserai pas la médecine m'éloigner de l'autel, et nous nous sommes enlacées tendrement. Puis je suis montée dans ma chambre, pour pleurer.

 

 

Screenshot_176

 

Comment allais-je faire pour rencontrer quelqu'un, avec mes horaires absurdes ? Comment ? Est-ce que j'allais vivre une vie solitaire, m'éloignant de ma famille, décevant Maman, en allant de gardes en gardes, en me consacrant à tous et à toutes sans jamais trouver le temps de m'occuper de moi ?

 

 

Screenshot_177

 

C'est décidé, Journal, je prends un congé sans solde. J'ai besoin de réfléchir.

 

Cher Journal ;

 

Comme c'est étrange de se réveiller de soi même, sans sonnerie stridente qui vous arrache des limbes.

 

Screenshot_152

 

J'ai quand même pris le temps de lire mes revues médicales, sans crainte d'une interrogation surprise. Car le professeur Ponti - comme tous les mandarins - adorent interroger les internes pendant la visite. Et gare à celui qui ne connaît pas la réponse ! Outre l'humiliation de se voir ridiculisé devant toute la cohorte des autres étudiants , l'interne déficient se voit chargé de tout le travail ingrat du service...Je déteste cela. Comme je déteste les visites où nous entrons en troupeau dans la chambre des malades effrayés, pour parler de leur cas devant eux, comme s'ils étaient absents, ou comme s'ils n'étaient pas dignes de participer à l'échange.

 

 

Screenshot_193

 

Je suis retournée au petit parc où j'avais pêché la veille. Il m'a semblé illusoire de réfléchir à mon avenir aux Tourelles. Et j'éprouve le besoin d'arpenter ma vallée, de goûter sa beauté et sa douceur un peu sauvage.

 

 

Screenshot_191

 

Je reste certaine d'avoir fait le bon choix en refusant de suivre Yannis à Sunlet Tides. Aucun cocotier n'arrivera à égaler mes cerisiers et mes ormes ambres, caressés par le vent. Dragon Valley est le lieu où mon coeur se sent chez lui. Mais dois je y vivre comme sorcière ou comme médecin, nul ne peut m'aider à trouver la réponse.

 

 

Screenshot_190

 

J'en étais là de mes réflexions quand j'entendis une voix m'appeler : - Mélusine ! Une voix surgit des ombres du passé...

 

 

Screenshot_201

 

Mme Nouvelois, ma vieille prof de physique ! Elle faisait sa promenade matinale dans le parc, et plongée dans mes pensées, je ne l'avais pas vue. J'ai éclaté, je lui ai raconté mon dilemne, à elle qui m'avait tant poussée à perfectionner mon don pour les sciences, tant incitée à me rendre à la fac... Et maintenant, j'hésitais à démissionner.

Sa réaction a été moins sèche mais tout aussi affirmée que dans mon souvenir. Je n'y pensais pas ! C'était inconcevable, inadmissible ! Je n'allais pas m'enterrer dans une vie d'agricultrice qui ne me satisfaisait pas, où je gâcherais mes aptitudes hors du commun. Devant la diatribe, je frémis ; ce n'était pas une déchéance que de s'occuper de l'exploitation, tout de même ?

 

 

Screenshot_202

 

Elle a bien vue ma réaction, et s'est radoucie. Elle m'a interrogée sur les satisfactions que je pouvais éprouver à étudier sans cesse, à découvrir chaque jour de nouvelles données, à être toujours à la pointe des connaissances humaines... Cela m'intéresse, cela m'enthousiasme, c'est indubitable.

Et les patients ? Ah, les patients... Savoir qu'on a changé une vie pour le meilleur, ou du moins, qu'on a essayé... Mais il y a si peu de retour, si peu de victoires contre la maladie, pour tant d'échecs et pour tant d'amertume...

C'est alors qu'elle m'a suggéré une option...

 

 

Screenshot_203

 

Si les patients ne nous donnaient pas de nouvelles, rien ne nous empêchait d'aller en prendre. J'enfourchai mon balai et m'en fus sonner chez la famille S.

 

 

Screenshot_204

 

Je trouvais Anne S. au fond de la cour. Je faillis ne pas la reconnaître. La dernière fois que je l'avais vue, elle restait pâle, un peu hagarde, assommée par le traitement. Là, toute pimpante, maquillée, elle arrosait ses fleurs...

 

 

Screenshot_205

 

Elle eut un mouvement pour me prendre dans ses bras, s'arrêta, gênée. Ce fut son premier geste en me reconnaissant. Il me fit chaud au coeur. Nous parlâmes longtemps, de son rétablissement, de ses projets. Elle avait pu reprendre le travail, attendait la fin du traitement pour concevoir un bébé... Peu à peu, nous nous nous mîmes à causer à bâtons rompus, à rire. Puis, très sérieusement, elle reprit :

- Vous m'avez sauvé la vie.

 

 

Screenshot_207

 

Puis elle me serra contre elle, sans hésiter, cette fois.

 

 

Screenshot_215

 

A mon retour aux Tourelles, je retrouvai Corwin dans le jardin, rêvassant. Je m'allongeais dans l'herbe à ses côtés. et, lentement, avec difficultés, tout sortit enfin : Yannis et ma triste amourette perdue, mon rêve de devenir spécialiste scientifique, et les difficultés que je rencontrais à concilier cela avec les obligations de notre famille... Corwin ne dit rien tant que je n'eus pas fini, puis il lâcha :

- Pour Yannis, je m'en doutais. Tu n'as pas dit un mot sur lui à ton retour, il fallait qu'il se soit passé quelque chose. Mais il n'était pas fait pour toi.

Il poursuivit :

- Tu y arriveras, j'en suis sûr. J'en fais le pari ! Tu adores ton métier, tu ne peux pas vivre sans lui. Mais un petit conseil : si tu veux rencontrer des hommes, autres que tes patients, tu devrais passer tes journées de congés ailleurs qu'à la pêche...

Touchée !

 

 

Screenshot_221

 

Et c'est ainsi que j'ai repris le travail, et que je suis devenue urgentiste.

 

 Cher Journal ;

 

Screenshot_217 

Les jours passent ; nous avons fêté l'anniversaire de Corwin. Je me souviens encore de nos jeux dans la nursery, de lui avoir donné son premier biberon de bambin. C'était il y a quinze ans.

 

 

Screenshot_227

 

Corwin est devenu un bel homme calme et sûr de lui. Pour Maman, qui s'était tant posé de questions devant ses crises de colère, c'est une victoire de plus sur la vie. Un chasseur repenti a publié un ouvrage qui l'a marqué : "La chasse silencieuse", où il remplaçait dans sa traque son fusil par un téléobjectif. Depuis sa lecture, mon frère s'est passionné pour la photographie.

 

Screenshot_232

 

Le premier acte d'adulte de Corwin et Valérie a été d'emménager aux Tourelles, hélas trop brièvement.

 

 

Screenshot_240

 

Ils m'expliquèrent très vite qu'ils avaient l'intention de quitter la maison dès que leur mariage serait célébré. Ils ont bien l'intention de nous rendre souvent visite, mais ils attendent avec impatience de s'installer dans leur petit nid d'amour, pour s'occuper exclusivement l'un de l'autre, sans croiser le regard parental et les éclats de voix adolescents dans chaque pièce. C'est vrai que les Tourelles sont un peu surpeuplées ; malgré les immenses pièces, nous marchons un peu les uns sur les autres.

 

 

Screenshot_233

 

 Ils se fiancèrent donc, et fixèrent une date rapide pour célébrer leur union.

 

 

Screenshot_238

 

Et le grand jour arriva. Valérie était juste magnifique, et, curieusement, tandis que son fiancé semblait simplement radieux, elle même semblait aussi stressée qu'émue. Elle m'avoua qu'elle attendait ce jour depuis le lycée, et qu'elle avait un peu de mal à croire qu'elle allait réellement épouser mon loup de frère...

 

Screenshot_235

 

La cérémonie fut brève, mais émouvante, et devant mes parents en larmes, Valérie et Corwin se choisirent et s'unirent jusqu'à ce que la mort les sépare. J'avais une grosse boule dans la gorge, et un sourire béat sur les lèvres.

 

 

Screenshot_237

La fête finie, vint le moment du départ. Corentin émit ses dernières recommandations. Il va redevenir le seul loup de la maison, mais je sais que cela ne le gêne pas, même s'il ne change plus qu'aux soirs de pleine lune. Il n'a jamais voulu renoncer à sa nature, même pour échapper aux douleurs. Papa fit un cadeau à son fils aîné en lui remettant Lothiel, notre licorne. Il est vrai que c'est la monture de Corwin avant tout.

 

 

Screenshot_239

 

 Dans son étreinte, Corwin me souffla : - Tu seras bientôt tata !

Je compris alors que le bébé était déjà en route. Ce mariage rapide l'avait peut être été juste assez.

 

 

Screenshot_165

 

 Ils sont partis au coucher du soleil.

 

 

Cher Journal ;

 

Le temps défile à tout allure, de jours en jours, de gardes en gardes. Je m'épanouis à mon poste aux urgences.

 

Screenshot_214

 

Le lendemain, à mon réveil, je raconte à mon père les petits tracs et les grosses urgences auxquels j'ai dû faire face, et il m'écoute attentivement. Lui ne m'a jamais parlé de mes responsabilités envers l'exploitation.

 

 

Screenshot_208

 

 La Ferme, c'est ma mère qui continue à l'entretenir. Nous n'avons pas besoin de l'argent qu'elle nous rapporte, mais Maman tient à la tradition.

 

 

Screenshot_231

 

Xhin s'entraîne dès qu'il a un moment de libre, s'efforçant de regagner le niveau exceptionnel qu'il possédait dans sa vie antérieure. Je ne peux m'empêcher de trouver sa situation inconfortable : son avenir est tracé, marqué par l'influence de son incarnation précédente, alors même qu'il n'en garde aucun souvenir.

 

 

Screenshot_229

 

Mais je ne comprends pas mieux la passion pour l'eau de mon petit frère Elouan ! Dès qu'il parle de ses exploits à la piscine, je frémis. Il ne pense qu'aux bateaux, aux lacs et à la  plongée sous marine, et cela n'évoque en moi que noyades et mal de mer.

 

 

Screenshot_225

 

Ces deux là parlent de plus en plus fréquemment du grand voyage qu'ils feront une fois leur bac en poche, de leur avenir qu'ils n'envisagent qu'ensemble. A croire qu'ils n'ont toujours pas compris qu'ils ne vivaient pas seuls au monde et l'un pour l'autre. J'espère que le bal de fin d'année leur ouvrira les yeux.

 

 

Screenshot_228

 

Bref, la vie avait repris un cours habituel, malgré le départ de Corwin. Jusqu'à ce que je reçoive le colis...

 

 

 

22 février 2014

Journal de Mélusine, chapitre 2.

 

Cher Journal ;

 

Me voici majeure. Je vais pouvoir démontrer au monde ce dont je suis capable, et révolutionner les sciences et la médecine. Il n'y aura plus de patients abandonnés à Dragon Valley.

 

Screenshot_9

 

J'assume parfaitement cette ambition. S'il est ridicule et absurde de surestimer ses aptitudes, se rabaisser par fausse modestie serait une offense à mon intelligence, et je suis douée du cerveau le plus brillant qu'il ait été donné de voir dans la Vallée depuis que mes ancêtres s'y sont établis. Je suis un génie, je suis ambitieuse, et je vais faire la preuve de mes capacités de travail hors du commun. Je ferai de cette ville un pôle médical d'excellence.

 

Screenshot_13

 

Mon travail a déjà été reconnu avec la remise des diplômes. Outre le très évident titre de meilleure élève, j'ai été nommée l'élève la plus susceptible de devenir millionnaire. Ce qui, en ma qualité d'économe, ne peut que me combler. Par ailleurs, j'ai obtenu un dossier élogieux, voir encenseur, pour mon inscription à l'université.

 

Screenshot_16

 

La remise des diplômes fut aussi l'occcasion de croiser de vieilles têtes. Nous étions condisciples la semaine dernière, mais nous avons tous mûris subitement. Nous voilà adultes, prêts à prendre nos vies en main. Yannis, par exemple, a remarquablement changé en si peu de temps. Son visage poupin s'est affirmé, et c'est un fort bel homme qui m'annonçait son départ à la fac.

 

Screenshot_18

 

Evidement, je fus enthousiasmée par cette nouvelle. Ma vie d'étudiante commence d'emblée avec un camarade d'études sympathique ! Je lui proposai aussitôt de nous épargner la déchéance, le bruit et la saleté des résidences universitaires et de nous installer en colocation.

 

Screenshot_19

 

Mais avant notre départ, nous fixâmes un dernier rendez vous de notre petit groupe, une ultime fête d'adieu, avant la séparation qui s'amorçait avec notre départ à la fac, et surtout : avec notre entrée dans la vie.

 

Screenshot_22

 

Comme elle fut émouvante, cette dernière rencontre ! Je pus y exprimer mes ambitions et mon rêve le plus cher : faire disparaître les errances médicales, assurer à chacun une chance d'être écouté, aidé, et finalement soulagé. Et loin de me juger froide et prétentieuse, j'ai bien senti que mes amis m'approuvaient, me soutenaient, dans cette quête.

 

Screenshot_23

 

Yannis, lui, rêve d'efforts et de victoires. Il s'est inscrit dans un cycle d'éducation physique, avec le voeu de tant briller sur le terrain de football qu'un sélectionneur le remarque. Plus que son diplôme, il souhaite un premier contrat, afin de devenir un jour un athlète superstar.

 

Screenshot_24

 

L'avenir de Pierrick reste plus terne. Sa mère est tombée gravement malade, et il dépend de lui désormais de faire rentrer l'argent du foyer. Il a pris un emploi à l'épicerie. Il est resté très secret sur ses aspirations profondes ; pourtant, je n'ai pas l'impression que nos ambitions le choquaient, mais bien plutôt qu'il était devenu extrêmement réservé avec ces responsabilités nouvelles.

 

Screenshot_25

 

Nos tourtereaux étaient là, eux aussi, mais pour Corwin et Valérie, la fac et le diplôme sont encore bien loins. Ils s'aiment toujours autant, malgré leur différence. J'éprouve maintenant pour Valérie une affection presque fraternelle, et j'espère vraiment que le temps ne les séparera pas. Je trouve cela si beau, une histoire d'amour qui débute au lycée et dure toute la vie... Comme celle de mes parents. Ce ne sera pas mon cas, c'est sûr.

 

Screenshot_4

 

Je ne sais pas à quoi ressemblera mon histoire d'amour. Je suis plus intelligente que jolie, mais je suppose que je rencontrerai quelqu'un quand même. Il doit bien y avoir, à la fac, un esprit suffisement fin pour arriver à m'aimer.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_36

 

Comme j'étais excitée ce matin d'hiver, quand dans le vent glacial Yannis et moi avons pris la navette pour la faculté ! Je trépignais d'impatience comme une gamine un matin de Noël. Tant d'esprits brillants, tant de notions exquisement complexes à acquérir, tant de concepts subtils à analyser ! 

 

Screenshot_26

 

Et le dernier salut de mon frère bien aimé, qui a caracolé pour me souhaiter bonne chance, m'a terriblement émue. Je me sens fébrile, à la limite de la labilité émotionnelle, prête à passer des larmes au fou rire. Je vivais le premier jour de ma vie.

 

Screenshot_40

 

Que l'université était belle dans ce froid soleil d'hiver ! Ces bâtiments splendides, ce ciel lumineux auguraient d'un avenir radieux... Nous nous sommes aussitôt rendus, mon nouveau colocataire et moi même, dans la maisonnette que nous avions choisie. 

 

Screenshot_39

 

Elle était encore plus mignonne que sur le catalogue. Je fondis immédiatement. J'adore les Tourelles, mais ce nouveau foyer m'est instantanément devenu aussi cher à mon coeur. D'autant que le loyer est plus que modéré, ce que je ne peux qu'apprécier.

 

Screenshot_38

 

En revanche, l'intérieur faisait état d'une incurie totale. La crasse répugnante qui y régnait n'avait rien à envier à la chambre de mon frère. De toutes évidences, nul n'y avait passé un coup de serpillère depuis plusieurs semestres.

 

Screenshot_51

 

Je m'empressais de décrocher mon téléphone pour assassiner l'agence de location. Nous ne payions pas pour vivre dans une bauge ! Ils étaient priés de résoudre la situation au plus vite !

 

Screenshot_58

 

Et c'est ainsi que je passais ma première journée de fac, non pas à découvrir avec délice mes nouveaux manuels comme je l'avais escompté, mais à déambuler dans la cité universitaire avec Yannis...

 

Screenshot_48

 

Je passe sur le sempiternel accueil des nouveaux arrivants, qui n'avait pour seul intérêt que de nous offrir quelques gadgets gratuits. Comme il n'y a pas de petites économies, je parvins à endurer les longs et pesants discours d'introduction qui les accompagnaient.

 

Screenshot_65

 

Yannis et moi nous promenâmes longtemps à travers le campus, admirant sans réserve les oeuvres architecturales et les sculptures qui s'offraient à nos yeux. Nous ne sommes après tout que de gentils péquenauds, directement arrivés de la plus archaïque des villes - si tant est qu'on puisse compter Dragon Valley comme une ville plutôt que comme un gros bourg - et nous avons partagé sans honte notre émotion de nous trouver là.

 

Screenshot_66

 

Nous avons commencé à parler ensemble, Yannis et moi, à nous confier nos impressions, nos désirs. Il a tenté de m'expliquer la passion brûlante qu'il éprouvait pour l'effort physique, cette sensation d'adrénaline, de joie pure de sentir ses muscles travailler, cette farouche fierté qu'on éprouve à se dépasser, à remporter matches après matches de nouvelles victoires sur soi même. Il a même essayé de me faire jouer au disque volant pour me démontrer l'allégresse du jeu ; moralité, j'ai failli casser mes lunettes.

 

Screenshot_67

 

 Il y a comme cela des jours exceptionnels, des jours précieux, qui comptent plus dans une vie que des semaines entières. Nous sommes devenus en ce seul après midi des amis intimes. Je me sentais aussi proche de lui, qui n'était hier que mon voisin de devant en math, que de mon frère Corwin.

 

Screenshot_100

 

Mais tous les jours, même les plus précieux, ont une fin. Le soleil d'hiver se couchait sur la neige quand nous songeâmes à nouveau à la réfection de notre maison.

 

Screenshot_159

 

 Mais ce jour là restera dans mon coeur, Journal. J'étais étudiante, et j'avais un nouvel ami.

 

 Screenshot_62

 

 

 

Cher Journal ;

 

Les cours ont commencés enfin ! Chaque matin, je me précipite, pleine d'allégresse, vers une nouvelle somme de connaissances toute fraîche à découvrir, disséquer, analyser, digérer...

 

Screenshot_76

 

Je regrette juste le niveau moyen de mes condisciples. Je croyais que l'université était le siège d'esprits brillants, sélectionnés, alertes. J'ai dû déchanter.

 

Screenshot_89

 

Vu le niveau moyen des questions, ce n'est pas dans mon cours de théorie quantique que je rencontrerai l'esprit fin et brillant qui pourrait être mon âme soeur. Je me sens seule, ici comme ailleurs. Je sais bien que le Q.I. n'est pas tout, j'apprécie sincèrement certains amis (Valérie, Yannis, Corwin) pour leurs qualités humaines ; mais j'espérais vraiment, eh bien... rencontrer enfin des gens comme moi.

 

Screenshot_69

 

Yannis, lui, s'amuse bien. La saison de football n'est pas encore commencée, et son emploi du temps est plus que souple. Il se consacre - un peu - à ses cours théoriques et à ses T.D....

 

Screenshot_70

 

.... même si je pense qu'il n'y met pas tout le sérieux nécessaire....

 

Screenshot_162

 

Il se consacre aussi - beaucoup - à son entraînement physique. A le voir grimacer sur ses instruments de torture qu'il appelle appareils de musculation, je ne comprends pas mieux la notion de joie indicible lié à l'effort physique ....

 

Screenshot_164

 

Il se consacre enfin - surtout - à devenir un étudiant populaire. Il sort beaucoup, boit trop, s'amuse follement, et tutoie quasiment tous les profs. Quant aux filles, il n'en est qu'à leur signer des autographes, mais je pressens l'hystérie qui adviendra forcément à la reprise des matches.

 

Screenshot_158

 

 Bref, il est devenu un fêtard invétéré.

 

Screenshot_167

 

A titre exceptionnel, il lui arrive d'ouvrir un manuel. Le pire, c'est qu'il est sur la liste spéciale du doyen parmi les étudiants les plus brillants, alors que je sue sang et eau pour parvenir à la même distinction, sans résultat ! Je me console en songeant qu'entre le cursus d'éducation physique et celui de médecine, la différence de niveau justifie cette apparente injustice. Autrement dit, cher Journal, c'est plus facile d'obtenir de bonnes notes en récitant du La Fontaine qu'en exposant les Prolégomènes de la Raison Pure.

 

Screenshot_155

 

 

Là où Yannis se sent un peu frustré, c'est que j'ai établi dès le début les règles fondamentales qui régissent notre colocation : pas de fêtes avant les examens semestriels, pas d'excès d'alcool, pas de tapage nocturne, une alimentation saine et économique et une égalité parfaite dans les travaux ménagers, et surtout, surtout, une priorité absolue aux études.

 

Screenshot_160

 

Non mais c'est vrai, nous sommes à la fac pour travailler ; nos examens, notre diplôme sont les priorités absolues. Il faut savoir se soumettre à une discipline sérieuse pour réussir ses études ; et c'est là un sacrifice vite consenti quand on pense aux enjeux.

 

Screenshot_148

 

Bref, Yannis a fait une drôle de tête. Je pense même qu'on peut dire qu'il a boudé un peu.

 

Screenshot_157

 

Mais qu'est-ce qu'il est mignon, mon Yannis, quand il boude !

 

 

Cher Journal ;

 

Le printemps est enfin arrivé.

 

Screenshot_90

 

Yannis le prend avec philosophie. Pourtant, pour lui, l'arrivée du beau temps change tout : c'est la reprise des matches, l'opportunité de briller, de réaliser son rêve. Pourtant, il n'est pas plus stressé que d'ordinaire. Il est toujours cool, trop cool... Moi, je suis stressée pour deux.

 

Screenshot_91

 

Moi, mes occupations ne se sont pas modifiées : sciences le matin, médecine le midi, physique quantique le soir...

 

Screenshot_165

 

Mais je n'ai pas l'impression que son emploi du temps se soit trouvé bouleversé non plus.

 

Screenshot_93

 

Il est toujours capable de prendre les choses à la légère, de rester détendu en toutes circonstances. Cela me semble étrange... et fascinant. Il me dit qu'il se hâte de rire de tout, de peur de se prendre au sérieux.

 

Screenshot_92

 

Pour moi, qui prends tout au sérieux - surtout les études, et surtout moi-même - je me dis parfois que je ferais bien de l'imiter. Mais c'est plus fort que moi, je ne peux pas m'empêcher de réfléchir, cogiter, me ronger les sang, étudier, et réfléchir encore...

 

Screenshot_86

 

Et puis, sincèrement, quand j'entends les questions absurdes de mes condisciples, je n'ai pas envie de rire, mais de mordre. Ces étudiants là vont soigner des gens ; ils vont rencontrer des malades, comme l'était mon père...

 

Cher Journal ;

 

Aujourd'hui, Yannis disputait un match capital. Je crois que tout s'est bien passé ; en tous cas, on entendait les hourras de l'équipe de la fac jusque dans mon amphi de mécanique des fluides.

 

Screenshot_169

 

 Je suis rentrée confiante, mais pas de Yannis à la maison. Je me suis donc plongée dans mes manuels...

 

Screenshot_125

 

C'est le bruit qui a fini par avoir raison de ma concentration. Une cacophonie tonitruante, entrecoupée de musique, de chants de l'université, de cris et de hourras...

 

Screenshot_104

 

Pas de fête chez nous avant les partiels semestriels, humm ? A voir la foule qui s'était donnée rendez vous dans notre salon pour fêter la troisième mi-temps, entre les spots et la sono qui hurlait, la consigne était un peu passée à la trappe...

 

Screenshot_107

 

J'ai fini par repérer Yannis dans la foule. il avait déjà beaucoup bu, et s'apprêtait à continuer avec enthousiasme. Le vacarme était indescriptible. Il était absolument illusoire de remonter dans ma chambre essayer d'étudier...

 

Screenshot_118

 

Bon, il ne me restait qu'une seule chose à faire... Me joindre à la fête ! Et puis, en toute honnêteté, je saturais de mes cours... J'ai donc pris un verre ou deux...

 

Screenshot_115

 

Et puis, hips ! Après un verre ou deux, elle me semblait beaucoup plus sympa, cette fête ! Encore un verre de plus, et je me suis sentie détendue. J'arrivais enfin à me laisser aller, à me lâcher un peu. Finalement, cela faisait du bien, de laisser tomber la pression !

 

Screenshot_128

 

Sauf que je me suis peut être laissée aller un peu trop...

 

Screenshot_129

 

Ca s'est fini comme ça devait se finir, dans l'hystérie d'une fête trop arrosée, très loin de mes rêves romantiques... Ma dernière pensée avant de m'endormir fut qu'il fallait absolument que nous parvenions à rester amis....

 

Screenshot_135

 

Et bien, Mélusine, il était inutile d'être si négative ! Alors que je m'apprêtais à encaisser une rupture, j'eus la surprise de vivre une déclaration d'amour ! Yannis ne regrettait rien, mais rien de rien ! Il m'a avoué avoir un faible pour moi depuis le collège, et ne désirait qu'une chose : continuer notre relation naissante !

 

Screenshot_150

 

Mon petit ami n'est pas un génie, Journal, mais il est drôle, il est beau et il m'aime ...

 

Screenshot_171

 

Depuis lors, Yannis et moi sommes devenus inséparables. Chaque intercours prend la couleur d'un rayon de soleil, parce que je vais le voir, parce qu'il va me faire rire, me glisser une boutade, me raconter une anecdote, me chatouiller, me rendre un peu de vie avant le prochain cours...

 

Screenshot_173

 

Et qui aurait cru que mon petit ami super sportif super populaire serait un grand romantique ? Je suis couverte de fleurs et de cadeaux, de rendez vous secrets et de mots doux glissés dans ma trousse...

 

Screenshot_178

 

Curieusement, je n'ai plus l'impression de travailler autant, mais mes résultats scolaires montent de façon spectaculaire. Je suis enfin sur la liste du doyen. Et si j'en ai éprouvé de la fierté, cela n'avait plus autant d'importance. Beaucoup moins d'importance que ma soirée avec mon homme.

 

Screenshot_185

 

Tout n'est pas rose ; nous nous disputons souvent. Il est crasseux et dépensier, quand je suis économe ; il se soucie bien plus que moi de sa popularité, et pas assez de ses cours à mon goût ; il ne vit que par l'expérience physique, je plane dans mon monde intellectuel. Mais les extrêmes s'attirent.

 

Screenshot_177

 

J'adore le regarder faire du sport, mais je ne comprends toujours rien à ce qu'il peut ressentir. Il y met une telle passion, une telle concentration ; j'ai l'impression dans ces moments là d'être totalement étrangère à sa façon de penser.

 

Screenshot_174

 

Le plus énervant, c'est sa passion pour la natation. J'ai peur de l'eau, depuis que je suis toute petite. Cependant, impossible de lui faire rentrer cela dans la tête. Sans le préméditer le moins du monde, il m'invite régulièrement à nager, à la plage ou à la piscine. Je me sens... niée.

 

Screenshot_175

 

Je reste sur la plage, et j'attends qu'il sorte. En même temps cela me donne du temps pour moi, du temps pour réfléchir.

 

Screenshot_184

 

Et puis, il boit trop, il boit beaucoup trop.

 

Screenshot_186

 

Cependant, je ne regrette jamais cette soirée. Il est si doux, si romantique ! Petit à petit, je me prends à rêver à installer une salle de sport aux Tourelles ; à quel prénom choisir pour notre enfant...

 

Screenshot_179

 

Nous nous disputons souvent, mais nous nous réconcilions toujours.

 

Screenshot_180

 

Et il faut bien admettre qu'il y a des avantages secondaires à sortir avec un athlète superstar. Yannis est dans une, humm, forme physique, humm, éblouissante...

 

Screenshot_188

 

Cette formation ci, je ne l'attendais pas de la fac, mais je dois bien reconnaître qu'elle est complète... Et très agréable.

 

Et puis, cher Journal, le temps passe. J'ai réussi haut la main mes examens.

 

Screenshot_202

 

Pour fêter cela, Yannis m'a fixé un rendez vous romantique. Il voulait me parler sérieusement. J'avais le coeur battant.

 

Screenshot_199

 

Et puis voilà, tout est fini, quoi. La fin d'une belle histoire...

 

Screenshot_190

 

Yannis m'a dit et répété qu'il m'aimait. Il m'a aussi dit, ce qu'il n'avait encore jamais fait, qu'il voulait que je partage sa vie, chaque jour, pour toujours.

Et puis il m'a dit qu'il partait à Sunlet Tides. Il a tapé dans l'oeil d'un sélectionneur, son rêve se réalise, il a signé un contrat.

 

Screenshot_195

 

Et il veut que je parte avec lui. Que je quitte ma famille, ma vallée. Que j'aille soigner de riches bronzés sous les palmiers.

 

Screenshot_197

 

 

Sauf que c'est hors de question. C'est à Dragon Valley, dans ce désert médical, dans cette zone étrange où souffre une population non humaine incomprise, que je peux être utile. C'est là que je peux sauver des vies. C'est là que je veux soigner les gens.

 

Screenshot_194

 

Alors... Alors nous nous sommes séparés, avec beaucoup de tendresse et de douceur, mais de façon inéluctable.

 

Screenshot_204

 

Mon diplôme en poche, je vais rentrer seule à Dragon Valley. Me lancer à corps perdu dans la médecine. Il me faudra prendre soin de bien des gens.

J'espère seulement que je trouverai un jour quelqu'un pour prendre soin de moi.

 

 

15 février 2014

Journal de Mélusine, chapitre 1.

 

 

Cher Journal ;

 

Je m'appelle Mélusine Cirkhaën, j'ai seize ans et demi et je suis un génie...

 

Screenshot_191

 

Je ne dis pas ça pour me vanter ; c'est prouvé, j'ai fait des tests. Je suis un génie, d'une intelligence supérieure, capable de faire preuve d'une logique froide et aiguisée dans les moments les plus difficiles. D'ailleurs, je l'ai bien montré.

 

Screenshot_193

 

Non mais c'est vrai, quoi, n'importe quel médecin intelligent aurait pu comprendre qu'il fallait à mon père un exutoire, et n'importe quel scientifique compétent aurait pu concevoir cette fleur de cristal. Le problème, c'est qu'il y a peu de médecins intelligents et de scientifiques compétents. Les Q.I. de la population sont d'ailleurs ridiculement bas.

 

Screenshot_54

 

Il n'y a qu'à voir au lycée, Valérie Granger par exemple. Une super blonde super populaire, qui passe son temps à glousser et à prendre des poses. Incapable d'effectuer un logarithme de tête. J'ai vu des vaches charolaises dont le regard était plus vifs. Misère.

 

Screenshot_63

 

Et elle passe son temps (bien sûr !) avec le capitaine de l'équipe de foot à lui réclamer de l'attention et le poste de capitaine des pom pom girl. Lamentable.

 

Screenshot_66

 

Cela dit, Yannis - le footeux - ne vaut pas mieux. Lui, son truc, c'est le sport et la compétition. Tous les sports, et toutes les compétitions ; il se maintient en tête de classe ( aux prix de grands efforts, parce qu'on ne peut pas demander grand'chose à un footeux ) pour figurer au tableau d'honneur et ajouter un titre de plus à sa panoplie. Envie d'apprendre, néant.

 

Screenshot_80

 

Quand aux cancres, je ne leur adresse même pas la parole. Sauf à Pierrick, parce que c'est un ami de Corwin. Pauvre Pierrick. Il est un peu... limité, ce n'est pas de sa faute.

 

Screenshot_70

 

Et puis, il a une mère difficile, qui le harcèle littéralement. Une parfaite mère castratrice, qui le tarabuste à la moindre occasion. Pas facile de s'affirmer ainsi...

 

Screenshot_81

 

Alors, quand je le vois jouer avec la maison de poupée d'Elouan, je ne dis trop rien. Il ferait mieux de se concentrer sur ses études, mais... Il me fait un peu pitié. Enfin, pour ce qui est d'avoir une discussion soutenue sur la théorie du chaos, on repassera.

 

Screenshot_192

 

Non, vraiment, le lycée, ce n'est pas la joie.... J'ai beau me concentrer sur les cours, je suis bien obligée de croiser d'autres bipèdes que les profs, et c'est la plaie.

 

Screenshot_76

 

Non, le seul ado digne de ce nom à Dragon Valley , c'est mon frère, Corwin. Il est beau, il  est intéressant, il ne parle pas pour ne rien dire, il ne glousse pas. Je l'adore.

 

Screenshot_28

 

Il continue à perfectionner le versant sauvage de sa nature en chassant désormais en solitaire. Il rapporte des pierres précieuses, des insectes rares et multicolores, et quelques météorites qu'il me confie pour analyse.

 

Screenshot_90

 

Le seul truc, c'est qu'il reste vraiment dégeu quand il mange. Et encore, les céréales, ce n'est rien, il faut voir quand il dévore un lapin cru, c'est vraiment gore. Et je n'ose plus entrer dans sa chambre, j'ai trop peur de marcher dans une substance putride et nauséabonde, type  pizza abandonnée depuis trois semaines sur le plancher...

 

Screenshot_49

 

Il a abandonné ses rêves de scooter en réalisant qu'il avait désormais la capacité de monter Lothiel. La licorne et lui partagent désormais une amitié exceptionnelle.

 

Screenshot_107

 

Chevaucher une licorne, quoi de plus proche de la nature ? On peut croiser mon frère dans tous les chemins creux de la Vallée.  

 

Screenshot_27

 

Mon père a choisi... De ne pas choisir. Ah, ces indécis ! Quand on a une preuve scientifique d'une solution, on n'hésite pas, on l'applique. Mais il faut reconnaître que sa théorie a des éléments percutants : il pense que, ses sens de loup garou exacerbant ses sensations, il peut sécréter suffisamment d'endorphines par l'activité physique pour soulager ses douleurs. Du coup, il passe sa vie à faire du sport.

 

Screenshot_3

 

Et il alterne à ses séances de musculation l'hydrothérapie, les bains de boue et le sauna. Pour l'instant, sa stratégie fonctionne, et il reste d'humeur égale.

 

Screenshot_98

 

Maman s'est remise à la méditation. Je ne comprends absolument pas ce qu'elle trouve d'exaltant à s'assoir dans l'herbe mouillée et dans le vent glacial pour rêvasser quand on peut faire la même chose allongée sur un lit de plumes, mais j'adore voir ce sourire radieux sur ses lèvres.

 

Screenshot_101

 

Et puis, pour se défouler, elle fracasse quelques pierres spatiales, et il faut bien reconnaître que c'est impressionnant. Et ça me fait plein de fragments à analyser.

 

Screenshot_29

 

Les petits vivent quasiment en autarcie dans leur bulle. Ils ne se quittent jamais, font leurs devoirs ensemble, jouent ensemble, dorment côte à côte. Ils sont tellement exclusifs dans leur amitié qu'ils en deviennent un peu autistes. Je les adore, mais c'est difficile de prendre une vraie place dans leur vie.

 

Screenshot_36

 

Bien sûr, attirés comme ils le sont tous les deux par le sport, ils préfèrent les jeux actifs. J'espère seulement qu'ils ne deviendront pas capitaine de l'équipe de foot. En fait, dans cette famille, tout le monde fait du sport, sauf moi. Il faut dire que j'ai mieux à faire.

 

Screenshot_201

 

D'abord, j'aide maman à entretenir nos cultures. Il est essentiel que je maîtrise le jardinage, puisque cette exploitation me reviendra. Autant s'impliquer tout de suite.

 

Screenshot_7

 

Ensuite, je pêche. Ça me permet de mettre mon nez dehors, loin de mes livres. Non que j'en ressente le besoin, mais cela fait tellement plaisir à mes parents...Et puis, il faut reconnaître que les paysages de Dragon Valley sont superbes en automne.

 

Screenshot_198

 

Mais la pêche... C'est parfois frustrant...

Mais nan... Je ne suis pas passionnée par la nature et les p'tits oiseaux... Mon intérêt pour la pêche et le jardinage est ailleurs.

 

Screenshot_194

 

Je veux faire des études. je veux aller à la fac, décrocher mon diplôme avec une moyenne parfaite. Après, je deviendrais le plus jeune chirurgien de renommée internationale du pays. Je sais que je peux le faire. Et personne ne vivra à nouveau les souffrances que mon père a enduré.

 

Screenshot_93

 

Bien sûr, j'ai décroché une bourse complète. Harvard et Yales se battent pour m'intégrer parmi leurs rangs. Mais je pense que je vais choisir le NIH, à Bethesda. Maman était folle de joie en voyant les résultats, et même un peu incrédule - elle a beau connaître mes dons, elle ne réalise pas toujours toute l'étendue de mes capacités. Un monde nous sépare...

 

Screenshot_95

 

Enfin, on a beau être un génie, un câlin de sa maman, ça fait toujours chaud au coeur...

 

Screenshot_188

 

Ma vraie passion, ce sont les sciences, toutes les sciences. J'adore  m'isoler dans mon laboratoire privé pour irradier quelques échantillons. Déjà, à mon âge, je fais faire à la physique des avancées majeures.

 

Screenshot_205

 

Observer des cellules en mitose, suivre la migration des nucléoles, délimiter les circonvolutions du réticulum endoplasmique... Comment ne pas frémir d'enthousiasme en se penchant sur son microscope ? Je ne comprends pas les mines dégoûtées de mes condisciples quand j'essaie de leur faire comprendre la joie indicible qu'on éprouve à vérifier les descriptions des manuels de biologie moléculaire.

 

Screenshot_204

 

J'hésite à commencer une collection de tubes à essai, pour pouvoir profiter de mes petites enzymes en dehors du laboratoire ; et puis,c 'est plus original qu'une collection de timbres.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_61

 

Au lycée, ça ne s'améliore pas. Valérie a vraiment le QI d'une huître. Avec le bal de fin d'année qui approche, son ego déjà sur-dimensionné la rend absolument insupportable. Elle est convaincue qu'elle sera élue reine du bal. Non mais ! Je détesterais cette fille si je ne la méprisais pas tant.

 

Screenshot_26

 

Je me sens seule, cher Journal. Corwin passe tout son temps libre à chevaucher et à chasser. Je me réfugie dans mes bouquins. Eux ne m'ont jamais déçue.

 

Screenshot_46

 

J'ai entamée la Critique de la Théorie Algoricienne des Orbitales, de Stenwick. Fascinant. Mais bon, impossible d'en discuter avec qui que ce soit...

 

Screenshot_50

 

Sinon, je sors pêcher, ou plutôt : attraper des specimens pour mes expériences futures. Leur regard m'évoque Valérie. Cette fille m'insupporte vraiment.

 

Screenshot_83

 

J'ai confié à Yannis l'exaspération que je ressentais. Il m'a assuré qu'au fond, elle était sympa, "un peu superficielle, mais sympa"... Mouais. Je crois surtout qu'il ne peut pas comprendre la différence prodigieuse qui existe entre elle et moi.

 

Screenshot_65

 

Et puis ces deux là, vu comme ils sont toujours fourrés ensemble, à s'échanger des potins et des signes extérieurs de popularité débiles, tout le monde s'attend à ce qu'ils sortent ensemble au bal de fin d'année... Et qu'ils soient élus roi et reine. Valérie élue, ça jamais !

 

J'ai donc décidé de lancer une offensive. Je serai si éblouissante, si charmeuse, si fabuleuse, que je lui soufflerai la couronne sous le nez, à la charolaise.

 

Screenshot_18

 

J'ai longuement hésité devant mon miroir. Ma penderie a pas mal souffert cet après midi, j'ai dû essayer les trois quarts de mes tenues. Et que d'interrogations !

"Cette robe là ? Mouais... Vieillotte, une robe de première de la classe; je veux casser mon image, pas la renforcer... Voyons autre chose..."

 

Screenshot_20

 

"Trop classique, celle ci... Et puis, j'ai tort de choisir du bleu. Tout le monde s'attend à me voir arriver en bleu. Il faut une différence tranchée !"

 

Screenshot_21

 

"Là ! Là, c'est tout bon... Et la limousine arrive juste à la porte. Planification parfaite, Mélusine. Digne de toi. "

 

Screenshot_109

 

Et évidement, cher Journal, quand Mélusine élabore un plan, celui ci se déroule selon ses strictes prévisions... J'ai passé une merveilleuse soirée, et Valérie est rentrée chez elle en étouffant ses sanglots dans son mouchoir de fine baptiste. Pas de couronne, et pas de Yannis !

 

Screenshot_88

 

Mieux encore, ils ont élus mon frère Corwin roi du bal avec moi ! Y aurait il encore de l'espoir que cette bande de mollusques développent des éclairs de lucidité et de bon goût ?

 

Cher Journal ;

 

Je viens de passer une des pires journées de ma vie.

 

Screenshot_220

 

D'abord, la prof de physique m'a félicitée de mon excellent travail après les cours. La honte  absolue ! Dieu soit loué, il n'y avait pas grand monde, mais je sais que la rumeur va aller très vite, et que je vais me faire encore traiter de fayote... Et puis, elle me mettait en retard pour mes expériences. D'habitude, je sors toujours dans les premiers...

 

Screenshot_120

 

Et là, alors que je me précipitais pour attraper le bus, je les ai vus. ELLE ! Valérie ! Avec mon FRÈRE ! En train de s'embrasser avec ardeur, dégoûtant !

 

Screenshot_121

 

Mon sang n'a fait qu'un tour, je me suis jetée sur elle. Qu'est ce qu'elle voulait à mon frère, la morue ? Un peu de popularité ? Elle cherchait à sortir avec le roi du bal, ou peut-être qu'un loup garou, c'était exotique pour son tableau de chasse ? En tout cas, elle est devenue mon ennemie jurée, pour toujours !

 

Screenshot_122

 

Quant à Corwin, il ne mérite pas mieux, à croire qu'elle pourrait vraiment s'intéresser à lui.... Elle qui ne s'intéresse qu'à ses fringues, son maquillage, et les résultats de l'équipe de foot du lycée... Il a quand même pris sa défense, hallucinant ! Je l'ai renvoyé dans ses cordes...

 

Screenshot_212

 

Mais je lui ai donné une bonne leçon, à la grognasse... V'là qu'elle se souviendra de ne plus contrarier une sorcière !

 

Screenshot_213

 

Là voilà transparente, hi hi ! Pour une fille qui ne vit que par le regard des autres, la punition suprême ! Elle aura du mal à faire la pom pom girl au match de ce soir dans cet état !

 

Screenshot_123

 

Après cela, je suis longuement restée assise sur la fontaine, derrière le lycée. A ruminer la déception que m'avait infligé Corwin. J'étais vraiment seule au monde.

 

Screenshot_221

 

Et en plus, je me suis fait réprimandée par la prof ! Il faut dire que la transformation de Valérie a fait grand bruit... Et le conseil de classe m'a donc désavouée, moi, la première de la classe ! Et m'impose de donner des cours de rattapage à la blondasse pour m'amender !

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_125

 

Non mais vraiment, quoi ! Yannis non plus ne me comprend pas. Il a même affirmé que l'idée des profs était très bonne, que cela nous obligeraient Valérie et moi à nous rapprocher. Me rapprocher d'une vache charolaise, il rêve ! Qu'elle se fasse greffer un cerveau, et on verra !

 

Screenshot_74

 

Je l'ai prévenue, la blonde : on travaille chez moi parce que je suis sûre qu'elle n'a pas un livre chez elle, mais si elle s'approche de mon frère, je la tue.

 

Screenshot_75

 

Eh ben, y'a du boulot. Valérie a une tournure d'esprit.... différente. Elle ne comprend absolument pas les règles élémentaires de la reproductibilité dans les protocoles expérimentaux. Elle essaie, mais c'est au dessus de ses forces.

 

Screenshot_77

 

Enfin, je dois dire qu'elle a des questions rafraîchissantes. Et puis, j'ai découvert que j'aimais enseigner. Finalement, ce n'était pas une si mauvaise idée qu'ont eue les profs...

 

Screenshot_222

 

Elle m'a aussi expliqué qu'elle tenait beaucoup à Corwin, et depuis longtemps. Ils se sont mis ensemble au bal de fin d'année, mais elle éprouvait des sentiments pour lui depuis la rentrée. Elle m'a assuré qu'elle ferait tout pour lui, et surtout qu'elle ne s'interposerait pas entre mon frère et moi, puisque nous comptions tant l'un pour l'autre... Bon, alors, comme ça, ça va...

 

Screenshot_223

 

Alors... réconciliation générale !

 

Screenshot_216

 

Et puis, des fois, c'est cool d'avoir des amis. De s'occuper sans penser aux livres et aux études...

 

Screenshot_229

 

Bon, Valérie prend toujours des poses ridicules et cherche à se faire valoir, mais maintenant ça me fait plutôt rire...

 

Screenshot_219

 

Et puis, elle a l'air de vraiment tenir à Corwin. Ces deux là ne se lâchent plus. Tant qu'ils se font leurs bisous loin de ma vue, je m'en fiche.

 

Screenshot_241

 

D'ailleurs, y'a pas qu'eux qui passent leur vie à s'embrasser. Incroyable de voir comme mes parents s'aiment toujours malgré les années... Moi, j'aurai du mal à trouver l'âme soeur. Il faudrait déjà que je rencontre quelqu'un dont les capacités intellectuelles soient suffisantes...

 

Screenshot_217

 

Mes parents ont repris leurs ballades dans leur Duesenberg. La vallée est recouverte par la neige, et bientôt nous fêterons Noël.

 

Screenshot_237

 

Corwin continue à profiter de son temps libre pour galoper, cheveux au vent, toujours plus vite, à travers les grandes étendues verglacées.

 

Screenshot_238

 

Et les petits profitent de l'hiver eux aussi. Toujours inséparables, toujours dans leur bulle. Ils vont pourtant grandir bientôt. Je me demande s'ils tomberont amoureux de la même fille.

 

Screenshot_239

 

Tout va pour le mieux, Cher Journal ; n'empêche... Des fois, je me sens seule.

 

 

8 février 2014

Journal de Luciane, chapitre 9.

 

Cher Journal ;

 

Tout s'est bien passé en fin de compte. La greffe de peau a pris sans surinfection, et Corentin n'a été hospitalisé que quelques jours. La vie a repris son cours normal.

 

Screenshot_16

 

Mélusine et moi nous occupons de l'éducation des petits, qui n'est pas encore acquise. Je leur enseigne la marche, le pot et la parole, elle s'occupe de fournir le soutien logistique des couches propres et des biberons tièdes. De cette association naît une nouvelle complicité entre nous, et peu à peu, les bambins progressent vers l'autonomie.

 

Screenshot_80

 

Mon aînée continue sa névrose d'économies forcenées. Elle ne souhaite plus manger que des restes, scrute les promotions et découpe, chaque matin, les divers bons de réductions qu'offre le "Dragon Valley News".

 

Screenshot_162

 

Xhin est vraiment un bébé adorable, qui babille sans cesse. J'adore le câliner et écouter ses onomatopées.

 

Screenshot_163

 

Mélusine, toujours entièrement dévouée à sa famille, chatouille et taquine de préférence Elouan, qui est beaucoup plus joueur. Les rires résonnent dans la nursery.

 

Screenshot_164

 

Quant à Corwin, il a découvert les joies de la piraterie sur le navire à bascule, non loin du bac à sable qui fait office de plage.

 

Screenshot_83

 

Ses notes sont quand même loin d'être satisfaisantes, mais sa soeur aînée adore l'aider à faire ses devoirs et remonte le niveau du petit par quelques cours particuliers.

 

Screenshot_49

 

L'automne est arrivé sur Dragon Valley. Un automne pluvieux, morne. La récolte, comme prévue, a été excellente. Dommage que quelques plants aient pourri sur pied.

 

Screenshot_120

 

L'automne, c'est aussi la saison des anniversaires ! Les trois petits ont fêté le leur, le même jour.  Nous avons eu une avalanche de gâteaux.

 

Screenshot_131

 

Corwin est devenu un bel adolescent, plus souriant que je ne l'espérais. Il a adopté un profil vestimentaire typique, une coupe de cheveux à grand renfort de gel, et rêve d'un scooter.

 

Screenshot_145

 

Malheureusement il a aussi développé une tendance très nette au désordre et à la crasse. Je n'ose même plus entrer dans sa chambre, tant elle me paraît immonde. Ma culpabilité m'a même conduit à augmenter Augusta, la femme de ménage. J'espère vraiment qu'il arrêtera de ranger les pots de yaourts à moitié vides sous son lit.

 

Screenshot_133

 

Elouan et Xhin ont grandi eux aussi, et partagent la nursery réhabilitée en chambre d'enfants. Ils sont vraiment mignons. Xhin rêve d'aventures et de voyages, quoi de plus normal ? Il poursuit dans son incarnation actuelle la destinée de celui qu'il fut.

 

Screenshot_134

 

Elouan est lui un tout petit peu plus difficile à gérer. Il se montre désormais ombrageux, susceptible, prompt à la colère, et s'enflamme à la moindre phrase malheureuse.

 

Screenshot_125

 

Mais le plus souvent, les deux petits s'entendent comme larrons en foire et partagent leurs jeux. Bref, la vie suit son cours, paisiblement.

 

Cher Journal ;

 

Je craque. Je n'en peux plus. Et surtout je ne sais plus quoi faire, pour sauver ma famille. Pour lutter contre le désespoir. Je n'en peux plus, je n'en peux plus...

 

Screenshot_90

 

Je me suis tant menti à moi-même, cher Journal, j'ai tant menti à tout le monde, même à toi. Parce que la réalité était insupportable. Parce que je ne pouvais pas, je ne voulais pas l'affronter. Parce que je suis plongée dans un gouffre sans fin, dans un océan d'angoisse et de noirceur.

Je t'ai menti depuis le retour de Corentin de l'hôpital. Parce que rien ne s'est déroulé normalement. Parce que mon mari est devenu une épave.

 

Screenshot_113

 

Je l'imagine devant moi, prostré comme à son habitude, muré dans son silence. Le regard halluciné fixant les flammes immatérielles qui ne le quittent plus. Replié sur lui même, pour contenir sa souffrance. Devenant chaque jour plus perdu, plus dément.

 

J'aurais dû me douter de tout dès sa visite de sortie de l'hôpital. Alors qu'il présentait encore des douleurs insoutenables, alors qu'il restait épuisé, sans aucune force.

 

Screenshot_98

 

Je me souviens de notre dernier entretien avant la sortie. Le mandarin qui nous a accueilli avait l'air bienveillant et sûr de lui, mais il a balayé mes inquiétudes comme autant de fétus de paille. "Rien ne vaut la chaleur du foyer", "vivre chez vous évitera les maladies nosocomiales", "l'état de Monsieur Cirkhaën ne justifie plus son maintien dans nos murs"... Il a quand même glissé que la cicatrisation du corps de loup garou de Corentin était impressionnante. Je bouillais de rage ; j'avais épousé quoi, un cas médical ?

 

Screenshot_100

 

Monsieur le Professeur Ponti est supposé être l'un des meilleurs médecins de Dragon Valley. Pardon, LE meilleur. En tous cas, il a admirablement développé le physique de l'emploi... Et la maîtrise du jargon médical, entrecoupé de platitudes qui se voulaient rassurantes, mais qui me semblaient juste parfaitement déphasées de la réalité. Si j'avais su à quel point j'avais raison...

 

Screenshot_103

 

Quand Corentin a évoqué le problèmes de ses douleurs persistantes, le Professeur Ponti a esquivé habilement. "Laissons du temps au temps, Monsieur Cirkhaën. Vous devez à votre.... nature si particulière le fait d'être resté en vie. Je ne doute pas que vos... aptitudes physiques reprendront le dessus". Une élégante façon de dire qu'il ignorait absolument tout des chances de guérison définitive de mon aimé...

 

Screenshot_106

 

Et puis Corentin est rentré. Cependant la souffrance restait là, bien présente. Je le percevais déjà. Je l'observais en cachette, je voyais ses tremblements, ses tics. Je guettais ses rictus de douleurs lorsqu'il se croyait seul. Mais il ne disait rien. N'exprimait rien. Et moi, je ressentais sa faiblesse,  sa détresse, et je voyais la douleur le ronger, jour après jour, en silence.

 

Screenshot_104

 

Il avait le regard hagard, mon Corentin, le regard perdu dans le lointain. La nuit, il se réveillait en sursaut, trempé de sueur, après d'incessants cauchemars. Et moi, sans savoir quoi dire, sans savoir quoi faire, je ne pouvais qu'espérer, et me leurrer, en me disant que tout s'arrangerait. Qu'il fallait laisser le temps au temps.

 

Screenshot_107

 

Mais rien ne s'est arrangé. Corentin s'est de plus en plus isolé, ne nous adressant qu'à peine la parole. Prostré dans son tourment et dans ses souvenirs.

 

Et puis, cher Journal , les choses ont empiré. Par ma faute.

  

Screenshot_11

 

J'avais suggéré avec insistance à mon mari de se forcer à reprendre ses activités habituelles. J'espérais l'aider ! J'espérais le rapprocher de nous, lui faire réintégrer le monde réel.

 

Screenshot_6

 

Mais mon Corentin, si soucieux de sa famille, n'avait plus aucune tolérance aux cris des enfants. Les moindres pleurs lui arrachaient des grimaces... Comme des grimaces... de douleur.

 

Screenshot_19

 

" Ce n'est pas de ma faute, Luciane, leurs cris résonnent dans ma tête, entraînent des migraines insoutenables, se répercutent contre les parois de mon crâne.... Je crois devenir fou. Le bruit entraîne un tel supplice, ils me mettent en colère, je n'arrive plus à me calmer. Je ne voudrais qu'un peu de calme...."

 

Screenshot_5

 

Une telle souffrance... Une telle colère...

 

Screenshot_8

 

Ce fut ainsi que nous réalisâmes que Corentin ne contrôlait plus ses transformations. La moindre contrariété, le moindre bruit le mettait en rage. Il passa en forme lupine ce jour là sans prévenir, au grand effroi des bambins qui hurlèrent de plus belle. Et depuis, ses métamorphoses sont devenues imprévisibles.

 

Screenshot_78

 

Pendant des jours, mon époux a rôdé à travers la maison, comme un fauve en cage, enfermé dans sa souffrance, dans sa colère, dans sa détresse. Comme un monstre incontrôlable. J'ai les nerfs à fleur de peau depuis cette période, Journal ; je sursaute au moindre bruit, je ne franchis plus une porte sans appréhension. Franchir la porte d'entrée des Tourelles, après mon travail, me demande cinq bonnes minutes pour calmer les battements de mon coeur et me recomposer un visage souriant.

 

Screenshot_18

 

Finalement, avec l'aide de Mélusine, nous  avons  déchargé Corentin de tout contact avec Xhin et Elouan. Néanmoins, malgré tout nos efforts, il était illusoire d'éviter tout bruit dans la nursery. A force d'être sur le qui vive, à l'affut des moindres moues des bambins, je me mis moi aussi à trembler d'énervement, mais sans jamais parvenir à obtenir le silence ouaté qu'il aurait fallu à mon amour.

 

Screenshot_14

 

Un bambin qui ne sait pas parler ne s'exprime qu'en pleurant. et dans notre maison étrangement silencieuse, ces pleurs s'élevaient comme une puissante sirène. Comme une alarme avertissant du feu... 

 

Screenshot_77

 

Et les métamorphoses se succédaient, encore et encore.... Peu à peu, mon mari ne vivait plus qu'à l'état de bête.

 

Screenshot_22

 

Mélusine aussi a profondément souffert de la situation. Ce n'est qu'une jeune adolescente, et elle a endossé les responsabilités de maman, de garde malade, d'adulte. Elle n'a plus eu une seconde de loisir depuis le retour de son père, n'a pu lire une seule page, n'a pas touché son échiquier. C'est à peine si elle prend le temps de finir ses devoirs. Elle restait toujours conciliante, toujours souriante, toujours disponible... Et pourtant, elle aussi a craqué à plusieurs reprises, se révoltant contre cette position ingérable.

 

Screenshot_24

 

A son beau sourire et à sa douceur, se substituent de plus en plus souvent une moue hargneuse. Comme le hasard et les poussées hormonales font toujours bien les choses, c'est au cours de ces derniers jours que sont apparues ses premières sautes d 'humeur. 

Quand à Corwin, ses résultats scolaires ne cessaient de chuter. Mélusine a dû rajouter à son emploi du temps déjà surchargé des cours du soir. Du moins leur amitié s'en est- elle trouvée encore renforcée. J'imagine que pour Corwin, entre un papa absent et une maman débordée, la présence de sa grande soeur était un phare dans la tempête.

 

Screenshot_92

 

J'ai appris à haïr le coucher du soleil. Corentin déteste la baisse de la lumière, la chute de la température renforce son supplice. Il hurle alors à la lune, comme une supplique sauvage, glaçant d'horreur toute la maison.

 

Screenshot_96

 

Il est peu à peu devenu si sauvage, si incontrôlable. Si plein d'une violence à peine contenue... La tension monte dès qu'il apparaît dans la pièce. Et j'ai commencé alors à craindre pour sa santé mentale.

 

Screenshot_13

 

Peu à peu, il perdit le sens des limites. Après avoir souffert des hurlements des petits, il n'hésita pas un soir à les réveiller au plein coeur de leur sommeil. Et depuis, je me prends à m'inquiéter quand je dois laisser Mélusine seule avec son père et les enfants.

 

Et puis, lentement, par paliers, l'état de mon mari s'est encore dégradé.
 

Screenshot_34

 

Corentin a cessé de se laver, de se raser. Ses douleurs, ses maux de tête s'aggravèrent encore. Il ne mange presque plus rien ; et dort, dort et dort encore, comme s'il essayait de fuir.

 

Screenshot_32

 

Il a commencé à passer de longues heures, la tête entre les mains, à ruminer de sombres pensées, ou peut-être de douloureux souvenirs. Sa souffrance, je la lisais sur son visage, dans ses mouvements, ses attitudes, dans son silence même. Et, comme une idiote, je gardais mon sourire figé de celle qui pense que tout va s'arranger. Parce que je ne savais pas quoi dire.

 

Screenshot_40

 

Cependant, le silence était encore préférable à ses accès de rage. Il se montrait colérique, humiliant. Rien ne trouvait grâce à ses yeux. Il rabrouait et rabaissait les enfants.

 

Screenshot_54

 

Et si Mélusine ne pipait mot, Corwin explosait, et entrait dans le tourbillon des cris et des insultes. Et, immanquablement, mon fils à son tour se transformait...

 

Screenshot_55

 

Sous leur forme lupine, deux garous se comprennent. Petit à petit, alors que j'espérais que Corwin gagnerait en stabilité, son père l'a entraîné dans sa furie.

 

Screenshot_56

 

Corwin a commencé à me sembler incontrôlable. Il a détruit ses jouets, ses meubles, négligé ses devoirs et ses leçons. Il préférait hurler à la lune avec son père. Il est devenu de moins en moins humain.

 

Screenshot_60

 

La nuit venue, Corentin l'entraînait à ses côtés pour de longues virées nocturnes, à la chasse, à la vie sauvage. Corwin n'était plus son fils, mais un compagnon de meute.

 

Screenshot_62

 

Mon cadet est devenu ingérable. J'ai songé sérieusement à le mettre en pension, tant ses crises de nerfs et ses accès de rage m'épuisaient.

Il passait et passe toujours le plus clair de son temps sous sa forme lupine, et j'ai l'impression de vivre dans une savane, à la merci de grands fauves irritables, qui m'attendent, qui me guettent.... Je n'en peux plus, Journal. Je n'en peux plus.

 

Screenshot_64

 

Plus étonnant encore, Corwin a agressé même sa soeur bien aimée. Pauvre Mélusine, elle qui est un tel support, mon soutien, sans lequel je ne pourrais tenir, elle qui s'efforce toujours de tempérer tout le monde. Elle ne mérite pas cela.

 

Et puis, cher Journal, Corentin s'est mis à boire.

 

Screenshot_47

 

Nous n'avons jamais rien eu contre un verre de nectar, partagé après le coucher des enfants, en devisant gaiement des anecdotes de la journée. Un verre. Pas une bouteille. Pas trois ou quatre.

 

Screenshot_48

 

Et Corentin s'isolait pour boire, le soir, comme pour s'assommer avant la nuit. Il ne tolérait aucune présence à ses côtés quand il avalait ses verres, mécaniquement, comme s'ils n'avaient plus aucun goût, aucune vertu, que celle de lui permettre de dormir.

Je sais qu'il continue à revivre les flammes dans ses rêves.

 

Screenshot_74

 

J'ai pris le taureau par les cornes et je lui ai confié mon inquiétude. Ce fut difficile ; je ressens tant ses souffrances que je n'ose même pas lui parler, de peur de les raviver, de le blesser une fois de plus. Cependant, là, je ne trouvais pas d'autre solution....

 

Screenshot_73

 

Ce fut un moment de partage, un moment poignant, mais beau malgré tout. Il m'a parlé de ses nuits peuplées de cauchemars, et de ses jours. Parfois, les flammes apparaissent devant ses yeux, sur une illusion, un éclat de soleil dans un miroir. Et il revit brutalement son martyr. Les images de l'incendie ne le quittent pas.

 

Screenshot_76

 

Nous avons convenu de retourner voir le Docteur Ponti.  Corentin est manifestement dans un état de stress post traumatique, il n'y a pas besoin d'avoir fait médecine pour le voir. Et dans ce contexte psychologique, ses souffrances physiques ne peuvent que perdurer.

 

Screenshot_111

 

Ce coup ci, mon époux a tout rapporté, sans fausse pudeur. Il s'est littéralement mis à nu, rapportant son alcoolisme débutant, son instabilité, ses crises de rage, ses angoisses et ses flashes. 

 

Screenshot_112

 

"Que voulez vous, Monsieur Cirkhaën, c'est déjà un miracle que vous soyez en vie. Laissons le temps au temps...."

Nous sommes reparti sans répondre.

 

 Et puis, Cher Journal ? Corentin s'est plongé au retour de l'hôpital dans une longue période de recherche.

 

Screenshot_124

 

Au début, j'y ai vu un signe de progrès, avant de me rendre compte qu'il étudiait les médecines alternatives. Heureusement qu'il reste trop intelligent pour échouer entre les mains de n'importe quel charlatan ; en revanche, sa nouvelle passion pour les thérapies par les plantes a renforcé mon anxiété. Je suis agricultrice , j'étais pleinement consciente qu'il ne faut pas user de n'importe quel végétal de n'importe quelle façon...

 

Screenshot_67

 

Corentin, lui, s'est essayé à plusieurs reprises à la consommation d'herbes. J'eus beau lui faire part de mes réticences, des risques, il ne m'a pas écouté.

 

Screenshot_68

 

Évidement, il a présenté tous les effets secondaires possibles de ses nouvelles "thérapies".

 

Screenshot_70

 

Il est devenu presque en permanence malade, nauséeux, lorsqu'il n'était pas plongé dans une hébétude proche de la somnolence. Entre nous, le contact s'est amenuisé. Je n'arrivais plus à communiquer avec lui. Et je n'arrivais plus à lui transmettre de l'espoir. 

 

Screenshot_29

 

Il a craqué complètement, et j'ai vu l'homme que j'aime se transformer en épave sous mes yeux. Je serais prête à faire n'importe quoi pour l'aider, mais je ne sais rien proposer qu'un sourire et qu'un optimisme de façade. J'ai évoqué la possibilité de consulter un autre médecin, à Bridgeport,peut-être...

 

Screenshot_31

 

Sa réaction a été plus que vive : violente. Il refuse catégoriquement toute nouvelle confrontation avec un membre du corps médical. Il n'est pas un cas clinique à étudier, en attendant de pouvoir le disséquer...

 

Screenshot_36

 

Mélusine, accro aux études comme elle l'est désapprouve son père. Pour elle, il existe forcément une solution scientifique tant à sa souffrance physique qu'aux tourments de son âme. Reste à la trouver. Mais avancer contre la volonté de Corentin... Comment faire ? Comment peut-on obliger quelqu'un à se soigner, surtout sans certitude du résultat ?

 

Screenshot_33

 

Ma fille chérie s'est plongée dans une profonde réflexion. Nous sommes restées là longtemps, côte à côte, en ressentant cette même terrible impuissance... Sans Mélusine, je ne sais pas si je tiendrais le coup.

 

Screenshot_50

 

Mélusine a pris les choses en main. Corentin refuse toute solution scientifique issue de la communauté médicale, mais pourra-t-il refuser une tentative à sa propre fille bien aimée ?

 

Screenshot_121

 

Elle s'est donc fait construire, en lieu et place de l'ancien atelier dévasté, une unité de recherche high tech où elle se plonge dans les mystères de la sciences, avec un seul objectif, une seule obsession : soulager son père.

 

Screenshot_53

 

Elle a la tête qui bourdonne de théories et d'hypothèses, et n'hésite pas à se servir d'elle même comme cobaye. La science est devenue pour elle une véritable obsession. Mais si elle prétend qu'elle avance, de solution, elle n'en a hélas trouvé aucune.

 

Et puis, cher Journal, comme si c'était encore possible, Corentin m'a infligé une nouvelle blessure. Et se l'est infligée à lui même.

 

Screenshot_116

 

 Il a encore maigri, son visage se creuse. Il prend de plus en plus un regard dément. Ses yeux sont enfoncés dans ses orbites. Lorsque je me réveille en sursaut, la nuit, je vérifie qu'il respire encore.

 

Screenshot_88

 

Et puis en cherchant une babiole, une broutille, j'ai trouvé dissimulé au fond d'un tiroir un petit sachet de poudre blanche...

 

Screenshot_87

 

Mon Dieu, je m'attendais à tout, sauf à cela. Et pourtant... J'aurais dû le voir venir. Les herbes... Sa douleur incontrôlable, sa maigreur, son indifférence pour tout et pour tous... J'aurais dû y penser.

 

Screenshot_157

 

Corentin était parti faire un tour dans la Duesenberg, cette voiture qui nous fut si chère, le symbole de notre amour, et qui maintenant est synonyme de fuite et d'isolement. je pensais qu'il essayait de trouver du calme ; peut être, réalisai-je, ne cherchait-il pas tant être à l'abri des bruits de sa maisonnée qu'à l'abri de tout regard...

J'ai craqué. Je l'ai agoni d'injures. Toute ma tension nerveuse s'est déchaînée en cet instant. Je ne pensais plus qu'au risque qu'il avait fait courir aux enfants. Et si l'un d'entre eux l'avait trouvée, cette poudre ?

 

Screenshot_156

 

Il a tenté de s'excuser, de s'expliquer. S'expliquer de quoi ? La situation me paraissait assez claire... La plus grande dispute de notre vie a duré près de deux heures. Puis, il a juré solennellement de ne pas rapporter de substances illicites aux Tourelles.

 

Screenshot_154

 

Et puis nous avons parlé, pour la première fois depuis très longtemps. Et pour la toute dernière fois. Depuis, il s'est figé dans son mutisme. Il m'a parlé de la Duesenberg, de la vitesse, du volant qui pourrait échapper à son contrôle... De la fin de tout ce supplice...

 

Screenshot_84

 

 Mon Dieu, protégez nous. Je ne suis pas prête à le laisser partir.

 

Screenshot_115

 

Et pourtant, cher Journal... Et pourtant...

 

Cher Journal ;

 

Un jour, l'aube se lève sur un ciel sans nuage.

 

Screenshot_159

 

C'est mon petit génie de fille bien aimée qui a trouvé la solution, ou du moins, le début d'une piste. Elle s'est empressée d'en faire part à son père.

 

Screenshot_160

 

Et elle lui a offert le résultat de ses recherches. Une graine. Une simple plante, modifiée génétiquement. Une fleur de cristal.

 

Screenshot_158

 

Chaque jour, Corentin en se levant se rend à la fleur de cristal et décharge toute sa colère, tout son stress, toutes ses pulsions négatives. Il peut lui parler pendant des heures. Puis, il revient apaisé. Il dort mieux.

 

Screenshot_166

 

Et il mange à nouveau ! Il mange, régulièrement, de petites portions parce qu'il est rassasié en quelques minutes, mais il prend des repas, et y trouve du plaisir.

 

Screenshot_168

 

Il a pris conscience de sa déchéance physique. Il a recommencé à se laver, à se raser. Mélusine s'est chargée de lui couper les cheveux et j'ai refait une nouvelle garde robe à sa taille.

 

Screenshot_169

 

Il a eu l'air d'apprécier sa nouvelle apparence...

 

Screenshot_172

 

Il a même appris à Corwin à conduire. Ce dernier était ravi, et a montré une aisance avec la Duesenberg que n'avait certes pas sa soeur ! Cependant, je lui ai refusé le scooter.

 

Screenshot_170

 

J'ai pu me consacrer de nouveau aux cultures, qui en avaient bien besoin. De nombreux plants sont morts, faute de soin. J'ai replanté avec de meilleurs sarments.

 

Screenshot_175

 

J'ai même pris le temps de taquiner un peu Marguerite, notre vache, et cela m'a fait un bien fou. L'exercice physique a libéré la tension accumulée ces derniers temps, et la joie de la victoire m'a ravie !

 

Screenshot_173

 

Depuis que son père lui parle à nouveau, Elouan fait moins de crises de rage. Il peut désormais se détendre paisiblement avec Xhin sans que le jeu ne dégénère en dispute.

 

Screenshot_189

 

Corentin continue à exprimer sa colère auprès de la fleur de cristal. Matin et soir, par tout les temps, il passe du temps à transférer ses pulsions de violence.

Il souffre toujours physiquement ; mais psychologiquement, il va nettement mieux.

 

Screenshot_174

 

Et il mange de grand appétit ! Peu à peu, il reprend du poids. Je passerais des heures à le voir dévorer tout les petits plats qui lui tombent sous la dent. J'ai tant pensé le perdre.

 

Screenshot_176

 

Il n'a pas repris sa carrière d'inventeur, et je dois avouer que je n'y tiens pas. J'aurais trop peur d'un nouvel accident. Mais il se rend utile dans la maison, réparant les objets cassés, aidant ses fils avec leurs devoirs.

 

Screenshot_178

 

Nous avons de nouveau des moments de complicité, de tendresse....

 

Screenshot_181

 

Et, malgré ses douleurs séquellaires, notre vie romantique a pu reprendre à nouveau. La première fois que nous avons refait l'amour après tant de mois, j'ai dû cacher mes larmes, tant je me sentais envahie par un trop plein d'émotions.

 

Screenshot_187

 

Tout n'est pas résolu, bien sûr ; la composante physique de sa peine, cette brûlure permanente qu'il ressent dans sa chair, sous ses cicatrices, ne s'est pas atténuée. Il apprend seulement à vivre avec.

 

Screenshot_182

 

Mélusine a une théorie à ce sujet : elle pense que les sens exacerbés des loups garous pourraient également être en cause dans l'intensité de la souffrance physique. Que, de la même façon que Corentin sent des odeurs qui nous échappent ou entend un murmure à cent mètres, il perçoit ses douleurs cicatricielles comme un feu dévorant, là où un humain ou un sorcier ne ressentirait qu'une gêne désagréable.

 

Screenshot_183

 

"Donc, si j'ai bien compris," a conclu Corentin, "me transformer en humain, me "guérir" de ma lycanthropie, atténuerait mes souffrances ?" Mélusine a acquiescé. Une thérapie gènique pourrait selon elle le soulager. Une thérapie gènique, ou la magie...

 

Screenshot_184

 

Il lui faut y réfléchir. Ce n'est pas rien, renoncer à tout un pan de son être sur la foi d'une simple hypothèse. Même énoncée par un génie.

 

Screenshot_185

 

Il faut qu'il y réfléchisse...

 

 

23 janvier 2014

Journal de Luciane, chapitre 8.

 

Cher Journal ; 

 

J'ai donc ramené le petit Xhin à la maison. Nous voilà désormais parents de quatre superbes enfants. Inutile de préciser que Corentin n'a opposé aucune objection à cela...

 

Screenshot

 

Je le connais déjà aussi bien que mes propres enfants et je sais qu'il sera doué pour toutes les activités sportives, et bien sûr les Arts Martiaux. Comment pourrait-il en être autrement ?

 

Screenshot_27

 

L'été s'approche. Désormais, les travaux des champs me prennent presque tout mon temps. Je passe des heures à récolter et à désherber... J'ai d'ailleurs récolter de splendides coups de soleil, qui se sont à ma grande joie transformés en superbe bronzage.

 

Screenshot_28

 

Je peux d'emblée dire que la récolte sera bonne, et que nous n'aurons pas de souci financier cette année... Mes courbatures peuvent témoigner de la richesse de notre jardin !

 

Screenshot_2

 

Bien sûr, je garde du temps pour ma nichée d'enfants. En fait, j'aurais largement de quoi m'occuper toute la journée à la Ferme, mais je ne peux pas me passer d'un peu de temps avec eux. Sans quelques batailles d'oreillers avec Mélusine, sans faire des câlins aux bébés et des chatouilles à Corwin, ma journée semble ne pas avoir de saveur...

 

Screenshot_3

 

Mélusine et Corwin sont adorables lorsqu'ils jouent. Aussi étonnant que cela paraisse, compte tenu de leur différence d'âge, ils passent beaucoup de temps ensemble.

 

Screenshot_8

 

Cependant, ils restent très différents. Mélusine est une petite fille sage, studieuse et calme, qui vit dans un monde de tendresse et s'invente des histoires d'amour avec ses poupées...

 

Screenshot_10

 

Corwin, lui, a une conception du jeu plus personnelle. L'attaque du monstre galactique dévorant les habitants, par exemple.

 

Screenshot_8__2_

 

Il est parfois rétif, et se cache quand on essaie de le changer ou de parfaire sa maîtrise hésitante du langage. Cela dit, il reste si mignon que je n'ai pas le coeur à le gronder. Corentin dit que je le gâte, mais il m'attendrit trop, me fait trop rire pour que je me fâche.

 

Screenshot_18

 

Mélusine va grandir bientôt. Le temps passe si vite ! Sous peu, j'atteindrai mes quarante ans, et ma fille va devenir adolescente. Elle est si douce, si songeuse... Je n'arrive pas du tout à m'imaginer de disputes, de conflits et de sautes d'humeur, même sous l'influence de poussées hormonales incontrôlables. Enfin, nous verrons bien.

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_19

 

Mélusine a soufflé ses bougies aujourd'hui. Mon bébé a grandi, et est devenue une jeune fille, presque une femme.

 

Screenshot_23

 

Une très jolie jeune fille au demeurant, un peu coquette, comme toute les adolescentes ; mais pour l'instant, elle reste toujours calme et douce. Pas de poussée d'acnée, de crise de nerfs ou de chagrin d'amour à l'horizon...

 

Screenshot_26

 

Elle a demandé à son père de lui apprendre à conduire autre chose qu'un balai, et elle a donc victorieusement obtenu son permis de conduire au volant de la Duesenberg. Excusez du peu !

 

Screenshot_20

 

En revanche, ses lectures à la lampe de poche ont laissé des séquelles. Elle a du mal à distinguer les détails du jardin désormais, et ses devoirs la rendent migraineuse.

 

Screenshot_47

 

Il fallait se rendre à l'évidence, une visite chez l'ophtalmologiste s'imposait. Ses lunettes lui vont bien, d'ailleurs. Elle s'est longuement regardée en revenant de chez l'opticien, mais le résultat semble lui plaire. Heureusement ; je n'avais pas du tout envie de lui livrer une guerre pour qu'elle porte ses lunettes.

 

Screenshot_48

 

Elle passe toujours beaucoup de temps avec son petit frère Corwin, et participe activement à son éducation et aux soins des petits.

 

Screenshot_37

 

Heureusement d'ailleurs, car il faut reconnaître que Corentin et moi sommes débordés. Trois bambins à la maison ! Et oui, Xhin et Elouan ont grandi, et il faut assurer à eux aussi les bases de l'éducation...

 

Screenshot_32

 

Elouan est devenu un charmant bambin aux yeux bleus turquoise, comme son frère, les yeux d'Adriel. Il a aussi hérité de la chevelure de nuit de son père.

 

Screenshot_40

 

Et Xhin bien sûr ne ressemble qu'à lui même, et pas du tout à son incarnation précédente. C'est un adorable petit garçon, sociable et joueur.

 

Screenshot_38

 

Les trois bouts de chou arrivent à jouer ensemble sans cris ni disputes. Nous n'avons à arbitrer aucun conflit. Nous avons de la chance, car il faut bien admettre que nous n'avons pas une minute à nous.

 

Screenshot_13

 

Corwin a son tour va bientôt grandir et devenir plus autonome. J'attends avec impatience qu'il souffle ses bougies. J'adore mes enfants, mais je suis exténuée, le jardin croule sous les mauvaises herbes et Corentin n'a pas pu toucher à son établi depuis des lustres.

 

Screenshot_14

 

Cela dit, je m'inquiète un peu de voir à quel point mon p'tit loup est tributaire de ses instincts. Il contemple souvent le jardin endormi, de nuit, sous la lune ; on sent qu'il ne rêve que d'une chose, partir vagabonder entre les arbres...

 

Cher Journal ;

 

Screenshot_54

 

Nous avons fêté l'anniversaire de Corwin aujourd'hui. Nous avons chanté "joyeux anniversaire" en choeur, ri, applaudi et l'avons aidé à souffler ses bougies... Et Corwin est devenu en bel enfant au regard lumineux. 

 

Screenshot_61

 

Presque trop lumineux, d'ailleurs. Il a un regard froid de prédateur, n'ai je pas pu m'empêcher de penser. Impossible de ne pas sentir dès le premier abord qu'il est différent de nous autres sorciers. Le physique de Corentin, assez semblable au nôtre sous sa forme humaine, ne m'avait pas préparé à cela.

 

Screenshot_35

 

Nous avons eu, Mélusine et moi, notre première anicroche ce soir là, car elle jugeait urgent de mettre les restes de côté au plus vite, tandis que je m'apprêtais à montrer auparavant sa nouvelle chambre à mon fils. C'est là que j'ai réalisé qu'en grandissant, elle était devenue un peu pingre.

 

Screenshot_60

 

En tout cas, Corwin a adoré sa chambre, et s'est jeté sur le lit pour mieux l'admirer.

 

Screenshot_51

 

j'en profite, cher Journal, pour coller une photo de Mélusine dans sa chambre redécorée depuis son anniversaire. Elle l'aime beaucoup, et passe son temps sur son lit, à méditer, rêvasser ou lire - ma petite intellectuelle... Si différente de moi...

 

Screenshot_53

 

Et la vie quotidienne a repris, avec les travaux des champs, avec l'éducation des petits...

 

 Screenshot_56

 

Si Corwin, tout bambin, contemplait la lune, Elouan, lui, a trouvé une solution toute magique pour se distraire. Il fait apparaître les jouets qui l'intéressent, et joue à les faire s'évaporer ensuite dans un nuage d'étincelles ou de fumée.

 

Screenshot_41

 

Xhin, lui, a des loisirs plus traditionnels.

 

Screenshot_71

 

Corwin en grandissant affiche de plus en plus sa différence avec son intellectuelle de grande soeur. C'est un vrai petit casse cou, toujours en mouvement, toujours prêt à jouer, bondir, grimper aux arbres et sauter des rochers.

 

Screenshot_100

 

Il a une imagination fertile, et s'imagine cow boy, indien, avion ou sous marin - je ne raconte pas l'état du sol de la salle de bain après le passage du Nautilus !

 

Screenshot_65

 

En revanche, il s'est absolument ridiculisé sur le tobbogan. Casse cou, peut être, mais pas toujours ! Il était à deux doigts de m'appeler lors de son premier essai de glissade !

 

Screenshot_66

 

Glissade qui s'est finie par terre, avec une grosse bosse et une bonne dose d'humiliation.... Les tobbogans sont parfois impitoyables. 

 

Screenshot_62

 

Cela dit, ce n'est pas un enfant facile. Ses pulsions de violence transparaissent toujours dans ses jeux. Lorsqu'il chasse des bandits imaginaires, je me prends à m'appitoyer sur leur sort. Il paraît alors si dur, si aggresif.

 

Screenshot_103

 

Il se met parfois en colère ou boude pour rien, une mauvaise note, un exercice difficile, une réprimande. Il n'a aucune tolérance à la frustration, et le moindre refus le fâche, même s'il ne s'agit que d'un bonbon ou d'une broutille.

 

Screenshot_104

 

Alors, c'est l'explosion. Il ne contrôle pas du tout ses pulsions, et se transforme en garou. J'ai un petit loup à la maison, plus qu'un petit garçon, et l'état de ses meubles s'en ressent. Je vais mettre des griffoirs.

 

Screenshot_105

 

Bref, heureusement que j'ai fait ce long travail sur moi pour maîtriser ma peur, parce que mon p'tit loup peu parfois effrayer. Cela dit, ses pulsions incontrôlables me causent quand même beaucoup de soucis pour l'avenir.

 

Screenshot_102

 

Seule Mélusine arrive à juguler un peu les crises de colère de son petit frère. Mes deux aînés restent très complices, et les longs moments  où mon petit génie explique ses multiplications au p'tit loup les rapprochent encore.

 

Screenshot_72

 

Sinon, Mélusine passe son temps dans ses livres. Elle les choisit, les lit, les contemple, comme autant de trésors incompris. Je m'attends chaque jour à ce qu'elle me déclare qu'elle veut devenir écrivain.

 

Cher Journal ;

 

L'été battait son plein, et le jardin avait atteint un tel état de misère que je n'avais plus le choix ; j'ai consacré ma journée à essayer de lui redonner forme.

 

Screenshot_91

 

Sous une chaleur étouffante, j'ai passé ma matinée à désherber, abandonnant les petits à la garde de Mélusine, ce qui n'était d'ailleurs pas une façon très gentille de lui faire passer sa journée de congé.

 

Screenshot_83

 

La chaleur avait tant désséché la terre que mon tracteur soulevait des nuages de poussières, tandis qu'inconsciente du drame qui se déroulait, j'arrosais mes cultures... Si seulement, si seulement j'avais su.... En même temps, qu'aurais je pu faire ? Il est des drames qui ne peuvent être évités. Des traumatismes qui s'abattent comme la foudre.

 

Screenshot_11

 

C'est que, profitant du baby sitting de Mélusine, Corentin s'était éclipsé dans son atelier qui lui avait tant manqué, afin de parachever ses dernières inventions.

 

Screenshot_12

 

"Une invention bien conçue ne présente aucun danger à réaliser"'. Si seulement il avait dit vrai.... Si la chance avait été de son côté... Si cette journée avait pu ne jamais exister...

 

Screenshot_4

 

L'invention a pris feu. Le feu s'est étendu. En peu de temps, c'est l'atelier entier qui brûlait avec ardeur.

 

Screenshot_69

 

Corentin a dû franchir un véritable mur de flammes pour sortir et s'échapper du brasier. Le médecin nous a confié que seule une transformation en garou, en renforçant ses forces, lui avait permis de survivre à ses brûlures.

 

Screenshot_79

 

A peine le seuil des Tourelles franchi, il s'est écroulé sur le sol, incapable de bouger. Et je n'étais pas là ! J'ignorais tout ! Mélusine, seule à pouvoir réagir, a dû appeler le médecin en urgence.

 

Screenshot_93

 

 

Le médecin a été très pessimiste. Les seules chances de survie de Corentin tenaient à sa nature animale. Et elles restaient minimes.

 

 

 

Publicité
Publicité
1 2 3 4 5 > >>
Publicité